Débandade : la raison n'est pas dans la capote

Première rencontre, un homme et une femme se séduisent... Chabadabada... S'ensuit la fougue d'une première fois et là, catastrophe, au moment d'enfiler le préservatif, l'érection de Monsieur se dégonfle comme un ballon de baudruche. Les hommes dans ce cas sont nombreux et les études sur la "dysfonction érectile liée au préservatif" aussi. Toutefois, une question restait en suspend : les hommes concernés rencontrent-ils des troubles de l'érection en dehors du préservatif ? Une étude y répond, suggérant que le préservatif n'est sans doute pas l'explication de cette panne embarrassante…

Dr Charlotte Tourmente
Dr Charlotte Tourmente
Rédigé le , mis à jour le
La raison de la débandade n'est pas dans la capote (Photo © Barabas Attila - Fotolia.com)
La raison de la débandade n'est pas dans la capote (Photo © Barabas Attila - Fotolia.com)

L'étude a inclus 479 hommes hétérosexuels âgés de 18 à 24 ans utilisant des préservatifs régulièrement et n'étant pas en couple depuis plus d'un mois. Car si les troubles de l'érection sont plus fréquents chez les hommes de plus de 50 ans, les jeunes sont également concernés puisque une étude récente avait évalué à 5% la proportion d'homme de 18 à 29 ans ayant rencontré des difficultés d'érection au cours des 6 derniers mois [1]. Les difficultés occasionnelles semblent beaucoup plus fréquentes si l'on en croit certaines études [2] qui les chiffrent jusqu'à 30%...

Des facteurs prédisposant à la panne liée au préservatif…

Certains facteurs de risque de dysfonction érectile sont bien connus et le préservatif en fait partie, même si les mécanismes l'expliquant restent incertains... Ce trouble pourrait être associé à une utilisation irrégulière ou erronée du préservatif (perte, mise en place tardive, élimination précoce,...). De plus, la probabilité de souffrir de ce type de difficultés augmente si l'homme n'a pas confiance dans la façon dont il met le préservatif, s'il ne se sent pas à l'aise lorsqu'il el porte ou s'il a des partenaires multiples [3]. La mauvaise perception de la qualité de l'érection était aussi associée à un mésusage du préservatif.

Des pannes... même sans préservatif

Les participants à l'étude ont donc répondu à différentes questions en ligne, à propos de leurs érections et leurs variations lors de l'utilisation du préservatif et de rapports non protégés, durant les 90 jours précédant le questionnaire. Le trouble de l'érection était évalué grâce à l'index international de la dysfonction érectile (IIEF-5).

38,4% des hommes interrogés déclaraient ne pas avoir de panne avec le fameux "bout de latex", 13,8% perdaient leur érection en le mettant, 15,7% une fois la pénétration débutée et 32,2% dans les deux situations. Fait intéressant, les hommes concernés par la dysfonction érectile liée au préservatif étaient plus souvent confrontés à une panne même sans mettre de préservatif. De plus, les hommes chez qui la pénétration était accompagnée d'une perte d'érection avaient des scores plus bas sur l'Index évaluant l'érection.

Pour les auteurs, il n'est pas étonnant que les hommes souffrant d'une dysfonction érectile rencontrent des difficultés d'érection quand ils utilisent un préservatif. Ils supposent que ceux qui ont eu une mauvaise première expérience avec le préservatif appréhendent les rapports suivants et le rôle négatif de l'anxiété sur l'érection est bien documenté et contribue à entretenir le trouble de l'érection.

Il existe toutefois trop de limites pour généraliser les conclusions de cette étude : les participants sont jeunes, dans des relations de courte durée, qui parlaient anglais et avaient accès à Internet. Les hommes en couple depuis plus d'un mois ont été exclus volontairement car d'autres études avaient montré qu'ils utilisaient moins le préservatif que ceux avec des partenaires occasionnelles. De plus, les hommes ayant déjà utilisé un préservatif mais l'ayant abandonné pour une raison ou une autre, n'étaient pas inclus dans l'étude alors qu'ils pouvaient être concernés par la dysfonction érectile liée au préservatif… Autre limite : classiquement, la dysfonction érectile prend en compte la souffrance causée par ce trouble, souffrance qui n'était pas prise en compte dans cette étude.

Thérapie sexuelle et information

Il est évident que les hommes ont tendance à négliger le préservatif pour éviter une panne et courent le risque de contracter une infection sexuellement transmissible.

Les auteurs de l'étude suggèrent une thérapie psycho-sexuelle et une information adaptée puisque bon nombre des troubles sexuels étaient liés à une méconnaissance du préservatif ou un mauvais usage (plus d'1/3 n'avaient jamais appris comment mettre correctement le préservatif). Or c'est indispensable pour prendre confiance dans sa capacité à bien s'en servir mais aussi dans la capacité du préservatif à protéger des infections et de la grossesse. Certains sexologues recommandent ponctuellement la prise d'un médicament de l'érection (inhibiteur de la phospho-5-diestérase) mais les auteurs rappellent qu'ils ne fonctionnent pas forcément dans cette circonstance particulière et qu'ils augmentent le risque de rupture de préservatif[4].

Etude source : General Erectile Functioning among Young, Heterosexual Men Who Do and Do Not Report Condom-Associated Erection Problems (CAEP). Stephanie A. Sanders et all. J of Sex Med. 17 Aug 2015. DOI: 10.1111/jsm.12964

 


[1] Health-related characteristics and unmet needs of men with erectile dysfunction: A survey in five European countries Jannini EA. J Sex Med 2014;11:4050

[2] Sexual dysfunctions among young men: Prevalence and associated factors. Mialon AJ Adolesc Health 2012;51:2531

[3] Erection loss in association with condom use among young men attending a public STI clinic: Potential correlates and implications for risk behavior. Graham CASex Health 2006;3:255260

[4] Is PDE-5i use associated with condom breakage? Crosby R. Sex Transm Infect 2009;85:404405

S'habituer au préservatif

L'homme peut s'habituer au préservatif lors de la masturbation, sans la présence de la partenaire. Il pourra apprendre à l'enfiler et garder progressivement la qualité de son érection. De plus, la masturbation permet de choisir sans pression la taille qui convient, ni trop grande si le pénis "flotte", ni trop petite quand il est comprimé. Certaines marques proposent des préservatifs très fins, en polyisoprène, qui préservent les sensations du pénis. Une fois que l'homme est plus à l'aise, il est conseillé de garder le préservatif à proximité du lieu du rapport (s'il est à l'autre bout de l'appartement, c'est le meilleur moyen de perdre l'érection !), avec la pochette pré-ouverte pour gagner du temps. Les partenaires intégrent la pose dans un jeu érotique avec la partenaire qui continuera à caresser le pénis pour le stimuler. Si vraiment le blocage persiste, il existe une autre option : le préservatif féminin...