« Il jette l’opprobre sur toute une profession », le Planning familial à propos du Dr De Rochambeau
Véronique Séhier, coprésidente du Planning familial, réagit aux propos du président du syndicat national des gynécologues-obstétriciens qui a estimé que la pratique de l’IVG était assimilable à un homicide.
Lors d’un reportage diffusé mardi soir sur TMC, dans l’émission « Quotidien », le Dr Bertrand de Rochambeau, président du Syngof, assimilait l’IVG à un homicide. Des propos qui ont été largement condamnés toute la journée d’hier. La ministre de la Santé, Agnès Buzyn, et la Secrétaire d’Etat à l'égalité femme-hommes, Marlène Schiappa ont en effet déclaré, dans un communiqué commun, que "l'IVG est un droit trop souvent menacé pour lequel il convient de ne relâcher aucun effort". Le Conseil National de l'ordre des Médecins, lui a rappelé que le Dr de Rochambeau ne pouvait émettre publiquement une opinion personnelle en tant que président d’un syndicat de médecin.
- En quoi la clause de conscience invoquée par le Dr De Rochambeau est une entrave au droit des femmes ?
Véronique Séhier : " On voit bien aujourd’hui dans certains hôpitaux combien la clause de conscience est une entrave dans la mesure où des médecins qui pourraient pratiquer l’IVG empêchent les femmes d’y accéder. Si en plus, cette clause de conscience est défendue de cette façon-là par le président d’un syndicat des gynécologues-obstétriciens, c’est dramatique. Ça envoie encore aux femmes le message qu’elles ne sont pas légitimes à avorter alors que c’est un droit inscrit dans la loi et pour lequel on s’est battus. C’est un droit fondamental. On a aujourd’hui des femmes de Pologne, d’Argentine, d’Irlande et de plein de pays qui se battent pour ce droit. Il y a des femmes qui meurent dans les pays où l’avortement n’est pas légal. Et qu’en France on ait encore à se battre contre des « anti-choix », je ne les appelle pas des pro-vie mais des « anti-choix », c’est dramatique ! Ils défendent soi-disant la vie, mais en fait, ils ne défendent jamais la vie des femmes. "
- L’Ordre des sages-femmes a déclaré que l’accès à l’IVG se complexifiait en France. Est-ce que vous partagez ce constat ?
Véronique Séhier : " Effectivement, avec les femmes que l’on accueille au Planning familial ou qui nous appellent sur notre numéro vert, on constate des difficultés d’accès à l’avortement pour plusieurs raisons. A cause de médecins qui opposent une clause de conscience mais qui ne le disent pas très clairement : donc on fait revenir la femme une fois, deux fois, trois fois jusqu’à ce qu’elle soient hors délais. Le président du SYNGOF a oublié de rappeler que lorsqu’on applique la clause de conscience, on doit orienter les femmes vers la bonne structure. C’est inscrit dans la loi. L’autre problème, c’est le manque de médecins impliqués aujourd’hui dans l’IVG. Beaucoup de ces médecins partent à la retraite et ne sont pas remplacés. Il y a vraiment un travail à faire sur la formation des professionnels de santé aux deux formes d’IVG : médicamenteuse et instrumentale. "
- Comment faire pour améliorer l’accès à l’IVG en France ?
Véronique Séhier : " Très souvent, on oriente les femmes vers l’IVG médicamenteuse sans qu’elles aient vraiment le choix. C’est important que les femmes aient le choix entre les deux méthodes et qu’elles aient une réponse dans un délai rapide. La Haute autorité de santé dit que ce délai doit être de 5 jours. Il faut que ce soit appliqué pour toutes les femmes en France, y compris celles qui vivent dans des déserts médicaux. Et puis il faut donner une information juste et complète à toutes les femmes pour qu’elles aient tous les moyens de pouvoir décider pour elles-mêmes, sans être culpabilisées en permanence. "
- Est-ce que vous envisagez de déposer une plainte contre le président du SYNGOF ?
Véronique Séhier : "Je ne peux pas agir à titre personnel pour demander la démission du Bertrand de Rochambeau . Mais j’espère que les membres de ce syndicat vont tous agir. En tout cas, il tient des propos qui ne sont pas dignes d’un président d’un syndicat de gynécologues. Il jette l’opprobre sur toute une profession où des gens se battent pour permettre aux femmes d’avoir accès à l’avortement dans de bonnes conditions."