Grossesse : pourquoi l'accompagnement par les doulas est controversé
Les doulas apportent soutien et accompagnement aux femmes enceintes pour les aider à mieux vivre la période de la grossesse. Mais comment cette profession est-elle encadrée ? Et quels sont les risques pour les patientes ?
Ni professeure de méditation, ni sage-femme, Erin* est une doula. Elle prétend apporter un soutien émotionnel et physique aux femmes dans leur maternité. Aujourd'hui, elle reçoit Aline, enceinte de 8 mois, pour sa deuxième séance.
Les doulas revendiquent de nombreuses compétences. Elles disent pouvoir informer sur la grossesse, donner des séances de yoga ou encore un coup de main aux tâches ménagères. Elles distribuent même des projets de naissance pour préparer l’accouchement. Pourtant, elles ne sont pas des professionnelle de santé.
Cent euros par séance
" Je ne fais pas de préparation à l’accouchement, c’est la sage-femme qui la fait. Tout ce qui touche au médical, je ne vais pas y toucher", justifie Erin.
Aline mène son projet de grossesse toute seule. Pour une centaine d’euros par séance, s'accompagner d’une doula lui est rapidement apparu comme une évidence. Au programme aujourd’hui : le rebozo, un soin de relaxation ésotérique.
"J’ai des sages-femmes qui sont super, je ne vais pas me plaindre, mais la doula du fait que ce ne soit pas médical, c'est comme une bonne amie, mais qui, à aucun moment, ne va exprimer un avis personnel", confie Aline.
Un risque d'emprise sur les femmes fragilisées
Depuis sa reconversion en doula, il y a trois ans, Erin a déjà accompagné une vingtaine de femmes dans leur maternité. "J'ai l’impression que ce qu'elles cherchent chez une doula, c'est l’intermédiaire entre une psy, une amie ou le corps médical. Le corps médical peut apporter beaucoup d’infos pour écarter tout risque médical sans forcément prendre le temps d’écouter ce que ressent la future maman vis-à-vis de ce qui lui a été communiqué", confie Erin.
Ces dix dernières années, plus de 1 300 doulas ont été formées en France. Mais la profession n’est pas reconnue dans le droit français. Et en 2021, la Mission de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes) s’inquiétait d’une possible emprise de certaines doulas sur des femmes fragilisées.
Du côté du conseil national de l’ordre, les sage-femmes s'inquiètent des interventions qui pourraient empiéter sur leurs compétences.
"Ça peut être totalement délétère pour les patientes"
"La doula peut par exemple accompagner une femme qui aurait vécu une IVG, un deuil périnatal, une mort inopinée du nourrisson. Je suis sage-femme, j’ai travaillé dans des maternités dans lesquelles on faisait face à ce genre de situation, qu'on traite en équipe pluridisciplinaire, donc ce sont des situations extrêmement compliquées à vivre pour les femmes", explique Cécile Marest, présidente du conseil départemental de l'Ordre des Sages-Femmes de Paris.
"Si une autre personne non formée, qui plus est, intervient dans ce type de situation, ça peut être totalement délétère pour ce type de patiente", poursuit-elle.
Les doulas espèrent une reconnaissance prochaine de leur profession, mais ne souhaitent pas de remboursement par la sécurité sociale, afin d’éviter toute confusion avec les professionnels de santé.
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* Le prénom a été modifié à la demande de l'interviewée.