Psychologie : changer... oui, mais comment ?
Le changement est une situation qui nous concerne tous. Nous souhaitons en permanence changer des choses dans notre vie : arrêter de fumer ou de boire, faire du sport, être plus attentionné envers sa famille ou ses collègues… Pourquoi veut-on changer ? Comment y parvenir ? Les explications avec le Dr Guillaume Fond, psychiatre.
- Trouver l'énergie pour changer
- Première étape du changement : la préparation physique
- Changer son alimentation
- Que faut-il boire ?
- Les vitamines et les compléments alimentaires sont-ils utiles ?
- Faites du sport !
- Se mettre en condition pour changer
- Les bienfaits de la méditation et de la pleine conscience
- Les bienfaits de l'activité physique
- Les bienfaits de la lecture et de l'écriture
- Comment gagner du temps ?
- Comment agir sur les croyances limitantes ?
- Bien s'entourer pour changer
- Les techniques d'affirmation de soi
- Quand le changement devient-il une habitude ?
Trouver l'énergie pour changer
Le changement ne s'improvise pas. Pour augmenter ses chances de réussite, le changement doit se faire en trois grandes étapes. Dans un premier temps, la préparation physique, qui est capitale et pourtant souvent négligée, permet d'augmenter son énergie. La deuxième étape correspond à la préparation mentale. Il s'agit alors de modifier ses croyances. Enfin, il faut influencer son environnement car nos relations sont souvent déterminantes dans le changement.
Première étape du changement : la préparation physique
On pense souvent que le changement passe d'abord par la tête. Or, il est capital que le corps soit bien préparé pour faire face au changement. Le bien-être et l'énergie du corps vont conditionner le bien-être de l'esprit. La motivation au changement découle directement de l'énergie que l'on peut fournir pour changer. Plus le corps aura de l'énergie et sera reposé, plus les chances de changement seront grandes. Souvent, les causes d'échec du changement sont le manque de volonté, la fatigue, l'angoisse qui sont directement en lien avec le corps.
Le plus facile est de commencer à trier ce qu'on amène à son corps, c'est-à-dire l’alimentation. On sous-estime beaucoup les effets de l'alimentation sur l'énergie et la motivation. Par exemple, beaucoup de personnes commettent l'erreur de manger des aliments très caloriques en pensant que cela va augmenter leurs performances. En réalité, c'est l'inverse ! Plus la digestion est légère, moins cela perturbe le fonctionnement du cerveau. Les aliments riches en protéines et en fibres sont également bons pour le maintien de la flore intestinale (microbiote), qui elle-même va augmenter l'énergie par la synthèse de nutriments. En résumé, il faut recommander la consommation de viandes, poissons, légumes et fruits. Pour le reste, la modération est de rigueur.
Changer son alimentation
Plutôt que d'enlever des aliments, il est conseillé d'en rajouter ou d'en remplacer. Le plus simple semble, par exemple, au restaurant ou chez soi, de toujours mettre des légumes en accompagnement, comme des haricots verts par exemple à la place des frites ou des pommes de terre. Prendre un yaourt ou une compote en dessert plutôt qu'un gâteau. Je recommande aussi de manger une salade verte complète par jour. La salade tamponne l'estomac et ralentit la digestion, elle favorise la croissance des bonnes bactéries dans l'intestin. Elle est hypocalorique, c'est-à-dire qu'on dépense plus d'énergie pour digérer que l'aliment lui-même. Les études montrent que les effets d'un changement d'alimentation peuvent se voir dès deux semaines seulement.
Concernant le jeûne, notre corps n'est pas programmé pour recevoir une alimentation riche, à trois repas par jour, cela l'endort. Quand on diminue son alimentation ou que l'on passe à deux repas par jour, cela lui donne un stress positif. C'est ce qu'on appelle le jeûne intermittent. Il peut alors activer tout un tas de cascades moléculaires pour augmenter l'énergie et aller chercher la nourriture. Dans les études, des souris, dont on diminuait l'alimentation de 30%, avaient 20% de vie en plus ! Cela peut donc être bon pour la longévité. Toutefois, cela peut ne pas convenir à tout le monde et cela n'est pas indispensable pour réussir le changement.
Que faut-il boire ?
Souvent, quand on se sent fatigué, on est déshydraté. Il faut toujours avoir une bouteille d'eau avec soi, surtout en période de forte chaleur. Les études recommandent une grande limitation des sodas, qu'ils soient sucrés ou light. Rien n'hydrate mieux que l'eau !
