Cancer de la bouche : quelle chirurgie et quel traitement ?
Pour retirer la tumeur de la cavité buccale, une chirurgie s'impose. Dans de nombreux cas, il faut réparer la zone endommagée. Cette intervention impressionnante nécessite une reconstruction de la mâchoire et de la zone prélevée.
C’est une intervention de 8 heures que s’apprête à réaliser des chirurgiens sur un patient de 67 ans. "C’est un monsieur qui a une intoxication tabac et alcool, l'association de facteurs de risque la plus importante pour le cancer de la cavité buccale", explique le Dr Maria Lesnik, chirurgienne oncologue à l'institut Curie à Paris.
"Toutes les zones blanches sont des zones tumorales. On regarde aussi la manière dont la tumeur va aller envahir les structures qui sont à côté de l'os. On voit que ça occupe quand même une bonne partie de la pointe de la langue", poursuit la spécialiste.
Plusieurs heures passées au bloc
Le but de l’intervention est de retirer toutes les zones malades. Autrement dit une bonne partie de la mandibule ainsi que le tiers de la langue sans oublier les ganglions atteints. Ce n’est pas tout, tandis que la première équipe incise le menton et le cou du patient afin d’atteindre les tumeurs, une deuxième équipe de chirurgien se concentre sur la jambe.
"L'idée va être de prendre l'os de la fibula donc les parties osseuses qui ont été mesurées en amont sur le scanner et qu'on va couper pour redonner l'angle de la mandibule", commente le Dr Nathalie Badoie, chirurgienne oncologue à l'institut Curie, à Paris.
L'os de la fibula va être coupé puis retaillé pour reconstruire la mâchoire. Toutes ces étapes nécessitent plusieurs heures et l’état du patient doit absolument rester stable. Ce qui demande à l’équipe anesthésiste, une surveillance accrue.
"Ça demande plus de surveillance, des sédations, de la tension artérielle, de la fréquence cardiaque et donc on a plein de paramètres qu'on surveille parce qu'effectivement, c'est une chirurgie longue, très délabrante et très difficile pour le patient", confie le Dr Vincent Greux, anesthésiste.
Une mâchoire prélevée... dans la jambe !
L’équipe doit retirer toutes les parties molles atteintes par le cancer. Or, certaines sont enchâssées dans la graisse et dans les tissus du cou.
Il ne faut surtout pas abîmer la veine jugulaire et en même temps, il faut enlever tout ce qui l’englobe. La chirurgienne peut désormais enlever la tumeur qui a rongé la mâchoire inférieure.
Côté jambe, la nouvelle mâchoire est presque prête. Après quelques remodelages, l’os de la fibula est transformé en mandibule. Il faut à présent très vite l'insérer dans la cavité buccale du patient.
Une fois fixé, le lambeau doit être rapidement revascularisé sous microscope. Les vaisseaux sanguins du lambeau sont branchés sur les vaisseaux sanguins du cou pour que ce soit un lambeau vivant. Il faut pour ça une artère et une veine.
Quelles sont les suites opératoires ?
L’artère de la jambe restée sur la nouvelle mâchoire est connectée à l’une des petites artères du cou. Le sang ira de l’artère du cou vers le lambeau. Puis c’est au tour de la veine du lambeau d'être connectée à la veine jugulaire du cou. La veine est en train de se remplir, le sang arrive bien du lambeau dans la veine.
La circulation est rétablie dans le greffon. Il ne reste plus qu’à suturer l’intérieur de la cavité buccale et le cou.
La jambe quant à elle, nécessite une greffe de peau pour combler le prélèvement.
"Concernant son cancer, on espère avoir tout retiré. À l'analyse, on verra combien de ganglions sont atteints par le cancer. La suite va être très probablement de la radiothérapie plus ou moins associée avec de la chimiothérapie en fonction de ce qu'on va trouver à l'analyse", confie le Dr Maria Lesnik.
En attendant les résultats, ce patient devra rester 3 semaines à l’hôpital le temps de la cicatrisation.