Allergies sévères : recherche Anapen® désespérément…

La rupture de stock depuis plusieurs semaines de l'Anapen®, un médicament d'urgence contre l'allergie, met en grande difficulté les personnes allergiques sévères. Aucun autre médicament de ce type n'étant disponible en France, le laboratoire en charge de son exploitation tente de faire face à la situation et de rassurer. Les malades réclament plus de transparence et de considération.

Héloïse Rambert
Rédigé le , mis à jour le
Allergies sévères : recherche Anapen® désespérément…

L'Association française pour la prévention des allergies (AFPRAL) vient de lancer une pétition sur son site Internet. L'objet de la revendication ? L'Anapen®, le seul stylo auto-injectable d'urgence disponible en cas d'allergie sévère, connaît une rupture de stock depuis le 20 avril 2012. Un problème de conformité de lots du médicament a obligé le laboratoire qui le produit à suspendre la fabrication du dosage adulte (0,30 mg). Puis le dosage enfant (0,15 mg) est à son tour devenu indisponible. Pourquoi ? Comment expliquer qu'aucun autre stylo ne soit disponible pour pallier ce manque ? Explications.

Anapen®, à la rescousse des allergiques sévères

Qu'elles soient d'origine alimentaires, consécutives aux piqûres de guêpes ou d'abeilles, ou autres, certaines réactions allergiques sont si violentes, qu'elles peuvent aller jusqu'au choc anaphylactique et entraîner la mort. En cas d'antécédents allergiques sévères de ce type, les médecins allergologues prescrivent alors l'Anapen®, que les patients doivent garder sur eux. En cas d'exposition à la substance allergisante, il faut agir vite : la personne allergique doit s'injecter l'adrénaline que contient le stylo pré-rempli dans le muscle de la cuisse, pour augmenter la force de contraction du cœur.

"Lots non conformes"

Mais, depuis quelques semaines, impossible de se procurer le précieux médicament. Qu'est-ce qui explique cette pénurie ? "Nous avons dû faire face à des difficultés sur la chaîne de production", explique Benoit De Germiny, responsable de la communication chez Bioprojet, le laboratoire qui commercialise l'Anapen®. "Lors de tests de conformité sur le produit adulte conditionné et finalisé, effectués sur 1000 stylos, nous avons constaté qu'un stylo, sur ce large échantillon, ne répondait pas aux critères de conformité à respecter. Et quand un seul produit est défaillant, c'est tout le lot en question qui est perdu". Ces critères de validité, très stricts, peuvent paralyser toute la chaîne d'approvisionnement : "Face à ces irrégularités, non seulement nous perdons tout le lot, mais nous sommes contraints de cesser la production pour mener des investigations sur les raisons de leur survenue, jusqu'à ce que le problème soit résolu". Le dosage adulte a donc cessé temporairement d'être produit. "Et à cause de ce problème, nous avons pris du retard sur la fabrication du dosage enfant, ce qui explique que, lui aussi, a connu des difficultés d'approvisionnement", précise Benoit de Germiny.

L'adrénaline est un produit fragile et difficile à manier pour les fabricants : "La dose d'adrénaline que doit libérer le stylo est extrêmement précise et cette délivrance doit se faire impérativement en moins de 10 secondes." Les critères à remplir par le stylo pour "passer le test" de validité sont donc très contraignants. Mais il semblerait que les pharmaciens-développeurs, au sein du laboratoire Bioprojet soient particulièrement zélés… "Les problèmes que nous avons eus ont coïncidé pour nous avec le développement d'un nouveau prototype : celui de l'Anapen 2®, plus sécurisé et sophistiqué. Nous nous sommes imposés des critères de validité extrêmement sévères pour ce produit, et nous avons dû les appliquer à tous les produits de la gamme Anapen®, sans avoir aucune possibilité de nous rétracter ou de les contourner… Par exemple, le produit devait se libérer en 7 secondes. Quand nous avons trouvé aux tests un stylo qui le faisait en 8 secondes, des problèmes se sont posés."

"Plus de transparence"

Du côté de l'AFPLAR, ces explications ne passent pas. " Nous savons bien que ces tests de conformité ne sont pas pratiqués systématiquement ! Des stylos défaillants, qui ne délivraient pas l'adrénaline ont été commercialisés. Et faute d'alternative, aucun rappel de lot n'a été effectué. Nous sommes très inquiets et nous voulons des réponses à nos questions : le laboratoire a-t-il remédié aux problèmes rencontrés ? Combien de stylos non conformes y a-t-il dans nos trousses d'urgence et dans celles de nos enfants ? On se moque de nous, et ce n'est pas la première fois… Nous exigeons de la transparence et nous n'obtenons que du mépris", déclare Véronique Olivier, membre du bureau de l'association.

L'Anapen®, et seulement l'Anapen®…

En effet, un autre problème vient aggraver celui de cette rupture de stock : contrairement à d'autres pays, le marché français ne dispose pas d'autres stylos à délivrance d'adrénaline de ce type. Pour Bioprojet, cet état de fait s'explique par une grande prudence des autorités de santé. Deux types de stylo existent à l'étranger. Certains libèrent l'adrénaline par une simple impulsion, c'est-à-dire en "frappant" la cuisse. L'Anapen®, lui, est beaucoup plus sécurisé : la délivrance du produit par l'aiguille se fait en poussant sur un bouton, ce bouton étant lui-même protégé par un capuchon. "Dans les pays où les deux systèmes cohabitent, des accidents ont été notés. Le système "par impulsion" expose à un risque de confusion. "Le stylo, s'il est utilisé à l'envers peut piquer le pouce de la personne, ce qui est très dangereux" explique Benoit De Germiny. "Face à ce danger théorique, la France a choisi de ne mettre à la disposition des personnes allergique, et de ne les former, qu'à l'utilisation de l'Anapen®. "

Pour Véronique Olivier, les choses sont plus compliquées : "Le Twinject®, un autre stylo auto-injectable, a bel et bien obtenu une autorisation de mise sur le marché en France. Mais faute d'accord trouvé entre l'Assurance-maladie et les fabricants quant au prix de remboursement, le laboratoire a renoncé à le commercialiser chez nous. Notre situation s'explique aussi par de simples raisons économiques."

Toujours est-il que ces choix placent les allergiques français dans une situation problématique. "Je comprends tout à fait les personnes qui s'insurgent. Leur agacement est tout à fait justifié", reconnaît Benoit De Germiny. "Mais qu'il soient sûrs que tout est fait pour parvenir à une normalisation de la situation la plus rapide possible". D'après le laboratoire, la production des stylos a été relancée. "En pratique, nous ne livrons que de petites quantités à chaque pharmacie, pour éviter les phénomènes de surstockage qui suivent les ruptures de stocks". Mais il y a un problème de taille : malgré ces déclarations officielles, l'Anapen® reste toujours absolument impossible à commander chez les pharmaciens. Les personnes allergiques le savent bien. Et le problème, pour elles, reste entier.

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