H7N9 : créer un virus mutant de la grippe aviaire pour mieux le combattre ?
Un groupe international de chercheurs a proposé de créer en laboratoire un virus mutant de la grippe aviaire (H7N9) capable de se transmettre entre mammifères ou de résister aux anti-viraux pour mieux cerner et combattre cet agent pathogène, et éviter une possible pandémie dévastatrice.
Le virus H7N9, particulièrement virulent, est apparu en Chine au début du printemps 2013 et a infecté plus de 130 personnes dans ce pays dont 43 sont mortes.
Une étude parue dans le British Medical Journal, mardi 6 août 2013, fait part du premier cas probable de transmission entre humains de H7N9 en Chine. Les deux personnes infectées, le père et sa fille, sont décédées.
De plus, le virus a montré des signes de résistance aux principaux anti-viraux.
Créer un virus mutant plus virulent pour mieux le combattre
L'épidémie est maintenant sous contrôle grâce à la fermeture de nombreux marchés de volailles, principale source d'infection et au fait que les températures sont plus chaudes en été.
Mais expliquent ces chercheurs, dont notamment les virologues néerlandais Ron Fouchier (Rotterdam) et américain Yoshihiro Kawaoka de l'Université du Wisconsin-Madison, le virus pourrait réémerger avec des mutations à l'approche de l'hiver avec la capacité potentielle de se transmettre par voie aérienne entre humains.
Le Dr Fouchier et ses collègues décrivent dans leur lettre publiée dans la revue américaine Science et britannique Nature l'approche qu'ils entendent suivre pour décoder en laboratoire les processus moléculaires clé de H7N9 avec des manipulations génétiques, créant en d'autres termes un virus mutant plus virulent, résistant aux anti-viraux ou capable de se transmettre entre des mammifères, soit potentiellement entre humains.
Avec ces expériences, ils espèrent "trouver ce qui rend cet agent pathogène potentiellement mortel pour l'homme et les moyens d'arrêter sa possible propagation".
Ils expliquent que dans ce cas, les études épidémiologiques classiques et la surveillance ne donnent pas assez de temps aux autorités sanitaires pour élaborer une réponse efficace contre une éventuelle pandémie.
Des recherches sous haute surveillance
Ces chercheurs soulignent aussi qu'ils prendront les précautions qui s'imposent pour travailler avec des virus génétiquement modifiés et respecteront les réglementations mises en place en 2012 par l'Organisation mondiale de la Santé (OMS) et les Etats-Unis pour les travaux controversés sur le virus de la grippe H5N1.
Le Dr Fouchier et son collègue Yoshihiro Kawaoka avaient chacun de leur côté créé un virus mutant H5N1 de la grippe capable de se transmettre entre mammifères.
Les autorités américaines avaient bloqué la publication de leurs études en 2011 et ce pendant plusieurs mois en avançant le risque bioterroriste ou qu'un tel virus s'échappe du laboratoire. Elles avaient demandé à ce que des mesures soient prises pour mener de telles recherches avant qu'elles puissent reprendre ce qui n'est toujours pas le cas aux Etats-Unis, selon Ron Fouchier. Il a précisé à l'AFP que les travaux sur le virus mutant H5N1 avaient recommencé dans son laboratoire à Rotterdam.
Un groupe de 40 scientifiques avaient également accepté un moratoire sur ce type de recherche qui a été levé plus tôt cette année.
Les chercheurs soulignent dans leur lettre que la controverse suscitée par les recherches sur le virus mutant H5N1 "a été salutaire car elle a relancé le dialogue sur la sécurité sanitaire des laboratoires et sur le double usage des recherches", civiles et militaires. Aux Etats-Unis, des contrôles supplémentaires ont également été mis en place pour minimiser les risques dans les laboratoires, notent-ils.
Le ministère américain de la Santé a indiqué que toutes recherches qu'il finance visant à créer des virus H7N9 capable de se transmettre entre des mammifères par voie aérienne feraient l'objet d'un examen accru.
Source : "Gain-of-Function Experiments on H7N9", Science 9 August 2013: Vol. 341 no. 6146 pp. 612-613, DOI: 10.1126/science.341.6146.612
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