Angers : trois questions autour d'un nourrisson dans le coma
Ayana Pitel, fillette de sept mois aujourd'hui dans le coma au CHU d’Angers, a eu le cerveau irrémédiablement détruit des suites d’une très forte fièvre. Des associations ont rapidement accusé "les effets secondaires des vaccinations" précédemment reçues par l’enfant, d’autres voix s’élevant contre une prise en charge tardive par le SAMU.
A Alençon, dans la nuit du 5 au 6 mai 2015, Ayana Pitel, alors âgée d’à peine 6 mois, a déclaré une forte fièvre, suivie de convulsions. Selon ses parents, ces symptômes seraient survenus quelques heures après l’administration de deux doses de vaccins protégeant contre la coqueluche, l'hépatite B, la polio, le tétanos et la diphtérie. Conduite dans la nuit à l'hôpital d'Alençon, elle sera ensuite transférée au CHU du Mans puis à celui d'Angers, où elle entrera dans le coma.
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Une fièvre est-elle un effet secondaire courant d'une vaccination ? Une fièvre de cette intensité est-elle anormale ?
Une fièvre modérée (entre 38°C et 39°C) est un effet secondaire très fréquent et transitoire d’une vaccination au vaccin hexavalent actuellement disponible. Survenant dans 30,5% des cas, il est dûment recensé par les autorités sanitaires. Une fièvre transitoire supérieure à 39,5°C est également recensée chez 1,5% des vaccinés. Dans des cas rares (environ 0,1% des cas), une fièvre supérieure à 40°C survient dans les 48 heures après l’injection. Des convulsions sont également susceptibles d’apparaître à une fréquence comparable (de 0,01% à 0,1%). Le résumé des caractéristiques du vaccin rappelle que, comme pour tous les vaccins injectables, il est recommandé "d'assurer une surveillance pour le cas rare où surviendrait une réaction anaphylactique suivant l'administration du vaccin". Un traitement antipyrétique (anti-fièvre) administré sous contrôle médical s’impose alors.
Emmanuel Ludot, l'avocat des parents (voir encadré), a révélé à la presse les conclusions de l’expertise médicale. "Cette enfant a eu le cerveau détruit par une hyperthermie maligne. C’est la fièvre de 42,5°C qui est à l’origine de cette destruction. Si cette fièvre avait été traitée en temps et en heure, nous ne serions pas au chevet d’un bébé qui est sur le point de mourir".
Contacté par la rédaction d’Allodocteurs.fr, le CHU d’Angers n’a pas encore confirmé cette "hyperthermie maligne", qui impliquerait une prédisposition génétique de l’enfant. "Des choses ont été dites durant l’expertise, mais nous ne pourront les commenter que lorsque le rapport officiel sera publié, ce qui devrait survenir d’ici [au 23 juin]", nous a-t-il été signifié.
La terminologie renvoie en effet à de fortes fièvres causées le plus souvent par une intolérance génétique à certaines substances anesthésiques (anomalie rare présente chez 0,001% à 0,01% de la population et ne se déclarant que dans un tiers des cas).
Pour le pédiatre Robert Cohen, l’évolution des préconisations quant à la conduite à tenir face à la fièvre du nourrisson (ne pas couvrir l’enfant) font que les cas recensés de très fortes hyperthermies sont désormais "essentiellement liés à de telles prédispositions".
L’intensité de la fièvre constatée chez Ayana Pitel est donc particulièrement hors norme, et possiblement liée à une situation individuelle rare.
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Fièvre de l’enfant : quels signes doivent inquiéter ?
On considère qu'une personne est dans un état fiévreux lorsque sa température corporelle dépasse 38°C. Poser une simple main sur le front manque de précision : il faut utiliser un thermomètre électronique par voie rectale ou un thermomètre auriculaire. Si votre enfant se sent visiblement mal, vous pouvez commencer par adopter quelques mesures simples pour le soulager. Déshabillez-le, donnez lui à boire régulièrement de l'eau et aérez sa chambre. Certains spécialistes déconseillent le recours au bain froid, qui aggraverait la sensation d'inconfort de l’enfant, et suggèrent plutôt le bain tiède "à condition que l'enfant s'y sente bien".
Si la fièvre s'accompagne d'inconfort, de douleurs, une prise de médicaments spécifiques peut être indiquée. Trois types de médicaments peuvent être utilisés : le paracétamol, l'ibuprofène et l'aspirine. En automédication, le paracétamol est recommandé en première intention car c'est le mieux toléré. Dans tous les cas, un seul médicament doit être utilisé à la fois en raison des interactions qui peuvent se produire. Le respect des doses en fonction du poids, de l'âge et du délai entre les prises qui sont en général de six heures est impératif. Le seul risque réel avec le paracétamol est le surdosage.
En cas de fièvre supérieure à 40°C ou si, malgré ces traitements, une fièvre inférieure à 40°C persiste pendant plus de 48 heures, de même que si l’enfant manifeste des signes de douleurs et que son inconfort n'est pas amélioré par les antalgiques, il faut consulter sans tarder un médecin.
Dans le cas du nourrisson alençonnais, Emmanuel Ludot, l'avocat des parents met en cause les délais de prise en charge de l’enfant suite au signalement de ces fièvres. Il a déclaré à la presse souhaiter "s'atteler à la responsabilité lourde du Samu d’Alençon", "dont l’attitude [lui] paraît contraire aux règles élémentaires".
La chronologie exacte des faits n’a toutefois pas été rendue publique, ce qui oblige à la plus grande prudence.
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L'injection simultanée de plusieurs vaccins (vaccins combinés) a-t-elle pu favoriser l'accident ?
Le fait de recevoir plusieurs vaccins simultanément ne « surcharge » pas le système immunitaire : le système immunitaire humain a une capacité très importante de répondre aux antigènes. Selon des travaux publiés en 2002 dans la revue Pediatrics, l'organisme d'un nourrisson en bonne santé pourrait répondre sans danger à l'administration simultanée de 10.000 antigènes. Un vaccin combinant dix types d'antigènes mobiliserait ainsi moins de 0,1% de son système immunitaire.
Le principal avantage de la vaccination combinée est d’améliorer le respect du calendrier vaccinal (moins de rendez-vous médicaux), et donc d'accroître la couverture vaccinale contre de nombreuses pathologies. Un vif débat existe cependant sur le fait d’imposer par ce biais des vaccins non-obligatoires aux patients.
Ce cas médical avait été médiatisé en fin de semaine dernière, les parents d'Ayana s'opposant à l'extubation préconisée par les médecins du CHU d'Angers. La fillette présentait en effet "des séquelles neurologiques gravissimes, irréversibles, avec un tableau de souffrances, de douleurs, extrêmes". Suite à une expertise ordonnée par la justice, qui a confirmé le caractère irréversible des lésions, les parents ont finalement accepté le décès "programmé" de l'enfant.
(source : AFP)