La charge mentale des femmes, l'épuisement de tout gérer
Un concept émerge depuis quelques temps sur les réseaux sociaux : la charge mentale que certaines femmes doivent gérer. Des tâches domestiques aux charges administratives, en passant par les rendez-vous médicaux, les contraintes s'accumulent et envahissent l'esprit pour ne plus le lâcher. Epuisées de penser à tout et de faire beaucoup de choses, elles risquent leur santé psychique et physique.
Et si les femmes étaient une réincarnation de Shiva, aux multiples bras ? Elles pourraient l'être tant elles ont de choses à organiser et à faire : leur métier, les tâches domestiques et culinaires, la logistique scolaire, les rendez-vous médicaux, la coordination du planning familial,… Le cerveau est submergé par tout ce dont elles s'occupent !
Une chercheuse a baptisé cela la "charge mentale", ou "charge émotionnelle". Les femmes sont très souvent surchargées et elles disposent de très peu de temps pour elles, voire pas du tout. "
La charge mentale est pour moi aussi physique et physiologique, notamment quand elles sont enceintes, ou, pour nombre d’entre elles au moment du syndrome prémenstruel. Il s’agit donc d’une charge globale, commente le Dr Aurélia Schneider, psychiatre. Femme surmenée est un pléonasme ! Au sein d’un couple hétérosexuel, surtout s’il y a des enfants, elle s’occupe de la maison et doit penser à tout, ce que l'homme ne gèrera jamais, ou très rarement."
Les femmes au foyer ne sont pas non plus à l'abri de ce surmenage "et quand elles ne travaillent pas, elles n'ont pas d'alibi et elles ne sont pas pardonnées lorsqu’une tâche ménagère n’est pas effectuée." Les hommes sont souvent incapables de comprendre cet épuisement puisqu'ils ne mesurent pas ce que représente la gestion d'une famille et d'une maison. Et même si les jeunes hommes participent davantage que leurs ainés aux tâches domestiques, les chiffres sont clairs : les femmes sont toujours en charge du foyer. Depuis 25 ans, et d'après les chiffres de l'INSEE, les hommes s'occupent un peu plus de l'éducation des enfants, mais leur contribution aux tâches domestiques est restée relativement stable. Ainsi les femmes gèrent-elles 71% des tâches ménagères et 65% des tâches parentales...
Parmi ses patients, le Dr Schneider constate que les femmes sont plus surchargées que les hommes et ont davantage de risques de burn out : "Elles sont plus exposées et je les vois plus aussi parce qu'elles verbalisent davantage leurs émotions que les hommes…"
Selon la psychiatre, certaines périodes sont plus ou moins dures, à l'instar des naissances qui les rendent plus vulnérables dans le post-partum ou de la ménopause. "La ménopause est redoutable du fait des symptômes physiques très pénibles, comme les bouffées de chaleur, les insomnies,… et aussi d’un point de vue psychologique."
Des retentissements sur la santé mais aussi sur le couple
L'épuisement n'est pas la forme ultime de la charge mentale. "Par exemple elle peut provoquer des troubles anxieux, certaines maladies de peau quand elles sont trop stressées (psoriasis, eczéma,..), détaille le Dr Schneider. Il y a des signaux d'alerte : du stress, de l'anxiété, un mal de ventre ou encore des migraines." Les femmes devraient être attentives à ces signes et ralentir le rythme avant d'être en burn out.
Le couple subit inévitablement les dégâts du surmenage, les femmes épuisées n'ayant plus le temps, l'énergie et l'humeur propices à la vie intime. La discussion à ce propos est souvent difficile : l'homme se croit agressé et estime qu'elle n'a qu'à demander davantage d'aide ; de son côté, la femme épuisée se sent incomprise et lasse de devoir toujours expliquer ce qu'il doit faire. "Schématiquement, les hommes ont du mal à comprendre que leur femme ne soit pas fraîche et disponible le soir, explique le Dr Schneider. Ils ne réalisent pas tout le travail fait par leur femme dans la maison, qui est caché et très ingrat."
