Chili : l'espoir de l'avortement
Le Chili fait partie des pays les plus durs en matière d'avortement. Même en cas de viol ou de malformations létales du fœtus, les Chiliennes ne peuvent interrompre leur grossesse. Pour la première fois, le Congrès chilien envisage de dépénaliser l'avortement thérapeutique. Une vague d'espoir pour de nombreuses femmes en souffrance.
L'interdiction est totale depuis 1989. Sous l'égide de l'Eglise catholique, le Chili ne permet à aucune femme enceinte d'avorter. Une loi aberrante qui pourrait bientôt changer. Le Congrès chilien a approuvé le 4 août un premier texte visant à dépénaliser l'avortement en cas de risque pour la vie de la mère, de malformations ou de grossesse issue d'un viol, dans un pays où l'interruption de grossesse est totalement interdite. Un vote serré, à 8 voix pour et 5 contre. Le texte devra être voté en séance plénière avant d'être examiné article par article.
La dépénalisation de l'avortement thérapeutique est soutenu par la président Chilienne Michelle Bachelet, médecin de formation et ancienne responsable d'ONU-Femmes. "Les faits ont montré que l'interdiction totale et la criminalisation de toute forme d'interruption de grossesse n'ont pas empêché, ni n'empêchent sa pratique dans des conditions de haut risque pour la vie et la santé des femmes" explique-t-elle. Sous le régime dictatorial du général Pinochet, l'avortement a été interdit en 1989 et maintenu à la chute du pouvoir en 1990 sous la pression de l'Eglise. Auparavant, l'interruption de grossesse avait été possible pendant 50 ans en cas de fœtus non-viables et de dangers pour la santé ou la vie de la mère.
Près de 17.000 femmes concernées
Cette première approbation du texte est nécessaire pour légiférer sur un thème de société particulièrement polémique au Chili, un des pays les plus conservateurs d'Amérique latine, où le divorce n'a été approuvé qu'en 2005 et où plus de 70% de la population se déclare catholique.
L'avortement thérapeutique nécessitera le diagnostic d'un médecin, entériné par un autre praticien. L'avis d'un seul suffira si la femme court un risque imminent. Le projet de loi reconnaît aux médecins le droit à l'objection de conscience. Au Chili, ce sont près de 17.000 femmes qui pourraient être concernées par cette mesure. Quelque 16.510 femmes sont chaque année hospitalisées pour des grossesses de moins de 22 semaines présentant un danger pour leur vie ou parce que le fœtus souffre de malformations incompatibles avec la vie.
Les dangers des méthodes artisanales et clandestines
Les pays d'Amérique Latine sont les plus stricts en matière d'avortement. Aujourd'hui encore, il est interdit dans la majorité des pays du continent, exception faite de Cuba, le Guyana, l'Uruguay, et de la ville de Mexico. Paradoxalement, ce sont dans ces régions du monde qu'il y a le plus d'interruptions de grossesses : 32 IVG pour 1.000 femmes en Amérique du Sud, contre 12 en Europe. Cet écart est du à l'accès très restreint à la contraception dans ces régions.
Face à ces interdictions, les femmes n'ont d'autres choix que de se tourner vers des méthodes d'IVG clandestines et artisanales, qui mettent leur vie en danger. Et ce sont les femmes les plus pauvres qui en pâtissent, forcées d'opérer avec les moyens du bord. Cintres, aiguilles à tricoter, chute dans les escaliers, introduction de détergent dans le vagin ou encore prise de médicaments de mauvaise qualité… Ces IVG sont extrêmement risquées. Chaque année, 50.000 femmes meurent faute d'accès à l'avortement.