Pr André Grimaldi, le lanceur d'alertes
Ces dernières années, le grand public s'est peu à peu habitué à reconnaître son visage, à entendre sa voix très mesurée dans le ton mais très virulente sur le contenu… Le professeur André Grimaldi, diabétologue à la Pitié-Salpêtrière, est devenu incontournable. Il est ce qu'on peut appeler un lanceur d'alertes. Eric Lemasson dresse son portrait.
Le professeur André Grimaldi, diabétologue au groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière à Paris, est devenu ce qu'on appelle un lanceur d'alertes. Un lanceur d'alertes est une personne "qui sait quelque chose qu'on ignore ou qu'on ne veut pas voir", et qui a le courage d'intervenir publiquement, non pas pour nuire ou faire de la délation, mais quelqu'un qui est reconnu comme désintéressé, qui se bat au nom d'un idéal, d'une certaine idée de notre système de santé en l'occurrence.
André Grimaldi, un médecin militant
Le professeur André Grimaldi parle bien alors les médias l'aiment bien. André Grimaldi est systématiquement interviewé dès qu'il est question des menaces qui rodent autour du modèle français de santé publique, dès que l'on évoque l'hôpital et son coût, ou les menaces sur la gratuité des soins. C'est un médecin militant, il jette régulièrement des pavés dans la mare médiatique et vient systématiquement titiller tous les ministres de la Santé en poste ces dernières années, qu'ils soient de droite ou de gauche.
Il y avait d'abord eu une pétition pour "Sauver l'hôpital public", 700.000 signataires, et son dernier combat en date a été de lancer une nouvelle pétition pour "Sauver la sécu". Pétition signée par de nombreuses personnalités. Cette pétition publiée fin août, intitulée "pour un débat public sur la santé", dresse un constat préoccupant des menaces qui pèsent, selon lui, sur l'idée même que l'on se fait de notre système de soins. Cette pétition vise surtout à nous alerter sur cette époque qui remet en question des choses importantes, à savoir le principe même de sécurité sociale et la gratuité des soins dans notre pays, mais sans le dire, en catimini.
Le tour de force du professeur Grimaldi, c'est de parvenir, lui estampillé comme homme de gauche, ancien trotskiste, à réunir à ses côtés 140 personnalités de droite comme de gauche, du député UMP Bernard Debré, fils du Premier ministre du général de Gaulle jusqu'aux patrons de presse estampillés proches du gouvernement, mais encore le professeur Sicard, ancien président du CCNE animé d'une morale qu'on peut qualifier de chrétienne, des penseurs de gauche et d'autres anciens ministres de droite comme Hervé Gaymard. Si la pétition du professeur Grimaldi séduit des personnalités si diverses, c'est parce que la question de la Sécu mérite de devenir un vrai grand débat public national.
Les combats du professeur Grimaldi
Selon Grimaldi, un pays peut très bien faire le choix de rembourser ou de dérembourser, de maintenir le système public de sécurité sociale tel qu'on le connaissait ou bien de lui tourner le dos, de se diriger vers un système d'assurances privées et de mutuelles personnelles à l'américaine, mais encore faut-il que les citoyens le sachent. On ne peut pas prendre des mesures sans le dire, il faut en discuter, et le décider collectivement. Or, cette question du remboursement des soins et traitements a tendance à être résolue, année après année, entre deux portes dans le secret des cabinets ministériels.
Pour les signataires de la pétition, l'avenir de la Sécu, héritée de l'époque de la Libération, doit devenir un débat politique au sens le plus noble : quel système de santé voulons-nous ? Comment le finançons-nous ?
Selon le professeur André Grimaldi, certaines mesures remettent en question le système de Sécurité sociale. Un des exemples récents montre que, même lorsqu'il y a des progrès apparents pour favoriser le remboursement des soins, il s'agit d'une remise en question insidieuse de la Sécurité sociale telle qu'elle existait et une montée en puissance du système privé de mutuelle, sur pression des lobbies.
Le récent accord entre partenaires sociaux sur le travail prévoit une aide à l'accès des salariés à des mutuelles, ce qui du coup favorise lesdites mutuelles et donc les assurances privées. Cela remet aussi en question le système public d'assurance maladie. Plus généralement, cette pétition dénonce l'idée que les soins courants deviennent totalement à la charge soit des patients, soit de leurs mutuelles.
Comment le professeur Grimaldi est-il devenu un lanceur d'alertes ?
Le professeur Grimaldi est d'abord un excellent médecin, un spécialiste réputé de diabétologie et d'endocrinologie, patron d'un service d'un des plus prestigieux hôpitaux de France, la Pitié-Salpêtrière. C'est une blouse blanche, un professeur de médecine qui n'est jamais pris pour un mandarin, André Grimaldi est le pur produit de la méritocratie à la française, et veut rendre au service public ce que le service public lui a permis de devenir.
En outre, ce médecin est un militant dans l'âme, qui n'a jamais renié ses convictions. À l'âge où il pourrait prendre une retraite au soleil, il monte encore sur les barricades, mais avec mesure et sagesse. André Grimaldi incarne l'homme qui résiste, qui ne renonce pas à notre idéal de système de santé tel qu'il avait été conçu après guerre. Un lanceur d'alertes, donc. Il appartient clairement à une espèce en voie de disparition.
André Grimaldi est un ancien révolutionnaire assagi, ancré dans la réalité sans avoir perdu ses convictions, et il est très écouté. Peu à peu, ce médecin de gauche qui ne fait pas peur à la droite devient une sorte de sage que l'on consulte sous le chêne ou le baobab au milieu du village.
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Et aussi :
- La pétition du Pr André Grimaldi
"Pour un débat public sur la santé"