La diminution de l'alcool est fortement recommandée, car l'alcool déshydrate et sédate. La consommation de café est recommandée en quantité très modérée, moins de trois tasses par jour, pour éviter les effets secondaires comme les troubles du sommeil et l'irritabilité. Quant aux boissons énergétiques, elles sont à éviter car leurs conséquences sur la santé restent incertaines.
Les vitamines et les compléments alimentaires sont-ils utiles ?
Beaucoup de compléments alimentaires vantent l'augmentation de l'énergie. Mais on ne peut pas recommander la prise de tel ou tel complément pour augmenter l'énergie. En revanche, l'idée est de s'assurer que nous ne sommes pas carencés. L'alimentation moderne est moins riche en nutriments qu'il y a cinquante ans.
Des études récentes retrouvent de fortes prévalences d'insuffisance en vitamine D en France, particulièrement en hiver car la vitamine D est synthétisée par la peau lorsqu'on s'expose au soleil. La vitamine D joue un rôle fondamental dans l'immunité. On a trouvé des récepteurs à la vitamine D dans le cerveau, dont la fonction reste peu connue. Ils pourraient jouer un rôle préventif de la dépression. Le zinc et le sélénium sont des oligo-éléments fondamentaux pour le fonctionnement des protéines de notre corps. Les oméga 3 ont également énormément de propriétés qui pourraient augmenter l'énergie. Ce sont des fluidifiants membranaires dont on découvre progressivement les effets au niveau du cerveau et de l'ensemble des organes du corps.
Il n'est toutefois pas recommandé de demander un bilan sanguin pour détecter les carences, car cela coûte cher et il n'est pas remboursé. Le mieux est d'abord de bien s'alimenter, et si ce n'est pas possible, de tenter une cure d'un mois d'une association de vitamines et d'oligo-éléments, si on a des facteurs de risque d'être carencé (mauvaise alimentation, pollution, stress…. ) et de constater l'effet. Chaque personne peut répondre différemment et il faut toujours faire le test pour savoir ce qui fonctionne. Pour augmenter l'énergie, il faut avoir une alimentation équilibrée.
Faites du sport !
La préparation physique passe aussi par l'activité physique. L'erreur est de penser qu'il faut attendre d'être en forme pour faire de l'activité physique, alors que c'est l'inverse. L'activité physique augmente la température du corps et l'oxygénation du cerveau. Il existe maintenant d'excellentes applications gratuites sur smartphone pour activer en sept minutes l'ensemble des muscles du corps. Et ce, sans matériel autre qu'une chaise. Il n'y a donc plus d'excuses.
Se mettre en condition pour changer
Changer de vie pour vivre en cohérence avec nos aspirations, nous sommes tous passés par là. Pour y parvenir, certaines études recommandent de se créer un "rituel du matin". Les Anglo-saxons parlent de miracle morning, le "matin miraculeux". Il s'agit de mettre en place un rituel du matin, et de se lever pour cela 30 à 60 minutes plus tôt par exemple pour commencer. L'important n'est pas forcément de se lever à 5 heures du matin, si on travaille de nuit par exemple !
Les études de neuropsychologie ont montré que les premières minutes sont les plus importantes car elles vont influencer tout le reste de la journée. Mettre en place un rituel permet ainsi de ne pas perdre de temps à réfléchir à ce que l'on veut faire. De plus, la motivation est plus importante le matin que le soir. Nous avons un "capital motivation" que l'on grignote tout au long de la journée, et la motivation est capitale pour réussir le changement.
Les bienfaits de la méditation et de la pleine conscience
Chaque personne peut se composer un rituel sur mesure, en fonction de ses aspirations. Parmi ce qui a montré une grande efficacité, il est recommandé de démarrer par cinq à dix minutes de méditation. Les bienfaits de la méditation sur la concentration, la mémoire, la régulation des émotions et la détermination ont été démontrés dans de nombreuses études. Il est parfois difficile de commencer à méditer seul, il existe pour cela des méditations guidées, c'est-à-dire des exercices audio pour apprendre à méditer et laisser le flux de pensées s'écouler.
On peut aussi faire de la pleine conscience, c'est-à-dire apporter toute son attention à ce que l'on est en train de faire, dans l'instant présent. Souvent, on téléphone en même temps que l'on fait du rangement et qu'on surveille la marmite. On a l'illusion qu'on gagne du temps, mais ce n'est pas le cas. Pour commencer la pleine conscience, on peut par exemple choisir chaque jour deux activités simples, de quelques minutes, à faire en pleine conscience : par exemple se brosser les dents, s'habiller, prendre une douche… Il s'agit de décomposer toutes les étapes comme si c'était la première fois que nous faisions cette action, et de ne pas faire 36 choses à la fois en pensant à ce que l'on va faire ensuite !
