Tickets-resto : "un vrai retour en arrière" face aux aliments ultra-transformés
À compter du 1er janvier 2024, il ne sera plus possible d’acheter certains aliments avec sa carte ticket-restaurant, au profit des plats ultra-transformés. Une décision "qui ne va pas dans le bon sens" estime Mathilde Touvier, directrice de recherche à l’Inserm.
Mise à jour du 15/11/23 : La ministre déléguée au Commerce Olivia Grégoire a annoncé ce mardi 14 novembre qu'il restera possible d'utiliser les titres-restaurant pour payer toutes les courses alimentaires "tout au long de l'année 2024". Le plafond d'utilisation de 25 euros par jour restera également inchangé, a précisé la ministre.
La modification de la réglementation des tickets-restaurants annonce un bouleversement dans les habitudes de consommation alimentaire des salariés français. Elle augure surtout une recrudescence des aliments ultra-transformés dans le panier de courses des Français. À partir du 1er janvier 2024, de nombreux aliments, comme les pâtes, le riz ou encore le beurre, ne seront plus éligibles aux "tickets-restos" dans les supermarchés.
Près de 5 millions de Français concernés
À cette date prendra fin la dérogation entrée en vigueur en octobre 2022, dans le but d’améliorer le quotidien et le pouvoir d’achat des plus de quatre millions de salariés qui bénéficient aujourd’hui des titres-restaurants.
"Jusqu'au 31 décembre 2023, les titres-restaurant peuvent être utilisés pour acquitter la totalité ou une partie du prix de tout produit alimentaire, qu'il soit ou non directement consommable (viandes, féculents, produits surgelés à cuire, etc.) conformément à l’article 6 de la loi pour la protection du pouvoir d’achat", indique le site du ministère de l’Économie.
Quels sont les produits concernés par la fin des tickets-resto ?
La Commission nationale des titres restaurant (CNTR) a établi une liste complète des aliments concernés par la dérogation qui prend fin le 31 décembre 2023. À partir de cette date, il ne sera plus possible d’utiliser les tickets-restaurants pour acheter notamment :
- des pâtes ;
- du riz ;
- du beurre ;
- de l’huile ;
- des viandes et des poissons non transformés ;
- des glaces et sorbets ;
- des viennoiseries.
D’autres produits, déjà non éligibles au paiement en titres-restaurants avant octobre 2022, en restent exclus :
- les boissons alcoolisées ;
- les confiseries ;
- les produits infantiles ;
- les produits animaliers ;
- les produits non alimentaires.
Quels produits peuvent encore être achetés avec des tickets-resto ?
Les titres-restaurants pourront encore être utilisés pour acheter des produits consommables directement. Sont notamment concernés :
- les plats préparés ;
- les salades composées ;
- les sandwichs ;
- les conserves ;
- les viandes et les poissons transformés ;
- les produits laitiers ;
- les fruits et légumes ;
- les eaux plates et gazeuses, ainsi que les jus de fruits.
Une liste qui interroge, de par l’importante place accordée aux produits transformés, voire ultra-transformés. Une liste, surtout, "qui pose problème" juge Mathilde Touvier, épidémiologiste et directrice de recherche à l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), spécialiste de la question nutritionnelle.
"Des conséquences sur la santé des consommateurs"
Pour la docteure en nutrition, cette décision de passer à l’as certains produits de première nécessité, comme le beurre, la farine ou les œufs, ainsi que les viandes ou poissons non transformés, "va totalement à l’encontre de ce que l’on pourrait attendre d’une politique de santé publique. On est sur un véritable retour en arrière."
"Mettre en avant les produits ultra-transformés aura des conséquences sur la santé des consommateurs, confrontés à des aliments trop gras, trop sucrés ou trop salés", regrette Mathilde Touvier, qui pilote le comité scientifique du désormais célèbre Nutri Score.
"On privilégie aujourd’hui des plats préparés qui contiennent des additifs alimentaires comme des pasta box, vendues dans des barquettes plastiques susceptibles de libérer des particules plastique lors de la cuisson au micro-ondes. Au détriment d’aliments moins transformés et plus sains."
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Risque de maladies cardiovasculaires ou de cancer
Aujourd’hui, "plus de 75 études épidémiologiques menées chez l’homme ont établi un lien entre la consommation d’aliments ultra-transformés et des problèmes pour la santé des consommateurs", poursuit l’épidémiologiste, titulaire de la chaire annuelle de santé publique au Collège de France. "Ces produits augmentent le risque de développer des maladies cardiovasculaires, mais également de l’obésité, du diabète ou encore des cancers."
La modification des modalités de prises en charge des tickets-restaurant risque également "d’accroître les inégalités sociales en matière de nutrition", prédit la chercheuse. "Après la période de Covid, nous avons observé des modifications majeures de la consommation alimentaire des salariés, dans le bon sens", ajoute Mathilde Touvier. En pleine période d'inflation, ces changements risquent bien d’être un frein pour une alimentation plus vertueuse des salariés.