L'IVG, un droit menacé ?
Près de 40 ans après la loi Veil adoptée en 1975, la question de l'avortement continue de faire débat au sein de la société française. Enthousiasmés par l'"exemple" espagnol, plusieurs milliers d'opposants à l'avortement ont manifesté dimanche 19 janvier, à Paris, alors que les députés débattent à partir de lundi 20 janvier, d'un texte incluant des dispositions visant à faciliter et protéger en France le recours aux IVG.
Les organisateurs de la "Marche pour la vie" affirment avoir battu cette année un "record" avec "près de 40.000 personnes". D'après la police, ils étaient 16.000.
A l'exception de 2013, où elle avait rejoint la Manif pour tous, cette marche est organisée depuis 2005 par une quinzaine d'associations autour de la date anniversaire de la loi Veil de 1975, qui a légalisé l'avortement en France. Elle avait réuni en 2012 près de 7.000 personnes selon la police, 30.000 selon les organisateurs.
Venus en masse de province, les manifestants ont reçu samedi le soutien du pape François, qui recevra vendredi prochain le président François Hollande, les invitant à "maintenir vive leur attention pour ce sujet si important".
La marche des opposants à l'interruption volontaire de grossesse célébrait cette année l'Espagne, où le gouvernement a présenté en décembre un projet supprimant quasiment l'avortement. Plusieurs parlementaires de la droite espagnole avaient fait le déplacement.
Adopté fin décembre en Conseil des ministres, le texte espagnol vise à limiter le droit à l'avortement à quelques cas restreints: danger pour la vie ou la santé physique ou psychologique de la femme, viol ayant fait l'objet d'une plainte. Il devrait arriver au Parlement dans environ deux mois.
Peur d'une 'banalisation totale de l'avortement'
Pour saluer cette évolution "avant-gardiste", de nombreux manifestants étaient vêtus de rouge et jaune, couleurs du drapeau espagnol.
La contre-manifestation organisée en même temps place d'Italie a rassemblé entre 200 et 300 personnes refusant "que la France devienne comme l'Espagne".
Les opposants à l'avortement vilipendent deux amendements socialistes "glissés en catimini" dans le projet de loi sur l'égalité femmes-hommes qui veut notamment étendre la parité et inciter les pères à prendre un congé parental. Il est examiné à l'Assemblée nationale de lundi à vendredi.
Le premier amendement propose qu'une femme puisse demander une IVG si elle "ne veut pas poursuivre une grossesse" et non plus parce que "son état (la) place dans une situation de détresse".
Cette suppression revient à "une banalisation totale de l'avortement et une dénégation du droit à la vie inscrit dans le code civil", a dénoncé Cécile Edel, porte-parole du collectif d'associations.
"Cela va développer encore plus les avortements eugénistes", s'est alarmé Jean-Marie Le Méné, président de la fondation Jérôme Lejeune.
Des députés UMP vont défendre le maintien de la notion qui fait, selon eux, de l'IVG une "exception". Pour autant, "nous ne cherchons pas à raviver les querelles autour de l'IVG, nous ne sommes pas en Espagne", assurait récemment Philippe Gosselin, membre de l'Entente parlementaire pour la Famille.
Avec ce texte, "on ne pourra plus être contre l'avortement (...) sur notre site SOS femmes enceintes, nous serons obligés de donner des informations sur l'avortement", affirme Mme Edel. Le projet de loi "qualifie d'entrave le fait d'empêcher physiquement l'accès des femmes à des lieux d'information sur l'IVG", il n'empêche pas l'expression d'opinions, précise-t-on au ministère.
Alors que plus de 220.000 avortements sont pratiqués chaque année en France, où l'IVG est intégralement remboursée depuis janvier 2013, le Haut conseil pour l'égalité entre les femmes et les hommes avait pointé il y a quelques mois la forte influence des anti-IVG sur internet avec des sites à l'apparence "neutre, voire institutionnelle" délivrant une information "fallacieuse". Le gouvernement a depuis lancé un site "neutre" www.ivg.gouv.fr.
Environ une Française sur trois a recours à un avortement au cours de sa vie.
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