Salles de consommation de drogues : ouvrons le débat !
La secrétaire d'Etat à la Famille, Nadine Morano, s'est exprimée pour l'ouverture du débat sur les salles de consommation de drogues sous surveillance médicale, estimant qu'il fallait réfléchir à "tous les outils" pour lutter contre la toxicomanie. Un débat nécessaire qui promet d'être houleux !
"Je trouve que cela mérite d’ouvrir un débat parce que c’est vrai que (dans) la lutte contre la drogue et contre la toxicomanie, on doit utiliser tous les outils qui nous permettront de réussir", a déclaré Nadine Morano, mercredi 11 août 2010 sur RTL, estimant que le recours à ce type de salles "peut en être un".
"Il faut ouvrir le débat parce que lorsqu’on permet à des personnes qui sont toxicomanes de pouvoir consommer leur drogue sous contrôle, avec accompagnement, si on arrive à sortir ces personnes-là de la drogue, je crois qu’on aura gagné un combat", a-t-elle expliqué.
La secrétaire d'Etat, même si elle reconnaît qu'elle n'était "pas favorable au départ" à cette idée, a apporté son soutien à la proposition de concertation sur ce thème, lancée par la ministre de la Santé Roselyne Bachelot. "Il faut que Roselyne Bachelot ouvre ces débats et après, nous verrons de quelle manière nous pourrons agir en la matière", a-t-elle conclu.
Mme Bachelot avait annoncé le 19 juillet 2010 à Vienne "une concertation avec tous les partenaires concernés et notamment les collectivités locales" sur la mise en place expérimentale de salles de consommation supervisées, au nom d'un "enjeu sanitaire crucial", des lieux où les personnes pourraient s'injecter des produits dans de bonnes conditions d'hygiène et sous supervision de personnel de santé. Ce qui pourrait permettre une meilleure prévention auprès des toxicomanes.
Quatorze députés UMP ont vivement réagi en se prononçant contre ce qu'ils appellent des "salles de shoot". "La priorité de Matignon est de réduire la consommation de drogue, non de l'accompagner, voire de l'organiser", a-t-on par ailleurs affirmé au bureau du Premier ministre, jugeant ces salles de consommation de drogues "ni utiles, ni souhaitables".
Les partis de gauche (PS, Verts, PCF) et le Modem y sont "favorables" tandis que l'UMP se divise entre tenants de la répression et pragmatiques. Le secrétaire général de l'UMP, Xavier Bertrand, s'est dit "vraiment opposé" à ces "salles de shoot". Mais des voix prônent l'expérimentation : la secrétaire d'Etat à la Famille, Nadine Morano, ou Jean-Claude Gaudin, sénateur-maire UMP de Marseille.
Un débat difficile devrait donc s'engager.
Le président de la Mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie (Mildt), Etienne Apaire, dans une interview pour le journal Le Monde, juge que de tels centres sont "discutables sur le plan philosophique" et "ne répondent pas vraiment à la demande d'un point de vue sanitaire".
Pourtant, selon l'Inserm, le constat que 60 % des usagers de drogue sont porteurs de l'hépatite C, que de nouvelles populations échappent aux dispositifs existants et que de nouvelles pratiques à risques surviennent, "impose d'adapter la politique de réduction des risques".
Pour Pierre Chappard, coordonnateur d'un collectif d'associations de réduction des risques, l'ouverture de salles de consommation pour les usagers de drogue, constituerait un progrès sanitaire et social, loin de la caricature qu'en font ses détracteurs. Il s'agirait d'une "porte d'entrée vers le soin" et d'un facteur de lien social, à l'opposé de l'image véhiculée par l'appellation "salles de shoot" employée par des députés UMP, a-t-il ajouté.
Patrick Pelloux, président de l'Association des médecins urgentistes de France a déclaré, quant à lui sur RMC, soutenir la ministre de la Santé, après ses propos favorables à l'ouverture de salles d'injection de drogue.
"Elle a raison", a-t-il déclaré. "Il faut briser les tabous (...) OK, ça va faire peur à une certaine morale, c'est une révolution. Mais ça ne veut pas dire que tout le monde va se shooter (...) Encadrer ne veut pas dire que finalement, on accepte. Ca veut dire qu'on limite les risques. Lorsque Roselyne Bachelot dit : 'on va faire ces salles de manière à autoriser et encadrer', cela permet au malade, parce que le toxicomane est un malade (...), de le remettre dans un circuit, (...) et souvent de l'aider à sortir de la drogue", a-t-il expliqué.
M. Pelloux s'est également prononcé en faveur de la légalisation du cannabis.
Les associations de réduction des risques, Asud (usagers de drogues), Act Up, Anitea (association nationale des intervenants en toxicomanie et addictologie), SOS Hépatites, Safe, Salles de consommation à moindres risques, Gaïa, qui réclament des salles de consommation, en appellent au "courage politique". De nombreux pays ont déjà mis en place ce genre de salles, notamment au Luxembourg, en Allemagne, en Suisse, et en Espagne.
Source : AFP
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