Radicalisation des jeunes : comment devient-on la chair à canon de Daesh ?
Certains adolescents se radicalisent, parfois jusqu'à commettre des atrocités. Mais comment en arrivent-ils à de telles extrémités? Quels sont les mécanismes psychologiques utilisés par Daesh? Les explications de Serge Hefez, psychiatre et psychanalyste.
- L'isolement.
Il existe deux aspects de la radicalisation. On isole l'individu de son groupe le plus possible pour l'amener à adhérer à un mode de pensée et une affiliation à un nouveau groupe. On fait miroiter à des jeunes qui sont un peu en difficulté, qui cherchent du sens, qui sont en quête de sacré… une nouvelle idéologie qui va transcender leur existence.
- Une volonté de transformer son existence.
Ces jeunes sont animés par une volonté de rachat, une volonté de transformation de leur existence et de celle de leur entourage. On leur fait entrevoir un nouveau mode de pensée. Mais pour cela, il faut qu'ils adhèrent très fortement à un nouveau groupe qui va partager cette idéologie, en général sous l'égide d'un leader, comme dans les sectes.
- La thérorie du complot.
Isoler un individu d'un groupe est beaucoup plus simple quand il s'agit d'un jeune devant son écran. On crée alors un véritable rapport d'hypnose entre le jeune et l'écran. On l'amène par tout un tas de messages à se méfier des autres. Daesh utilise beaucoup la théorie du complot : complots judéo-maçonniques, complots internationaux, complots de la grande finance… On repère les jeunes qui sont plus forts que les autres, qui sont animés par un idéal de justice et donc qui sont capables de lutter contre ces complots.
- Les vidéos d'embrigadement.
D'autre part, l'Etat islamique utilise beaucoup les réseaux sociaux pour divulguer ce type de messages. Et on trouve de nombreuses vidéos d'embrigadement, d'endoctrinement. Ces vidéos mélangent films de fiction comme Matrix avec des images filmées sur le terrain, des scènes de décapitation, de torture, des scènes d'enfants maltraités… auxquelles les jeunes sont très sensibles. On mélange ces images avec des montages d'actualités plus ou moins bidonnés. Il s'agit surtout d'occuper le terrain psychique. C'est un harcèlement permanent. Il s'agit donc d'une adhésion à l'idéologie, d'une adhésion au groupe en étant tous pareils comme dans les sectes.
- La rédemption.
On a du mal à croire que tout à coup, ces jeunes pensent que leur mort est plus importante que leur vie. Mais leur rachat passe par la martyrologie et la rédemption. Chez ces adolescents un peu exaltés, chez qui les forces de vie et les forces de mort, les forces de liaison et déliaison sont très mêlées, on laisse entrevoir du sens à l'autodestruction, à la mort. Il s'agit de se racheter. Ce thème du rachat est très important.
- La déshumanisation de l'autre.
Tous les autres étant des ennemis, ils perdent leur qualité d'être humain et soi-même en étant fondu complètement dans le groupe et dans l'adhésion au groupe, on perd également ses propres qualités humaines. Et du fait de la déshumanisation personnelle et de la déshumanisation des autres, on peut envisager les pires atrocités et le passage à l'acte.