Les bienfaits de l'activité physique
L'activité physique peut faire partie du rituel. Il ne faut pas attendre d'être en forme pour faire de l'activité physique. Au contraire, il faut se mettre au sport lorsqu'on n'est pas en forme. Plus on dépense de l'énergie, plus on en a. Faire de l'exercice permet d'augmenter la "bonne" énergie tout au long de la journée. En seulement sept minutes, on peut activer l'ensemble des muscles de son corps.
On peut aussi commencer à marcher et choisir les escaliers plutôt que les escalators, et si possible monter les marches deux par deux. Enfin, je recommande, pour les personnes qui le peuvent, de passer 30 minutes par jour dans un endroit naturel, comme un parc par exemple. Il a été prouvé que cela augmentait le niveau de bonheur indépendamment de l'activité physique.
Les bienfaits de la lecture et de l'écriture
Il est aussi recommandé de consacrer chaque jour cinq à dix minutes à lire des livres qui nous inspirent, des livres qui sont importants pour nous dans un domaine que l'on veut développer. Il faut également écrire chaque jour. Les philosophes de l'Antiquité recommandaient d'écrire chaque jour ce qu'ils avaient appris au cours de la journée précédente, ils parlaient d''examen de conscience".
On peut le faire le soir au coucher, car il a été montré que cela améliorait le sommeil, et les dernières pensées du jour impactent celles du réveil. Cela peut concerner des choses simples : un appel, le sourire du chauffeur dans le bus… Notre cerveau est entraîné pour retenir cinq fois plus les choses négatives que les choses positives. L'évolution a probablement sélectionné cette compétence car il est important de retenir les dangers, les choses qui produisent une aversion en nous. C'est ce qu'on appelle le renforcement négatif. Il faut donc faire un travail actif pour ramener à sa mémoire toutes les choses pour lesquelles on exprime de la reconnaissance. On ne peut pas ressentir des émotions contradictoires, il n'est pas possible de ressentir à la fois de la gratitude et de l'angoisse par exemple.
Enfin, il y a les visualisations et les affirmations. Il s'agit d'une technique utilisée par les grands sportifs. Il a été démontré en neurosciences que se visualiser en train de faire une action augmentait la probabilité dans le futur de réussir cette action. On conditionne ainsi notre cerveau au changement. Les affirmations sont des phrases inspirantes, des citations, que l'on va écrire sur une feuille que l'on gardera avec soi et que l'on relira chaque matin.
Comment gagner du temps ?
Pour gagner du temps, il faut limiter tous les distracteurs, ces choses qui nous perturbent dans nos activités, comme le téléphone, les mails et les réseaux sociaux. Il est également recommandé de faire temporairement une diète médiatique, c'est-à-dire ne plus suivre l'actualité pendant un certain temps. Dans la voiture, écoutez la musique qui augmente l'énergie ou l'inspiration plutôt que les actualités.
On peut également influencer son psychisme par la respiration. Cette constatation est inspirée des techniques de sportifs mais aussi de chanteurs. La respiration est fondamentale. On peut faire des exercices d'alternance inspiration-expiration de cinq secondes, ou inspiration-bloquer-expiration, ou encore des séquences d'inspiration-expiration rapide pendant dix secondes. Cela est très efficace de même que sauter sur place, rire, aussi bien pour désactiver le mental que pour augmenter l'énergie.
Comment agir sur les croyances limitantes ?
Les croyances limitantes sont toutes les croyances qui nous empêchent de changer, comme "je ne suis pas assez bon", "je ne sais pas danser". La première étape pour changer, c'est s'autoriser à changer. Un bon moyen de se libérer des croyances limitantes est d'adhérer à la croyance du "cadeau caché". Il existe des cadeaux cachés de trois ordres. Le cadeau de premier ordre est le cadeau au sens classique. Nous recevons une récompense pour notre acte, on nous renvoie l'ascenseur en échange de bons procédés. Nous parlons ici de cadeaux virtuels et non de biens matériels.
