L’étrange épidémie du temps d’Œdipe…

Les lecteurs de Sophocle s’en souviennent sans doute… Dans sa pièce, Œdipe-roi, le poète tragique grec met en scène une ville de Thèbes dévastée par une étrange épidémie. Des chercheurs ont mené une enquête médico-historique. Il pourrait s’agit d’une zoonose.

La rédaction d'Allo Docteurs
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L’étrange épidémie du temps d’Œdipe…

"La  Cité se meurt en ces morts sans nombre. Nulle pitié ne va à ses fils gisant sur le sol : ils portent la mort à leur tour, personne ne gémit sur eux. Epouses, mères aux cheveux blancs, toutes de partout affluent au pied des autels, suppliantes, pleurant leurs atroces souffrances." - Sophocle

L’histoire qui se passe en Grèce, au Ve siècle avant Jésus-Christ, est connue. Œdipe, fils du roi Laïos et de la reine Jocaste,  est abandonné par ses parents pour éviter la réalisation de l’oracle : un jour cet enfant tuera son père et épousera sa mère. L’enfant est sauvé par des bergers et des années plus tard, au cours de son errance, rencontre son père qu’il prend pour le chef d’une bande de voleurs et le tue. Revenu à Thèbes, les habitants lui offrent la main de la reine (devenue veuve) pour le récompenser de les avoir débarrassés du Sphinx qui assiégeait la ville. La prophétie est réalisée.

Des années plus tard, la ville est ravagée par une épidémie qui frappe les hommes et les bêtes. L’oracle de Delphes l’attribue à la réalisation du vieil oracle. Œdipe qui comprend qu’il est à la fois parricide et fils incestueux, se crève les yeux.

Mais quelle était donc cette épidémie ? Dans une étude publiée dans le numéro de janvier 2012 d’Emerging Infectious Diseases, des chercheurs ont mené l’enquête. Ils ont passé en revue plusieurs maladies et se sont concentré sur cinq d’entre elles. Quatre ont ensuite été écartées, ne collant pas assez bien avec la description de Sophocle : la tularémie (car portée essentiellement par des tiques de rongeurs et de lapins), la variole (qui ne se transmet pas au bétail), la leishmaniose (pas assez contagieuse) et la leptospirose (surtout portée par les rats et c'est aussi pour cette raison que la peste a été écartée).

Ce pourrait être la brucellose, une maladie qui touche les bovins et les hommes, que l’on retrouve depuis longtemps dans le bassin méditerranéen, qui était déjà connue à l’époque d’Hippocrate, contemporain de Sophocle, et qui est réputée provoquer des fausses couches. Le seul hic, c'est que la mortalité entraînée par cette pathologie est généralement faible et que la contamination inter-humaine, de nos jours, l'est également.

En 2006, une autre étude grecque (document PDF) révélait avec fracas que le mystère de la peste athénienne était élucidé : après la découverte d'une fosse commune datant d'environ 430 av. J.-C., l'analyse de la pulpe de quelques dents avait révélé la présence de la salmonelle responsable de la fièvre typhoïde. Résultat ensuite remis en cause par une équipe américaine, ayant montré que le micro-organisme détecté était probablement une bactérie moderne installée dans le sol, une voie biologico-archéologique a été ouverte qui pourrait permettre de confirmer ou d'invalider l'hypothèse de la brucellose.

Alors... brucellose ou fièvre typhoïde ? Pour l’instant le mystère demeure. Jusqu’à ce qu’on retrouve peut-être des squelettes de l’époque qui nous en diront plus, on l’espère, sur la mystérieuse épidémie de la ville d’Œdipe…

 

Source : Kousoulis AA, Economopoulos KP, Poulakou-Rebelakou E, Androutsos G, Tsiodras S. The plague of Thebes, a historical epidemic in Sophocles’ Oedipus Rex. Emerg Infect Dis [serial on the Internet]. 2012 Jan