David Berty : l'ancien rugbyman et son combat contre la SEP
David Berty, ancien rugbyman et quintuple champion de France entre 1989 et 1997, a mis fin à sa carrière pour affronter un autre adversaire : une sclérose en plaques (SEP). Il raconte dans son livre autobiographique "Rien ne vaut la vie !", en librairie le 18 octobre 2012, ce combat et l'engagement auprès de l'Association Française des Sclérosés en Plaques (AFSEP) qui l'a fait renaître. Un beau témoignage pour changer le regard que les gens portent sur la SEP...
- Quand et comment avez-vous découvert votre maladie ?
David Berty : "La SEP a été diagnostiquée en 2002, or mes premiers symptômes avaient commencé en 1997. On a donc mis 4 à 5 ans pour mettre un nom dessus, car j'ai changé souvent de club et de corps médical. Et moi, tout ce que je voulais, c'était jouer et j'y arrivais ! Au début, je mettais les premiers symptômes sur le compte du sport... Pour un problème à l'oeil en 97, on avait pensé à un herpès et la fatigue, je pensais que c'était dû à l'entraînement."
- Comment avez-vous réussi à accepter les difficultés physiques alors que vous étiez au sommet de votre carrière ?
David Berty : "J'ai eu du mal à l'accepter, je pensais que les faiblesses musculaires s'expliquaient par un entraînement insuffisant, puis par mes problèmes au genou. Mais après l'opération, mes symptômes étaient encore présents, donc j'ai passé des examens plus poussés.
"J'ai été soulagé : enfin, il y avait un nom sur ce qui me perturbait. Mon soulagement a duré 30 secondes, puis je me suis vu en fauteuil roulant, dépendant de mon épouse, de mes filles... Je me suis coupé de mes amis et du monde du rugby car je ne voulais pas qu'ils me voient malade. Je voulais qu'ils gardent l'image de moi avant.
"En fait, j'ai fait une dépression qui a duré 4 ans, j'avais des difficultés économiques, j'ai même pensé au suicide. Mais je me suis réfugié dans le cocon familial."
- Comment vos proches ont-ils réagi après le diagnostic ?
David Berty : "Mon épouse n'a jamais baissé les bras, elle est là pour moi, mais elle sait me mettre des coups de pied aux fesses quand j'en ai besoin. Et je l'en remercie énormément...
"Je n'ai pas vu de changement dans son attitude en fait. La maladie m'a permis de faire le tri entre les vrais amis et les connaissances ou ceux qui me côtoyaient parce que j'étais rugbyman. Il y a eu de bonnes surprises aussi, des gens que je pensais être des connaissances qui sont très présents, ou encore la Fédération Française de Rugby qui me permet de parler de la SEP depuis 2008 alors que je n'ai pas un palmarès énorme en équipe de France."
- A ce propos, vous vous êtes engagé dans la vie associative, que cela vous apporte-t-il ?
David Berty : "Depuis 2008, je suis le parrain de l'AFSEP et chaque année un calendrier est publié avec des photos de rugbymen du XV de France (en 2013, ce sont les écoles de rugby qui seront mises à l'honneur).
"L'association m'apporte beaucoup : j'ai accepté la maladie grâce à elle, grâce aux autres malades. J'ai voulu utiliser mon statut de sportif de haut niveau pour mettre la SEP en avant, en parler, sans la banaliser.
"Cette maladie, on est 90 000 à l'avoir et c'est 90 000 cas différents. On croise tous les jours des malades avec une SEP, mais on ne le voit pas."
- C'est finalement un message que vous voulez rassurant pour les patients ?
David Berty : "Oui, je veux montrer aux jeunes que la vie ne s'arrête pas. Nos projets sont modifiés, c'est vrai, mais nous on peut faire plein de choses ! Il y a des amis qui disparaissent, des employeurs qui ne comprennent pas. Il faut leur expliquer, leur apprendre que cette maladie, ce n'est pas une fin en soir.
"L'entourage peut s'adapter, je comprends ceux qui la cachent mais mieux vaut expliquer les choses, en disant que l'on peut continuer à travailler, malgré les passages à vide, que le lieu de travail peut être transformé, le temps de travail aménagé."
- Votre métier de sportif de haut niveau vous a-t-il aidé à affronter votre sclérose en plaques ?
David Berty : "Je ne sais pas. D'un côté, c'est le rugby qui a accentué ma dépression pendant 4 ans. Maintenant je me dis que je suis chanceux et que je dois profiter du répit que la maladie me donne, je ne veux pas avoir de regrets. Mais d'un autre côté, je suis un battant, je rentrais sur le terrain pour gagner, pour marquer le plus d'essais possibles !"
- Aujourd'hui, comment gérez-vous les contraintes physiques ?
David Berty : "Je ne suis pas beaucoup gêné : je marche mais je ne peux plus courir, c'est vrai, car mes jambes traînent rapidement au sol. Je ne fais plus de footing, mais j'ai une sainte horreur de ça, donc ça ne me manque pas du tout !
"Je continue à faire du sport, une séance par semaine : je profite des entraînements de mes filles pour nager, faire du vélo ou de la musculation. Et je pense qu'il faut continuer à bouger son corps, en respectant ses limites.
"Quant à mon employeur, je souhaite le remercier, il m'aide beaucoup depuis 3 ans puisque mon contrat de travail a été transformé en mécénat de compétence (je suis employé à plein temps mais je travaille à mi-temps seulement, pour être disponible pour l''AFSEP. Ils donnent du temps à travers moi à l'association et surtout je peux nourrir ma famille et m'occuper de l'association, je suis beaucoup plus serein."
- Vous dites dans votre livre vivre avec une épée de Damoclès au-dessus de votre têtes...
David Berthy : "On a tous une épée de Damoclès. Moi, je la connais, elle est plus proche. Mais je ne veux pas m'arrêter de vivre, je ne veux pas rester cloîtré chez moi !"
- Vivre comme vous le faites est une manière de vaincre la maladie ?
David Berty : "Oui, tout ce que je vis, ce que je fais, c'est une manière de la vaincre. J'oublie que je l'ai, mais je le redis je me considère comme chanceux en comparaison à d'autres malades : je ne me considère pas handicapé (même si j'ai la reconnaissance "Handicapé 1ère catégorie"), je suis valide. Chez moi, la SEP se manifeste par une grande fatigue et des crampes douloureuses la nuit.
"Quand je suis bloqué par la fatigue quelques jours, je me repose au lit, je suis lessivé, mes jambes ne me portent plus. Je pense souvent que je ne marcherai plus, j'essaie de rester serein, sans angoisse ni révolte... Et au bout de quelques jours, ça repart."
- La maladie a-t-elle changé votre philosophie de vie ?
David Berty : "J'ai beaucoup changé. J'ai cherché le positif dans la SEP, à en tirer profit.
"J'ai appris à faire des choses que j'aurais pensées inimaginables, comme prendre la parole en public pour l'association alors que je suis très timide."
- Vous êtes heureux ?
David Berthy : "Oui ! Heureux ! Je crois qu'il y a 7 ans, j'aurais répondu non, mais là, je le suis, j'ai passé le cap de l'acceptation. La vie est longue, je n'ai pas envie de la passer à me morfondre."
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