Afrique : quelles solutions pour les couples stériles ?
Même si l'Afrique est touchée par un boom de la natalité, elle n'est pas épargnée par l'infertilité. 15 à 30% des Africains seraient touchés par l'infertilité contre 5 à 10% pour le reste du monde. Quelles sont les causes de ces infertilités ? Existe-t-il des accès à la PMA ? Les explications d'Hejer Tliha, journaliste du Magazine de la santé.
Dans un tiers des cas, l'infertilité est féminine. Dans un autre tiers, elle est masculine. Enfin, dans le dernier tiers, la cause de l'infertilité est mixte. Dans la grande majorité des cas, des infections mal soignées sont responsables de l'infertilité. Et dans 80% des cas, les femmes ont les trompes bouchées ce qui rend compliqué le processus de fécondation. Les avortements clandestins font aussi de gros ravages.
Du côté des hommes, il y a une prévalence d'azoospermies, majoritairement dues aux infections mal soignées. On parle d'azoospermie quand il n'y a pas de production de spermatozoïdes ou encore lorsque les canaux sont bouchés ce qui empêche les spermatozoïdes de circuler correctement. Les médecins qui se sont penchés sur la question de l'infertilité en Afrique évoquent aussi des causes d'origine environnementale.
Des infertilités stigmatisées et stigmatisantes
En Afrique, lorsqu'un couple se marie ou décide de vivre ensemble, on attend que le fruit de cet amour soit "concrétisé" par l'arrivée d'un enfant. Cela n'est d'ailleurs pas propre aux pays africains, cela est aussi valable en France avec le fameux "c'est pour quand ?". Et quand ce "divin enfant" n'arrive pas, cela peut prendre des tournures dramatiques et aboutir à des divorces.
Lorsque le couple est confronté à la stérilité, la pierre est jetée à la femme parce que la pression sociale autour de la maternité est très forte. Les hommes aussi souffrent de la stérilité puisqu'il y a une confusion entre virilité et fertilité. Il y a aussi une forte pression sociale.
Quid de l'accès à la PMA ?
Il existe des accès à la PMA (procréation médicalement assistée) pour aider les couples infertiles au Cameroun, au Togo, au Ghana, au Sénégal, en Afrique du Sud, au Maroc ou encore en Tunisie. Ces pays proposent les mêmes techniques qu'en France donc, des inséminations artificielles, des FIV, des fécondations in vitro ou encore des ICSI, l'injection intracytoplasmique de spermatozoïdes. Il s'agit d'une technique de fécondation in vitro plus récente.
Mais ces centres ne sont pas forcément le lieu vers lequel se tournent les couples infertiles car l'infertilité est très stigmatisée. On ne pense pas toujours à la cause médicale en première intention mais à une malédiction ou un sort qui a été jeté ou à un mauvais mariage. Les couples vont donc d'abord voir des naturopathes, des guérisseurs. C'est ce qu'on appelle les tradithérapies. Et même si ces centres existent, il n'est pas toujours évident de s'y rendre notamment pour les hommes à qui on va demander de faire un spermogramme. Ce passage obligatoire peut paraître choquant pour les hommes.
L'accès à la PMA coûte cher
La PMA a un coût et il n'existe pas de prise en charge comme en France, qui prend notamment en charge à 100% quatre tentatives de FIV. En Afrique, il n'y a pas de prix unique car c'est un continent qui comprend 57 pays et territoires. La FIV peut coûter entre 1.000 et 4.000 euros. Il y a aussi le coût des médicaments pour assurer la stimulation ovarienne donc la PMA n'est pas à la portée de tous.
Certains en ont fait un business. Pour essayer de réguler le marché, le groupe interafricain d'étude et de recherche et d'application sur la fertilité qui réunit plusieurs médecins spécialistes de la PMA ont créé un label qualité. Ce label a aussi pour but d'attester des bonnes pratiques cliniques et biologiques.
Une association belge, The Walking Egg, s'est lancée le défi de rendre accessible la PMA à tous avec une technique de FIV plus simplifiée pour limiter les coûts. Le Pr Willem Ombelet forme actuellement des médecins au Ghana, où des centres de PMA proposent des FIV à 4.000 euros. Grâce à l'association, les coûts ont été réduits pour proposer des FIV à 1.000 euros. L'association belge n'est pas la seule. En Afrique du Sud, le gouvernement a décidé de prendre en charge une partie des frais médicaux des couples qui souhaitent avoir un enfant.
L'OMS, elle, a une politique humanitaire en Afrique plus axée sur la mortalité infantile, la mortalité maternelle. La problématique de l'infertilité n'est clairement pas une priorité. Certaines associations, comme The Walking Egg, pensent le contraire et proposent même d'intégrer l'infertilité dans les programmes internationaux de planning familial et de la santé reproductive.