Augmentation des ingestions accidentelles de cannabis par de jeunes enfants
Une étude menée en Provence-Alpes-Côte d’Azur vient confirmer une augmentation tendancielle du nombre d’intoxications de jeunes enfants au cannabis, vraisemblablement dues à des ingestions accidentelles. Les chercheurs appellent à améliorer la prévention des usagers du cannabis et la formation des médecins à cette problématique.
En octobre 2015, l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) a émis une alerte relative à une augmentation des hospitalisations pour ingestion de cannabis chez l'enfant. Afin de mieux caractériser cette situation, six chercheurs de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur (Paca) ont étudié les résumés de passage aux Urgences dans quinze hôpitaux [1]. Leurs résultats ont été publiés ce 13 décembre 2016 dans le Bulletin épidémiologique hebdomadaire (BEH) de Santé publique France.
Sur près de trois millions de passages "avec diagnostic" entre 2009 et 2014, les chercheurs ont recensé 1.182 situations d'intoxication au cannabis (soit 4,1 cas sur 10.000, tous âges confondus [2]).
Parmi ces 1.182 admissions liées au cannabis, quarante (3,3%) concernaient des enfants de moins de 2 ans, et neuf (0,8%) des enfants âgés de 2 à 8 ans. Pour l'ensemble de ces enfants, le passage aux Urgences a entraîné une hospitalisation dans les trois quarts des cas (contre seulement un huitième des cas pour les personnes âgées de plus de 8 ans. La probabilité qu’une réanimation soit nécessaire était vingt fois plus élevée entre ces deux groupes (4,1% contre 0,2%).
"Entre les périodes 2009-2010 et 2013-2014, on note une augmentation de la proportion d’intoxication au cannabis dans les résumés des passages aux Urgences [qui concerne tous les âges, sauf les personnes de plus de 55 ans]", détaillent les chercheurs. Cette augmentation serait plus marquée "chez les moins de 8 ans et entre 8 et 15 ans".
Selon des études antérieures "avant 8 ans, les admissions pour intoxication au cannabis sont le fait d’ingestions accidentelles", soulignent les chercheurs, qui jugent leurs résultats cohérents avec cette donnée. "Devant l’augmentation des admissions pour IC chez le nourrisson, une information aux urgentistes et pédiatres devrait être réalisée afin d’optimiser le repérage de ces intoxications, dont la présentation trompeuse donne souvent lieu à des explorations invasives (ponctions lombaires) ou irradiantes (scanner cérébral) évitables. L’utilisation de bandelettes de dépistage du cannabis devrait également être discutée".
Si l’analyse précise des circonstances de l’ingestion "reste à faire", les auteurs de ces travaux soulignent que les campagnes de lutte contre la consommation de cannabis "mériteraient d’être assorties d’un message de prévention des risques d’ingestion auprès des parents".
[1] Les auteurs notent que les 15 services d’urgences sélectionnés sur la qualité́ et la stabilité́ de leurs données ne sont pas représentatifs de l’ensemble des services d’urgences de la région Paca (surreprésentation des services d’urgence pédiatriques, localisation préférentielle dans les Bouches-du-Rhône). À ce titre, les résultats présentés ne peuvent aisément être extrapolés à l’ensemble des services d’urgences régionaux et nationaux.
[2] Lorsque l’on regarde les admissions par classe d’âge, ce taux monte à 20,4/10.000 pour les 15-18 ans.