Syndrome de Cloves : "Ce traitement a changé ma vie"
Le syndrome de Cloves est une maladie génétique qui déforme les corps, les visages et entraîne parfois un rejet social. Noha, 19 ans, bénéficie d'un traitement révolutionnaire qui diminue les malformations causées par la maladie. Elle témoigne.
À l'hôpital de Saint-Maurice, au pôle de rééducation pédiatrique, Noha, 19 ans, est la doyenne du service. Ici, c’est un peu sa deuxième maison. Cela fait cinq mois qu’elle est hospitalisée et elle n’en est pas à son premier séjour.
Noha est amputée des deux jambes. Elle a rendez-vous aujourd’hui pour un bilan avec la cheffe de service. Après l’amputation de sa jambe gauche à l’âge de 10 ans, Noha a dû se résigner à faire amputer sa jambe droite il y a quatre mois. C'est la conséquence de la maladie génétique rare dont elle souffre, le syndrome de Cloves.
"Me mettre debout était impossible"
"Dès ma naissance, j'ai eu un gigantisme au niveau des membres inférieurs. En haut, j'étais toute maigre et mes jambes étaient très grosses, très encombrantes, très lourdes. Je ne pouvais plus m’appuyer dessus, donc vraiment me mettre debout était impossible. C'est pour ça qu’on a décidé d’amputer et pour moi, aujourd'hui, c’est la meilleure des décisions, je ne le regrette absolument pas", raconte Noha.
Les jambes, mais aussi l’abdomen, la rate, la vessie… Chez Noha, le syndrome de Cloves a touché de nombreux organes.
La cause est une mutation d’un gène appelé PIK3CA, un gène qui active la prolifération des cellules. Résultat : chez tous les patients, les tissus se mettent à croître de manière anarchique, entraînant des malformations souvent impressionnantes et douloureuses.
Un traitement révolutionnaire
Le pronostic vital de ces enfants était engagé, jusqu’à la découverte révolutionnaire d’un médecin de l’hôpital Necker. Il y a sept ans, le Pr Guillaume Canaud a eu l’idée d’utiliser sur un de ses patients un médicament développé contre certains cancers du sein qui comportent la même mutation génétique que dans le syndrome de Cloves.
"Le médicament rentre dans toutes les cellules du corps, notamment les cellules malades et il va bloquer la protéine PIK3CA, qui va empêcher l’activation de ce fameux PIK3CA. Ce traitement peut avoir un effet miraculeux sur le volume des malformations, les symptômes. On a des patients qui ont des diminutions de 60% de leurs malformations après un an", explique Guillaume Canaud, professeur de thérapeutique à l'hôpital Necker.
"J'ai accepté mon corps et le regard des autres"
Noha a fait partie des premiers patients à avoir bénéficié de ce remède inespéré. "Ce traitement a permis chez Noha de contrôler initialement les douleurs et puis de diminuer le volume de l'abdomen et des différentes anomalies à l'intérieur et sur les membres inférieurs. Il faut augmenter la dose progressivement, mais il y a des choses sur lesquelles on tâtonne, alors on travaille ensemble pour arriver à mieux contrôler tout ça. Le traitement a permis d’éviter une aggravation de la pathologie qui aurait été inéluctable", poursuit le Pr Guillaume Canaud.
Ce traitement, Noha ne pourra sans doute jamais l’arrêter. Si ses effets secondaires sont minimes, ses bienfaits, eux sont considérables.
"Ce traitement m’a changé la vie dans le sens où j’ai accepté un peu plus mon corps et un peu plus le regard des autres aussi. Certes, je suis en fauteuil, ça attire toujours l’attention, mais c'est pas du tout la même chose. Des gens en fauteuil, il y en a plein… Je me trouve peut-être un peu plus belle, je me sens mieux, beaucoup mieux", confie Noha.