Agir avant le burn-out
La première étape est de prendre conscience du surmenage selon le Dr Schneider : "Les femmes peuvent faire une liste de tout ce qu'elles font sur trois jours (deux jours de semaine et un week-end), en notant les machines, l'étendage du linge, les courses et la cuisine, les rendez-vous médicaux, les trajets des enfants, etc. Elles se rendront compte de tout ce qu'elles font et aussi du temps que cela aura pris !"
Demander à ce que les hommes s'impliquent davantage dans la logistique est parfois (souvent ?) problématique ; quand le dialogue reste englué et débouche sur des disputes, la consultation d'un psychothérapeute ou d'un thérapeute de couple est parfois nécessaire pour se faire entendre et faire bouger les choses...
Autres conseils de la psychiatre : il faut gagner en estime de soi, se faire des compliments sur tout ce qu'elles ont fait dans la journée et le faire valoir aux autres (à leur homme notamment). Arrêter de se comparer aux autres est aussi indispensable si on a cette mauvaise habitude : d'une part, on ne sait jamais ce qui se passe vraiment chez les autres une fois la porte fermée ; d'autre part, cela n'a aucun intérêt et n'apporte rien de bon. En effet, chaque cas est unique selon Aurélia Schneider.
Apprendre à s'assumer telle que l'on est, sans culpabiliser et dans son imperfection, est un travail à faire, parfois plus facile avec l'aide d'un thérapeute. Ce n'est pas facile d'apprendre à "lâcher" certaines choses, et c'est souvent très culpabilisant ; se détacher de la perfection et de la culpabilité est un passage obligé pour se sentir mieux dans sa vie au final.
Se faire un petit cadeau après une tâche ingrate, comme un simple bouquet de fleurs, est un bon moyen d'injecter un sentiment positif et de se faire du bien. Le Dr Schneider suggère également, le soir venu, de se remémorer trois actions bien accomplies dans la journée, et de s'en féliciter. C’est un exercice rapide et très utile à condition de le pratiquer régulièrement et de ne pas se rappeler aussi des souvenirs négatifs !
Communiquer et se dégager du temps pour soi
Les femmes concernées doivent aussi dire ce qu'elles veulent à leur conjoint, même si elles sont lasses de devoir demander certaines choses : "il ne peut pas savoir ce qu'elles ont dans la tête, martèle la psychiatre. La télépathie n'existe pas, même après tout un long temps passé ensemble, et même avec un conjoint prévenant !
Alors si elles ont envie d'aller au cinéma, au restaurant ou même d’une rose, ou de toute autre attention particulière, il est indispensable qu'elles le formulent clairement. Bien entendu, le corolaire indispensable à cette demande sera un remerciement chaleureux, destiné à créer une ambiance agréable et à donner envie à l’autre de recommencer !...
Elles doivent également apprendre à se dégager du temps pour elles, et uniquement pour elles… "Je prescris aux femmes qui travaillent, de prendre un RTT lorsque les enfants sont à l'école, reprend-elle. Tout comme je demande aux femmes qui ne travaillent pas de s'accorder une journée en mettant les enfants à la cantine."
Ces conseils relèvent du bon sens mais les patientes n'y pensent pas parce qu'elles manquent de recul, prises dans un emploi du temps très chargé. Or elles ont besoin d'une "soupape"... Cette journée a de multiples intérêts, notamment en termes de vie sociale, ou pour caser un rendez-vous médical et donc prendre soin de soi, ou tout simplement pour souffler et prendre son temps.
Un manque d'estime de soi, des exigences trop fortes ?
La pression de la société est forte sur les Wonderwomen, qui sont censées briller professionnellement et assurer parfaitement dans leur vie personnelle et familiale. Certains traits de caractère accentuent également la sensibilité à cette pression.
"Il se cache souvent des problèmes d'estime de soi, des exigences internes élevées d'obligation de perfection (comme une maison impeccable, un dîner fait maison,…). C'est souvent très fort chez les femmes, cette obligation de tout faire soi-même", analyse le Dr Schneider.
Elles craignent le jugement d'autrui et ont tendance à se comparer avec les autres femmes. Elles doivent donc lutter contre cette idée de tout faire parfaitement et soi-même, sous prétexte que c'est ainsi que l'on est une bonne mère ou une bonne épouse. Or ce n'est pas gérable à l'heure actuelle, ou au détriment de soi...