Dr Denis Mukwege, l'homme qui redonne vie aux femmes
Le docteur Mukwege a consacré sa vie aux femmes victimes de viols durant les guerres en cours en République démocratique du Congo. Un combat relaté dans une autobiographie, intitulée "Plaidoyer pour la vie", et dans le film "L’homme qui répare les femmes", qui sort en DVD ce 26 octobre.
Le Dr Denis Mukwege est chirurgien gynécologue, pasteur pentecôtiste et activiste des droits humains. Mondialement connu pour son combat contre la barbarie sexuelle, il a notamment reçu le prix Sakharov en 2014. Dans son autobiographie intitulée "Plaidoyer pour la vie", il raconte son combat et son histoire afin que cessent ces violences insoutenables. Tout comme le font le cinéaste Thierry Michel et la journaliste Colette Braeckman dans le film "L'homme qui répare les femmes" .
"Les batailles se passent sur le corps des femmes"
Surnommé "L'homme qui répare les femmes", ce célèbre chirurgien a fondé en 1999 l'hôpital de Panzi, à Bukavu, qui vient en aide aux femmes violées dans les conflits ravageant l'Est congolais, dans la région du Kivu, depuis plus de vingt ans.
Viols méthodiques, tirs au niveau de l'appareil génital, introduction d'objets et d'armes, femmes de villages entiers violées en une nuit... Il y côtoie ce qu'il appelle "le tréfonds de l'horreur". "Certaines femmes ne pourront plus jamais avoir d’enfants ni de rapports sexuels", dit-il dans le film. "Dans les zones de conflit, les batailles se passent sur les corps des femmes", poursuit cet homme à la voix douce et la carrure imposante. "Lorsque la guerre se déclenche, il n'y a pas de loi, il n'y a pas de foi. Ceux qui souffrent sont les enfants et les femmes", écrit-il dans son livre.
Des viols qui traversent les générations en toute indifférence
Fils d'un pasteur pentecôtiste, Denis Mukwege trouve sa vocation à l'âge de 8 ans, alors qu'il accompagne son père au chevet d'un petit garçon mourant : "je serai un muganga (nom donné aux blouses blanches)", décrète-t-il. "Aujourd'hui, je soigne les victimes de violences sexuelles, cette idée ne m'était jamais venue à l'esprit avant que je traite le premier cas", poursuit cet homme marié, père de cinq enfants, qui a opéré depuis plus de 45.000 femmes.
Le nombre de femmes hospitalisées a légèrement baissé passant de dix par jour à sept à présent. Néanmoins, le nombre croissant de fillettes de moins de 5 ans prises en charge l’effraie. "J’ai opéré une petite fille de 8 ans qui était elle-même issue d’un viol et je me suis dis que je ne pouvais plus opérer les petits-enfants de viols. Il fallait que je sorte de l’hôpital", explique-t-il dans le film. Le Docteur Mukwege a d’ailleurs déclaré lors de son discours pour la remise du prix Sakharov au Parlement européen en novembre 2014 : "Nous avons pris du temps et de l’énergie à réparer les conséquences de la violence, il est temps de s’occuper des causes."
Il insiste sur l’indifférence et même l’isolement dont sont victimes les femmes violées au Congo, souvent rejettées de la cellule familiale. "C'est la conséquence de l'indifférence générale. Si on met nos forces en commun, une ligne rouge conduira à la prévention", plaide-t-il, évoquant la situation des femmes syriennes "violées dans les prisons" ou des "yézidies vendues comme des petits pains" sur Internet.
Une célébrité internationale
Denis Mukwege a multiplié les discours devant des instances internationales et a reçu de nombreux prix, dont le Sakharov en 2014, et a été cité pour prix Nobel de la paix. Mais dans son pays, ce coup de projecteur n'est pas vu d'un bon œil. Menacé, il a échappé à la mort à plusieurs reprises et doit vivre sous protection permanente. "Les victimes sont condamnées à perpétuité mais leurs bourreaux ?", ne cesse-t-il de s'interroger, réclamant "un tribunal pénal international pour le Congo, à cause de tous ces crimes impunis".
Classé parmi les personnalités les plus influentes en 2016 par le magazine Time, le Dr Mukwege exclut toute entrée en politique : "Ce n'est pas un combat pour la conquête du pouvoir. C'est un combat pour la conquête de la liberté, de la justice". Une fois "libres" et "avec une justice qui fonctionne", les Congolais auront "la paix qui donnera un développement durable et restaurera la dignité perdue". "En commençant par celle de la femme qui a été humiliée", espère-t-il.
Laurence Moisdon
Livre :
- Plaidoyer pour la vie
Dr Denis Mukwege
Ed. Archipel, octobre 2016
DVD :
- L'homme qui répare les femmes, La colère d'Hyppocrate
Thierry Michel et Colette Braeckman
Octobre 2016