Paris : hôpitaux en crise !
L'AP-HP est en crise. Comme dans la plupart des hôpitaux parisiens, le service des Urgences de l'hôpital Saint-Louis souffre d'un manque de moyens. Avec un budget revu à la baisse chaque année, les économies se multiplient. Souvent au détriment des patients. Le docteur Pierre Taboulet, chef du service des Urgences de Saint-Louis, dresse le tableau noir.
- Vous dites que les conditions de travail aux Urgences se sont dégradées. Comment expliquez-vous cela ?
Dr Pierre Taboulet : "La réalité aux Urgences est celle-ci : les effectifs médicaux et paramédicaux sont restés stables. Par contre la charge de soins, elle, a augmenté de l'ordre de 3 à 4 % par an. Et ce depuis 20 ans. Petit à petit les centres de soins, et les hôpitaux ferment. Résultat, les Urgences se remplissent. Il n'y a pas de petits malades. Or, de nombreux patients nous expliquent qu'ils viennent aux Urgences de Saint-Louis car ils ne peuvent pas payer une consultation avec un médecin de secteur 2, c'est-à-dire avec un soignant qui pratique les dépassements d'honoraires. Ce qui est de plus en plus fréquent.
"La façon de travailler à l'hôpital sur les dix dernières années a changé. En particulier pour des raisons de gains de productivité. Le matériel coûte aujourd'hui beaucoup plus cher du fait de sa performance. Mais cela ne réduit pas la masse de travail. Au contraire le personnel n'est pas remplacé. Pour absorber de manière efficace la totalité des patients aux Urgences, il faudrait ouvrir un service supplémentaire !"
- Où se font les économies ?
Dr Pierre Taboulet : "Les économies se font partout, à l'hôpital comme en dehors, dans les laboratoires par exemple. Chez nous, à l'hôpital Saint-Louis, c'est au niveau des aides soignantes que se font ressentir les économies. Elles sont engagées sur des contrats de six mois, pas plus. Et ne sont pas toujours remplacées. Inéluctablement, celles qui sont là travaillent plus. À l'hôpital, nous n'avons pas compensé les 35 heures. Du coup on fait des économies de bout de chandelle. C'est pénible. En 2011, notre service n'a pas eu d'enveloppe pour renouveler le matériel des Urgences : les brancards n'ont pas changé, tout comme les pieds de perfusion. La situation est très compliquée.
"L'autre réalité est que le matériel médical coûte aujourd'hui beaucoup plus cher du fait de sa performance, donc l'hôpital doit dégager des fonds pour s'équiper, mais également pour le maintenir en état. Mais cela ne réduit pas la masse de travail du personnel. Au contraire, le personnel multiplie les actes de manière quasi industrielle…"
- L'année 2012, année présidentielle, pourra-t-elle faire évoluer les choses ?
Dr Pierre Taboulet : "Cela me paraît très compliqué. La fin de l'année 2011 et le début de cette année ont été catastrophiques pour les Urgences. On observe déjà une augmentation de la fréquentation de 5 %. C'est énorme. On manque de lits. Parfois, sur une journée, un lit est utilisé par deux ou trois patients. Nous sommes également souvent dans l'obligation de faire rentrer les gens chez eux après minuit. Nous n'avons plus la capacité d'accueillir les patients. On aurait besoin de plus de lits, de plus de places. Et l'été risque d'être très compliqué. Comme chaque année au mois d'août, les Urgences fermeront le quart de leur service…"
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Dans les médias :
- Europe1.fr
- "Les hôpitaux parisiens manquent de moyens", par Raphaële Schapira, le 27 mars 2012