Les 15 ans du ''Magazine de la santé'' : les mots du Pr Laurent Cohen
Le Pr Laurent Cohen, neurologue à l'hôpital de la Salpêtrière et responsable de l'équipe "Neuropsychologie et Neuroimagerie" à l'Institut du Cerveau et de la Moëlle épinière, partage sont temps entre la clinique, la recherche et l'enseignement… Sans oublier ses chroniques au "Magazine de la santé". Pour les 15 ans de l'émission le 26 février à 20h30, il revient sur la nécessaire médiatisation de la médecine, mais aussi sur les difficulté de cet exercice.
- Est-ce que vous regardez les émissions médicales à la télévision ?
Pr Laurent Cohen : "Pas très souvent. La meilleure émission est évidemment le Magazine de la Santé, qui passe à une heure où j’ai rarement l’occasion de le regarder. J’avoue que quand je fais moi-même une chronique, je me regarde sur internet le soir même… "
- Le fait de passer à la télévision influence-t-il votre quotidien de travail ?
L. C. : "A vrai dire, non. De temps en temps un patient me dit - Ha ! On vous a vu à la télévision – mais les choses s'arrêtent là "
- Que pensez-vous du traitement médiatique réservé à la médecine en général ?
L. C. : "Il est indispensable de faire partager au public les progrès de la recherche et de la médecine. Ne serait-ce que parce que la recherche médicale est largement financée par les deniers du public, c'est-à-dire par nos impôts. La moindre des choses est donc que le public sache ce qu'il a pour son argent. Et naturellement, la santé n'est pas simplement un sujet scientifique parmi d'autres : tous les sondages montrent que c'est l'une de nos premières préoccupations, si ce n'est la première.
"Bien sûr, parler d'une façon à la fois compréhensible et juste de sujets qui sont à la fois complexes et angoissants constitue un véritable défi. Je pense, par exemple, à la situation de l'ancien premier ministre israélien Ariel Sharon, qui est dans une sorte d'état végétatif depuis plusieurs années. Il y a deux semaines, nous avons appris par la presse, de façon très imprécise, qu'une certaine activité cérébrale avait été mise en évidence chez lui. Ce sont des sujets, aux frontières de la vie et de la mort, qui soulèvent beaucoup de fantasmes, et sur lesquels le public garde des idées assez confuses. On a aussitôt assisté aux interprétations les plus farfelues. Ce n'est qu’un exemple des sujets médicaux sur lesquels il est à la fois nécessaire et difficile de faire passer une information exacte. "
- Faites-vous un effort pour modifier votre langage quand vous présentez vos chroniques dans le Magazine de la santé ?
L. C. : "Je suis convaincu qu'on peut expliquer des choses assez complexes de façon simple, à condition de savoir se mettre à la place de son interlocuteur. C’est le lot quotidien des médecins, qui doivent faire comprendre maladies et traitements à des patients d’âge, de culture, et d’éducation très variée : éviter le jargon, donner les bases avant d’en venir aux points plus complexes, faire le tri entre l’essentiel et l’accessoire, trouver des images et des comparaisons claires. Et à la télévision, on s'adresse à un public très varié. Il faut donc trouver un langage commun, et essayer d'intéresser le plus grand nombre."
- Sur Internet, il est facile de trouver des informations médicales et de les interpréter, et de se faire son propre diagnostic. Voyez-vous cela d'un bon œil ?
L. C. : "Quand les gens viennent en consultation, on sait qu'avant même de venir nous voir, ils ont souvent déjà trouvé beaucoup d’informations sur Internet. On peut voir ce phénomène comme on veut, mais c'est une réalité dont il faut s’accommoder. Fondamentalement, je pense que c’est une bonne chose : nous n'allons pas nous plaindre de la diffusion du savoir. Mais il reste que toutes les informations ne se valent pas, et que le tri est difficile.
"Sur les forums, certaines personnes livrent sans aucune distance leur expérience et leurs opinions personnelles, expérience et opinions qui peuvent être prises pour argent comptant par d’autres patients qui recherchent anxieusement tout ce qui pourrait les éclairer sur leurs propres problèmes. L’entretien avec un médecin en chair et en os reste bien utile pour faire le tri entre ce qui est vrai ou faux, certain ou douteux, ce qui s'applique à votre cas particulier ou pas."
- Que pensez-vous du Magazine de la santé ?
L. C. : "J'admire la manière dont tous les jours l'émission arrive à sortir des sujets aussi variés, avec toujours des informations sérieuses et des intervenants triés sur le volet. Alors, tout ce que je peux souhaiter à l’occasion de cet anniversaire, c'est que le magazine continue au moins 15 ans de plus !
Retrouvez Laurent Cohen dans notre émission et pour la spéciale 15 ans le 26 février à 20h30 sur France 5.
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