Compléments alimentaires : gare à la levure de riz rouge !
Une sexagénaire américaine s’est présentée aux urgences avec une hépatite aiguë. Une biopsie a révélé que ses lésions au foie étaient dues à une surconsommation de levure de riz rouge.
Elle voulait trouver une alternative naturelle aux statines pour faire baisser son cholestérol… Une femme de 64 ans s’est présentée aux urgences de l’hôpital Henry Ford, à Détroit, car depuis deux semaines, elle était fatiguée, ballonnée, et avait perdu l’appétit. Depuis une semaine par ailleurs, ses urines étaient plus sombres que d’habitude, et elle avait développé une jaunisse. Une biopsie de son foie a révélé une blessure, due à la levure de riz rouge, qu’elle prenait quotidiennement depuis six semaines. Son cas a été publié dans le BMJ Case Reports le 25 mars.
1.200 mg de levure de riz rouge par jour
La levure de riz rouge est un complément alimentaire obtenu grâce à la fermentation de riz et de Monascus purpureus, une espèce de moisissure. Elle est souvent utilisée en tant qu’alternative aux statines en cas d’hyperlipidémie, car elle contient de la monacoline K, une statine naturelle. La patiente, justement, hésitait à prendre des statines. Elle a confié aux médecins consommer 1.200 mg de levure de riz rouge par jour, en plus d’injections mensuelles de vitamines B-12.
Après lui avoir diagnostiqué une maladie du foie d'origine médicamenteuse, les médecins lui ont prescrit de la méthylprednisolone à fortes doses par voie intraveineuse pendant trois jours. Ils lui ont en outre fortement déconseillé de reprendre des compléments à base de levure de riz rouge. "Les médecins et les patients doivent savoir que cette levure n’est pas inoffensive. Ceux qui décident d’en consommer devraient vérifier qu’ils ne développent pas d’éventuels symptômes d’hépatotoxicité" avertissent les auteurs de l’article du BMJ Case Reports.
Dix cas d'hépatotoxicité en Italie entre 2002 et 2015
Ceux-ci rappellent, en conclusion de leur papier, que de nombreux cas d’hépatotoxicité causée par la levure de riz rouge ont été déjà reportés au cours des années précédentes. Ils prennent notamment l’exemple de l’Italie, où les autorités de santé font état de dix cas entre avril 2002 et septembre 2015. "Il faut des mois au patient pour s’en remettre", affirment les médecins.
En 2014, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) a averti sur les dangers de ces compléments alimentaires. Elle estime ainsi qu’ils peuvent "exposer les consommateurs, notamment ceux particulièrement sensibles du fait de prédispositions génétiques, de pathologies ou de traitements en cours, etc., à des risques pour la santé". Elle indique qu’il est indispensable de demander un avis médical avant consommation. "Ils ne doivent pas non plus être consommés par les personnes sensibles (femmes enceintes et allaitantes, enfants et adolescents, sujets de plus de 70 ans ou atteints de certaines pathologies, forts consommateurs de pamplemousse, etc.)" précise l’agence.
Des cas d'infarctus du myocarde, d'insuffisance hépatique ou d'hémorragie
Une étude publiée dans The Lancet en 2003 recense par ailleurs les cas cliniques d'interactions malheureuses entre un traitement médical et les composés présents dans les suppléments ou entre les vitamines elles-mêmes. De nombreux cas d'infarctus du myocarde, d'insuffisance hépatique, d'hémorragie (et leurs conséquences) sont ainsi énumérés... En février dernier par ailleurs, l'Académie de pharmacie a rappelé que certains compléments ont des effets proches des médicaments, sans être aussi bien encadrés. Elle met donc en garde contre un mauvais usage, potentiellement à risque.
Les compléments alimentaires restent toutefois largement consommés dans les pays développés. En France, le marché a représenté 1,9 milliard d'euros en 2018. Il est en légère augmentation par rapport à l'année précédente, selon des chiffres publiés le 20 mars par les représentants du secteur.