Maladies génétiques : l'âge du père en cause
En moyenne, lors de la conception d'un premier enfant, les hommes ont aux alentours de 31 ans et les femmes entre 28 et 29 ans. On sait depuis longtemps qu'à partir de 38 ans, les femmes voient augmenter de 1 % le risque qu’une mutation se produise lors du développement embryonnaire et entraîne une trisomie 21 chez l'enfant. Cependant, l'âge du père serait également impliqué dans la survenue de maladies génétiques.
A partir de quel âge peut-on parler de "père vieux" ?
Que ce soit pour l'homme ou pour la femme, l'âge à partir duquel on prévoit plus de mutations est déterminé arbitrairement. Il n'y a donc pas de seuil à partir duquel on peut dire qu'un homme est trop vieux pour être père.
"Il y a une augmentation régulière et sans à-coup du risque de mutations génétique au cours du temps", explique le Pr. Stanislas Lyonnet, chef du service de génétique de l'Hôpital Necker à Paris. Plus un homme avance en âge, plus il y a de risques de transmettre des mutations au génome de l'enfant.
Quels mécanismes entrent en jeux ?
Chez l'homme, la production de spermatozoïdes est continue. Durant la spermatogénèse, les spermatogonies, cellules souches à l'origine des spermatozoïdes, subissent de nombreuses divisions successives. A chaque division, il y a des erreurs de copies de l'ADN, qui s'accumulent au cours du temps. Dans la plupart des cas, elles n'ont pas de conséquences sur le développement de l'enfant, mais en s'ajoutant les unes aux autres, elles peuvent être à l'origine de maladies génétiques.
En fait, selon le Pr. Lyonnet, c'est l'accumulation de division qui rend la situation critique. "Le taux de mutation n'augmenterait pas mais c'est le nombre de divisions qui augmente", explique-t-il.
Conséquences des mutations
Il est normal de retrouver des variations entre les génomes des deux parents et celui de leur enfant, on estime que leur nombre est compris entre 70 et 80 en moyenne. Des mesures par séquençage du génome ont montré que "dans quatre cas sur cinq, les mutations sur l'ADN sont d'origine paternelle", indique le Pr. Lyonnet.
Pour beaucoup de maladies génétiques, comme la neurofibromatose, le nanisme, l'autisme ou encore la schizophrénie, des études statistiques ont montré que l’âge moyen du père était supérieur à 31 ans (âge moyen de la conception du premier enfant).
Le risque pour un père d'être à l'origine d'une mutation génétique augmente avec l'âge. Les pères de garçons autistes sont six fois plus souvent dans leur quarantième année que dans leur vingtième. Et pour les pères de filles autistes, ils sont dix-sept fois plus souvent âgés de plus de 40 ans.
Ce phénomène est resté longtemps méconnu car l'âge des hommes est à l'origine de plusieurs pathologies qui sont individuellement rares, contrairement à l'âge des mères qui ne concerne que la trisomie 21.
Les femmes ne sont donc plus les seules à être mises en garde contre des naissances à un âge avancé. Troubles autistiques, schizophrénie, malformations congénitales, les hommes âgés peuvent aussi faire courir de sérieux risques à leur descendance.
C'est ce que confirme une nouvelle étude publiée, mercredi 22 août 2012, dans la revue scientifique britannique Nature, plus les hommes sont âgés au moment de la procréation, plus le génome qu'ils transmettent à leurs enfants comporte de mutations spontanées, dont certaines passent pour être impliquées dans les troubles autistiques et la schizophrénie.
Elles ne sont pas néfastes en soi puisqu'elles constituent l'une des principales sources de diversité génétique, moteur de l'évolution. Mais elles peuvent également générer diverses maladies ou malformations congénitales.
Le génome d'un nouveau-né contient en moyenne 60 mutations spontanées, dont 15 "transmises" par la mère et le reste par le père, en fonction de son âge (25 mutations pour un homme de 20 ans et 65 pour un homme de quarante ans), selon cette étude. L'âge de la mère n'influe pas sur les mutations spontanées, car à la différence des spermatozoïdes qui sont produits pendant toute la vie adulte, les ovules sont présents dans les ovaires dès la naissance. Mais il joue un rôle dans les anomalies chromosomiques telles que les trisomies, notamment la trisomie 21, qui interviennent notamment par mauvaise répartition des chromosomes lors de la première division cellulaire.
Au delà de l'autisme et de la schizophrénie, l'âge du père est également soupçonné de jouer un rôle dans certaines malformations osseuses, cardiaques ou rénales, selon le Pr Lyonnet.
"Contrairement à ce que pense le grand public, l'augmentation de l'âge à la procréation n'est pas un risque moindre pour les hommes que pour les femmes", conclut le Pr. Lyonnet.
Source : "Fathers bequeath more mutations as they age", Ewen Callaway, 22 août 2012.
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