L'annonce d'un cancer pédiatrique ne s'improvise pas
L’une des clés pour améliorer l’annonce d’une maladie grave est la formation. Au CHU d’Angers, les internes apprennent à annoncer des cancers pédiatriques lors de mises en situation avec des comédiens.
CHU d’Angers, 10 heures du matin. Les soignants font le point sur les patients qui viennent d’arriver.
"On va parler de Hugo qui a 11 ans… Hugo s’est autopalpé une adénopathie cervicale, qui a augmenté depuis 3 semaines, il a perdu 3 kilos, avec une fièvre à 38,5 depuis 10 jours. Hugo a été adressé en consultation ORL pour une biopsie dont le résultat anatomopathologique est un lymphome de Hodgkin scléro-nodulaire", explique le Dr Stéphanie Proust, oncologue pédiatre au CHU d'Angers.
Les symptômes laissaient peu de place au doute. Les examens ont confirmé le diagnostic. Hugo, 11 ans, souffre bien d’un cancer du sang. C’est Sarah qui est chargée de l’annoncer à ses parents.
Un exercice essentiel pour les futurs médecins
Le moment est solennel, l’angoisse palpable. Sauf que tout est faux, les parents sont des comédiens et Sarah pas encore tout à fait médecin. Elle est interne en 6e année de pédiatrie. Cette consultation est une formation à l’annonce du cancer.
"Je voulais savoir ce qui vous a été dit de ce qui se passait pour Hugo ?", demande Sarah-Rita Bouhmouch, interne en pédiatrie au CHRU de Tours.
"On nous a dit que c'était un cancer et qu'on voit avec vous...Il est jeune quand même... On peut pas arriver aussi vite à dire que c'est un cancer... Ça peut être une erreur en fait...", commence le comédien.
Evoquer la possibilité d'un décès
Comme prévu dans le scénario, l’acteur joue le déni, mais Sarah ne se laisse pas déstabiliser. Elle insiste même pour qu’il s’asseye.
"Cette maladie qu’ils ont réussi à bien définir, est un lymphome. Est-ce que vous c’est quelque chose qui vous parle comme maladie le lymphome ? C’est un cancer du sang tout à fait", renchérit Sarah.
La salle est truffée de caméras et de micros, ce qui permet de diffuser la scène en direct dans la pièce d’à côté où un médecin et une psychologue scrutent les moindres faits et gestes de l’interne.
"On va observer sa posture, la manière dont il va parler, les mots qu’il va employer, est-ce qu’il va par exemple parler de cancer, est-ce qu’il va s’ajuster aux réactions que les parents vont avoir en face...", précise le Dr Stéphanie Proust.
"L’annonce d’un cancer, c’est dire ce qu’on n’a pas envie de dire à quelqu’un qui n’a pas envie de l’entendre. On vient générer un traumatisme pour les parents, pour l’enfant, pour l’adolescent parce qu’annoncer un cancer, c’est annoncer un risque de mort possible", explique Ingrid Cartier, psychologue en oncologie pédiatrique.
Une formation en cours de mise en place
Sarah doit réussir à capter l’attention des parents pris par l’émotion mais ils fuient sans cesse son regard.
"Je sais que ça fait énormément d’informations pour vous. Le lymphome de Hodgkin, est un cancer qu’on connaît et si on vous propose une chimiothérapie et un traitement, c’est parce que c’est un cancer qu’on arrive aussi à guérir", précise Sarah.
La consultation va durer 20 minutes pendant lesquelles l’interne doit rassurer les parents et donner toutes les informations sur les traitements. Finalement Sarah s’en est très bien sortie malgré ses doutes.
Le débriefing en présence des autres internes est une étape essentielle de la formation. Il permet de se préparer au mieux à ce moment délicat.
Depuis la réforme du 3e cycle, ce type de formation est inscrit dans le programme des études de médecine mais tous les hôpitaux ne le proposent pas encore.