Un odorat défaillant, symptôme de la dépression ?

Une équipe de chercheurs de Tours a montré que des patients atteints de dépression sévère restaient insensibles aux odeurs agréables. Les troubles de l'olfaction pourraient-ils devenir un indicateur dans le diagnostic de la dépression ?

La rédaction d'Allo Docteurs
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Un odorat défaillant, symptôme de la dépression ?

"Les personnes atteintes de pathologies mentales présentent souvent des troubles sensoriels et ils ont une autre perception du monde", explique le Pr. Christophe Lançon, psychiatre au CHU Ste Marguerite de Marseille.

C'est ce que confirme une étude de chercheurs de Tours qui vient de mettre en évidence des troubles de l'olfaction pour les patients atteints de dépression sévère.

Les chercheurs de l'Unité Imagerie et Cerveau de l'Université François-Rabelais de Tours ont soumis 18 personnes hospitalisées pour un épisode de dépression sévère à des tests olfactifs. Leurs résultats ont été comparés à ceux de 54 volontaires en bonne santé.

L'ensemble des participants a été exposé à huit odeurs différentes, certaines agréables et d'autres non, ainsi qu'à un mélange d'odeurs "qui correspond davantage à la perception des odeurs de tous les jours", explique Catherine Belzung, co-auteur de ces travaux.

Ils ont observé que les patients dépressifs distinguent moins bien les différents niveaux d'intensité des odeurs, identifient moins bien celles qui sont présentes en mélange et sont peu sensibles aux odeurs sensées être agréables, par rapport aux témoins en bonne santé. "De façon surprenante, la vanille, la cannelle ou l'amande amère étaient classées comme des odeurs déplaisantes", note Catherine Belzung.

"Les personnes atteintes de dépression sévère ont des difficultés à expérimenter les plaisirs", explique Catherine Belzung. "Par ailleurs, la zone du cerveau impliquée dans la sensation agréable provoquée par des odeurs présente des dysfonctionnements chez ces personnes."

On ne sait pas si cette particularité olfactive des patients est spécifique à la dépression ou si elle existe chez les personnes atteintes d'autres affections psychiatriques et neurologiques.

Cette étude ne permet donc pas d'identifier un marqueur qui permettrait d'établir un diagnostic de la dépression. "C'est tout le problème des maladies mentales, explique le Pr. Christophe Lançon. En psychiatrie, les médecins ne disposent pas d'examens pour poser un diagnostic, comme par exemple la mesure de la glycémie pour le diabète. Cela nous manque et les résultats de cette étude ne nous avancent, pour le moment pas, de ce côté-là".

"Les troubles de l'olfaction ont déjà été étudiés et démontrés dans la schizophrénie, poursuit le Pr. Christophe Lançon. Et on sait que dans de nombreuses maladies mentales comme la schizophrénie, la maladie d'Alzheimer, les patients ont des troubles sensoriels, comme le toucher ou la douleur, mais on ne connaît pas les mécanismes à l'origine de ces troubles."

Enfin, bien que cette étude porte sur la reconnaissance par le cerveau des odeurs et non par la perception physique des odeurs, on peut quand même noter que, très souvent, les patients qui ont des pathologies psychiatriques fument et boivent plus que la population générale. Ce qui peut modifier leur olfaction.

Source : Inserm, 5 novembre 2012.


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