Enfant orphelin : se reconstruire grâce aux associations
Une fois passé le choc de l'annonce du décès de son parent, l'enfant apprend à vivre sous le regard des autres. La résilience est alors indispensable pour se reconstruire et s'investir dans une association peut donner du sens à cette épreuve.
Vivre avec sa différence et le regard des autres
Après le choc de l'annonce et les premiers temps, l'enfant orphelin voit la vie reprendre ses droits et revenir à la normale. Ou plutôt à l'anormale car les autres renvoient trop souvent à la différence, quel que soit leur âge...
Mattéo et Océane avaient respectivement 11 et 3 ans au moment du décès de leur père en 2015. Il souffrait de problèmes cardiaques et était en attente de greffe. Estelle, leur mère, les a accompagnés de l'annonce du décès à leur reconstruction.
"J'avais le sentiment d'être différent avec les adultes parce que j'avais l'impression que même eux, ils ne comprenaient pas et ne savaient pas comment réagir", s'exclame Mattéo."Je détestais l'expression 'je suis désolé', car la personne n'a pas à être désolée. Même si on comprend l'intention, ce n'est pas le mode adapté. J'attendais du naturel et de la sincérité, c'est tout ce qu'un enfant orphelin attend mais il n'y a pas vraiment de phrase à dire... " Or, certains adultes ne sont pas forcément rassurants tant le deuil est encore tabou et les met mal à l'aise.
"Toi, tu n'as plus de papa, tu n'as rien à dire !"
Avec les enfants, Mattéo se sentait également à part : "dans leurs discussions, ils parlaient de leurs parents et moi, c'était tout le temps ma mère... On a une vie de famille mais il nous manque quelqu'un que les autres enfants ont." Et les enfants sont parfois très durs entre eux... Ainsi Océane, la soeur de Mattéo, qui avait 3 ans au moment de la mort de leur père, s'est-t-elle vue asséner un "Toi, tu n'as plus de papa, tu n'as rien à dire !"
Comment réagir devant des propos aussi violents et blessants ? "Chaque enfant réagira avec ses propres ressources et ce qu'il est", évalue Maja Bartel Bouzard, psychologue spécialisée dans le deuil et animatrice au sein de l'association Empreintes. Certains répondront, d'autres pleureront, ou en parleront à l'enseignant. En tout cas, il est très important que le parent puisse en parler avec son enfant." Là encore, le psychologue et les discussions en groupe pour partager ses expériences peuvent être d'un excellent soutien.
Parent seul : ne pas s'oublier
Quant à Estelle, elle était tourmentée par certaines peurs : "J'avais la crainte que les autres regardent Mattéo avec pitié, qu'il soit un peu rejeté parce qu'il était différent ou triste. J'avais peur que le chagrin soit trop gros, qu'il s'affaiblisse... Je ne voulais pas non plus qu'il utilise le décès de son père comme excuse ou pour faire des bêtises ou qu'il change d'attitude." Du jour au lendemain, devoir tout gérer seul, les enfants, leur deuil, la vie quotidienne, les démarches administratives..., ne lui laisse aucun temps pour s'occuper d'elle et de sa tristesse.
La maman s'effondre un an après, car l'association Empreintes lui ouvre les yeux sur son état et sur la nécessité de prendre du temps pour elle : "c'est là que je me suis rendue compte que j'étais à bout. J'avais géré le deuil de mes enfants, pas le mien. Mes enfants étaient ma priorité et je me suis complètement oubliée pendant un an, en mode survie. Je n'ai pas dormi durant des mois, j'étais un zombie mais je gérais tout..." C'est toute la difficulté de la situation, s'occuper de ses enfants tout en s'écoutant aussi. Rassurée sur ses enfants, Estelle a pu enfin s'autoriser à se laisser aller et à s'occuper d'elle, ce qui est primordial pour ses enfants comme pour elle.
Se reconstruire en donnant du sens
Les associations, comme Empreintes sont indispensables pour leur faire une place et offrir des informations pertinentes. Elles s'adressent évidemment aux personnes directement concernées mais aussi à toute personne désireuse d'apprendre à réagir de façon plus appropriée face au deuil. Ainsi, Mattéo a témoigné le 11 avril 2019 aux premières Assises du deuil, pour changer le regard sur cette épreuve des plus difficiles.
Le temps de la reconstruction
Estelle et son fils sont désormais engagés l'un comme l'autre auprès des personnes concernées par un deuil. "Au début, quand on n'avait pas encore accepté, on n'avait pas envie d'en parler", se souvient Estelle. "Mais maintenant, on en a tiré une force et on ne va pas le cacher ! C'est très tabou alors que cela touche tout le monde." Le deuil de l'enfant est en effet un sujet universel, qui nous concerne tous.
Un documentaire délicat et puissant a alors vu le jour pour l'émission Le monde d'en face : "J'ai accepté de témoigner car c'était un sujet fort, qui me touchait et je voulais aider les autres mais sans voyeurisme et avec respect", reprend Estelle. "Nous, notre objectif premier, c'est d'aider les autres. Si j'ai eu la chance d'être dans un milieu où je pouvais demander de l'aide, ce n'est pas le cas de tout le monde ! Je voulais montrer aux autres qu'ils n'étaient pas seuls et que l'on peut y arriver. Ce n'est pas tabou et ça aide d'en parler !"
Cet investissement dans l'association a correspondu pour Estelle et ses enfants à la dernière étape du deuil, qu'est la reconstruction. Se reconstruire passe souvent par le fait de donner du sens à ce qui a été vécu : c'est le cas en aidant les autres grâce aux témoignages et/ou en s'investissant pour faire changer les mentalités ou la société...
"Chez l'enfant, la reconstruction est spécifique et elle est souvent remise à l'âge adulte", complète Marie Tournigand, assistante sociale à l'association Empreintes. "Il ne va pas résoudre son processus de cicatrisation dans la même temporalité que l'adulte car il grandit avec ce processus et la résolution est souvent reportée à l'âge adulte. Mais être en deuil ne veut pas forcément dire souffrir : on peut être heureux en parallèle ! Il y a toujours des hauts et des bas dans le processus de deuil, dès le début."
Deuil veut dire douleur, du latin dolore, mais le mot signifie aussi processus, cheminement. Et cette double signification est aussi porteuse d'espoir et explique d'après l'assistante sociale, pourquoi le chemin du deuil est aussi capable de nous faire du bien...
En savoir plus :
- Le deuil, une histoire de vie https://www.empreintes-asso.com/wp-content/uploads/2019/03/Le-deuil-une-histoire-de-vie.pdf
- Plateforme de soutien d'Empreintes : 01 42 38 08 08