Coronavirus : un essai clinique majeur conclut à l’inefficacité de la chloroquine
L’essai clinique britannique Recovery met fin à son volet sur l’hydroxychloroquine, faute d’effet positif contre le coronavirus. Il poursuit ses expériences sur d’autres traitements potentiellement efficaces contre le Covid-19.
"Pas d’effet bénéfique" de l’hydroxychloroquine pour les malades du Covid-19. C’est la conclusion des responsables de l'essai clinique britannique Recovery qui ont annoncé vendredi 5 juin l'arrêt "immédiat" de l'inclusion de nouveaux patients pour ce traitement.
Mené par des chercheurs de l'université d'Oxford sur des patients hospitalisés, Recovery est le premier essai clinique majeur à livrer des résultats très attendus sur l’hydroxychloroquine. Il était par ailleurs l'un des seuls à n'avoir pas suspendu ses tests sur cette molécule après l’étude observationnelle controversée du Lancet, retirée depuis, qui pointait du doigt l'inefficacité, voire l'effet néfaste, de ce médicament controversé.
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Pas d’effet ni sur la mortalité, ni sur la durée d’hospitalisation
La partie hydroxychloroquine de cet essai a concerné 1.542 patients hospitalisés pour un Covid-19, dans un état grave, qui ont reçu la molécule, comparés à 3.132 patients également hospitalisés dans un état grave et ayant bénéficié d'une prise en charge standard.
Résultat : aucune différence significative n’a été observée entre les deux groupes, ni pour la mortalité à 28 jours, ni pour la durée d'hospitalisation.
Précisement, le taux de mortalité à 28 jours était de 25,7% avec l’hydroxychloroquine, contre 23,5% avec les soins habituels, ce qui ne constitue pas une différence statistiquement significative. Les chercheurs n'ont pas non plus observé de différence d’effet bénéfique sur la durée du séjour à l’hôpital. Et ils n'ont pas non plus constaté d’effet secondaire notable chez les patients qui ont reçu de l’hydroxychloroquine. En somme, ils n'ont observé ni efficacité de la molécule, ni nocivité.
"Nous avons conclu qu'il n'y a pas d'effet bénéfique de l'hydroxychloroquine chez les patients hospitalisés avec le Covid-19", ont ainsi résumé les chercheurs de Recovery dans un communiqué. "Nous avons donc décidé d'arrêter le recrutement de participants pour le bras (la partie d'un essai qui concerne un traitement en particulier, ndlr) hydroxychloroquine de l'essai Recovery, avec effet immédiat", ont-ils ajouté. Les résultats complets de l'essai seront rendus publiques "dès que possible" précisent enfin les responsables de l’essai dans un communiqué.
Se concentrer "sur des médicaments plus prometteurs"
Fait étonnant, la méthodologie de l’essai Recovery diverge des autres protocoles, notamment de celui du professeur Raoult, sur plusieurs points. Tout d’abord, l’hydroxychloroquine a été administrée seule, sans association avec un antibiotique, l’azithromycine. Ensuite, les patients pris en charge étaient des patients hospitalisés pour un Covid, déjà dans un état grave. Enfin, les doses administrées sont supérieures à celles des autres protocoles : 2.400 mg le premier jour et 800 mg par jour pendant neuf jours, contre par exemple, pour l’étude européenne Discovery, 800 mg le premier jour puis 400 mg par jour pendant neuf jours. Cette dose supérieure aurait pu expliquer un excès de mortalité ou d’effets secondaires, ce qui n’a cependant pas été le cas.
Cet essai reste toutefois contrôlé et "randomisé", c’est-à-dire que le traitement est attribué aux patients par tirage au sort. A ce titre, il correspond à une méthode d'expérimentation considérée comme la plus solide pour tester des médicaments. A ce jour, les tests sur les autres pistes de traitement potentiellement efficaces contre le Covid-19 continuent sur plus de 11.000 patients hospitalisés dans 175 établissements de santé britanniques.
"C'est décevant que ce traitement soit inefficace mais cela nous permet de nous concentrer sur les soins et la recherche sur des médicaments plus prometteurs", a commenté le professeur Peter Horby, spécialiste des maladies infectieuses émergentes et principal responsable de l'essai.
Une "vraie preuve" scientifique
Alors que ce traitement a été prescrit massivement dans de nombreux pays "en l'absence d'information fiable", "ces résultats devraient changer les pratiques médicales à travers le monde et prouver l'importance des essais randomisés à large échelle pour permettre de prendre des décisions sur l'efficacité et l'innocuité de traitements", a ajouté le professeur Martin Landray, épidémiologiste également responsable de l’essai.
Mercredi 3 juin, un autre essai clinique randomisé mené aux États-Unis et au Canada, impliquant cependant moins de patients que Recovery, avait conclu que la molécule était inefficace dans la prévention du Covid-19. "Cette nouvelle, même si elle n'est pas positive, est un soulagement pour des milliers de scientifiques et médecins qui avaient besoin d'une vraie preuve sur l'efficacité ou non de l'hydroxychloroquine", a commenté Parastou Donyai, de l'université de Reading, après l'annonce de Recovery.