Un nouveau modèle pour évaluer les risques de pandémie
La mobilité croissante des individus favorise la dissémination de certaines maladies à l'échelle planétaire, multipliant les risques de pandémie. Afin d'anticiper les crises, les épidémiologistes s'appuient depuis de nombreuses années sur des modélisation informatique des flux de populations. Un nouveau modèle prédictif, intégrant des paramètres jusqu'ici écartés, a été développé par une équipe affiliée à l'Inserm. Ces travaux font l'objet d'une présentation détaillée dans un article du Journal of Theoretical Biology.
De nombreux modèles mathématiques ont été développés ces dernières décennies pour aider à prévoir comment différentes maladies peuvent se propager à l'échelle d'un territoire, d'un continent, voire de l'ensemble de la planète. Ces modélisations cherchent à décrire des situations très complexes d'interactions entre individus en mouvement.
Pour simuler le déplacement d'un voyageur effectuant des escales, les modèles mathématiques actuels font apparaître l'individu en un lieu A puis, après un temps de parcours défini, dans un lieu B, puis un lieu C, et ainsi de suite jusqu’à ce que la boucle soit bouclée. Le calcul est répété pour des millions de voyageurs, avec une estimation des probabilités de contamination de chacun dans les zones où une maladie donnée est présente.
Une équipe de chercheuses originaires de Turin est parvenue à élaborer un nouveau modèle mathématique dénommé GLEAM (pour GLobal Epidemic And Mobility model), enrichi de paramètres qui accroissent de façon déterminante le réalisme des simulations.
Première innovation : les scientifiques ont réussi à intégrer dans leurs équations la durée des séjours des voyageurs dans les différentes escales. Mieux : l'attractivité réelle de la ville de séjour, qui est partiellement fonction de sa fréquentation, entre en ligne de compte dans la simulation du temps d'escale.
Autre prouesse mathématique, le modèle intègre également l'incapacité des individus à se déplacer au moment où, dans une situation réelle, la maladie les contraindrait à l'immobilité. L'existence d'un "lieu de résidence" propre à chaque individu virtuel, dans lequel les interactions sociales sont de natures différentes de celles existant en voyage, est également simulée !
"Nous souhaitions un modèle à la fois complet et suffisamment simple pour être résolu mathématiquement", nous explique Vittoria Colizza, responsable du projet. "Durant la phase de développement, nous avons intégré de très nombreuses données de transports provenant d'une quarantaine de pays : flux de personnes, taux de déplacements de nature professionnelle ou touristique, distribution spatiale de la population, topologie du réseau..." Une fois cette étape achevée, une équation synthétique a pu émerger. "Ce modèle théorique est applicable à toute ville. Il s'agit d'un outil très puissant."
Le modèle développé par les chercheuses peut être paramétré en fonction de données réelles décrivant la population (mobilité, démographie, distribution spatiale) et la maladie (temps d'incubation dans l'organisme avant qu’une contagion soit possible, durée de contagiosité). "Ce modèle permettra de savoir si une épidémie a le potentiel de devenir pandémique", complète Vittoria Colizza. "Il permettra également d'identifier les facteurs sur lesquels il est possible d'agir pour contrôler une épidémie. Nous pourrons évaluer l'impact de mesures comme la réduction des transports aériens ou la limitation des voyages à visée touristique sur la transmission d'une maladie."
Validé par une simulation a posteriori de l'épidemie de SARS, le modèle GLEAM a déjà été expérimenté dans deux situations concrètes. Dans un premier temps, dasn l'évaluation de l'efficacité de mesures d'intervention en situation de pandémie grippale. Puis, dans un second temps, pour la prédiction de la propagation de la pandémie grippale H1N1. Ces derniers travaux ont été évalués par une étude parue dans la revue en ligne BioMed Central.
L'équipe vient de débuter l'exploitation de son outil dans le cadre d'un projet coordonné l'Institut national de Veille Sanitaire (InVS).
Source : Human mobility and time spent at destination: Impact on spatial epidemic spreading, C. Poletto, M. Tizzoni, V. Colizza, Journal of Theoretical Biology 7 décembre 2013 (édition en ligne avancée du 4 septembre 2013) doi:10.1016/j.jtbi.2013.08.032
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