Le cadeau de second ordre est un cadeau qui survient après un long délai après l'action que nous avons émise, ce délai peut même prendre plusieurs années. On parle aussi d'avantage décalé. Une personne va par exemple nous remercier, et faire un geste envers nous pour l'aide ou les conseils que nous lui avons prodigués longtemps auparavant. Enfin, le cadeau de troisième ordre est le cadeau qui n'est pas pour nous. Notre action contribue à l'amélioration globale de l'humanité, et en améliorant l'humanité on se fait un cadeau indirectement. Lorsqu'on perd, on ne voit pas immédiatement ce qu'on gagne, et inversement.
Bien s'entourer pour changer
La dernière étape du changement consiste à influencer son entourage, en commençant par choisir les personnes que l'on fréquente le plus. Cela n'est pas toujours facile. On dit que l'on est la moyenne des sept personnes que l'on fréquente le plus. On ne choisit pas sa famille, mais on peut choisir de passer plus ou moins de temps avec certains membres de sa famille, et d'incarner des choses différentes lors de ces moments partagés.
Même chose pour les amis. On va choisir de voir plus souvent les personnes qui nous inspirent, qui nous tirent vers le haut, qui nous aident à nous rapprocher de ce qui est important pour nous. L'erreur la plus fréquent est de s'entourer de personnes qui ont les mêmes problèmes que nous. On se sent alors compris mais cela peut entretenir le statu quo.
Les techniques d'affirmation de soi
Il faut ensuite faire face à des personnes qui peuvent se montrer hostiles ou agressives, comme un chef au travail par exemple. Il existe pour cela des techniques d'affirmation de soi. Il est en effet important de savoir défendre ses intérêts en étant ni agressif, ni passif. Un bon moyen pour cela est la technique du je/me/sentiment/sincérité qu'on appelle également technique du koala. Cela signifie qu'on ne parle qu'à la première personne, en exprimant ses émotions avec authenticité. Ainsi, on peut défendre ses intérêts sans agresser l'autre.
Il existe aussi une phrase magique pour faire baisser la tension et éviter la dispute : "si j'étais à ta place, je penserais la même chose". Quand on est bloqué dans une conversation, on peut prononcer cette phrase avec sincérité et tout s'apaise. Elle ne fait que dire à la personne "tu n'es pas seul(e)".
Quand le changement devient-il une habitude ?
Il ne s'agit pas d'un effet "on/off". Chaque petite action, chaque jour, va produire des fruits plus tard. On parle d'effet cumulé. Les études du comportement ont montré qu'il fallait 21 à 30 jours pour qu'un changement soit ancré comme une nouvelle habitude. Attention, il s'agit de jours consécutifs ! Si on revient à l'ancien comportement, il faut remettre le compteur à zéro !
La "rechute" ne signifie pas qu'on a échoué et qu'on ne peut pas changer. L'échec n'est pas le contraire de la réussite, il en fait partie. Cela est parfaitement normal. Beaucoup de personnes pensent qu'une fois le changement mis en place, elles ne reviendront jamais à l'ancien comportement. Or, c'est cette situation qui se produit le plus fréquemment ! Nous sommes mis à l'épreuve tout au long de notre vie. Il existe plusieurs stades de changement, qui ont été classiquement décrits.
Le stade de pré-contemplation consiste à ne pas avoir conscience de la nécessité de changer, de ne pas voir le problème. Le stade de contemplation est la prise de conscience du problème, mais sans capacité de changer. Beaucoup de personnes sont piégées dans cette phase. C'est ce qu'on appelle l'ambivalence, lorsqu'on hésite à changer même lorsque tout nous y pousse. On n'est pas vraiment convaincu de l'intérêt de changer, et on voit davantage ce qu'on a à perdre. Il est difficile de dépasser ce stade. Souvent, cela se fait par un déclic, un événement, une prise de conscience de la nécessité de changer. Les deux étapes préparatoires sont importantes. Ensuite, il y a la phase d'action.
Les boucles vont être de plus en plus courtes jusqu'à conduire au changement définitif. Il vaut mieux n'avoir qu'un seul objectif, car beaucoup de causes d'échecs viennent du fait de vouloir changer trop de choses en même temps. On ne peut pas à la fois être un maître de méditation, un grand sportif, être au top de sa carrière et présent envers ses proches... On doit hiérarchiser ses priorités en fonction de ses aspirations.
Il faut encourager toutes les personnes qui souhaitent changer à tester toutes ces techniques. La différence entre le bon sceptique et le mauvais sceptique : le mauvais sceptique est celui qui n'essaie pas. Et surtout, le plus important, c'est de s'autoriser à changer. Les personnes qui sont bloquées le sont avant tout parce que leurs croyances les paralysent.