Coronavirus : une deuxième souche plus virulente que la première ?
Une mutation du SARS-CoV-2 pourrait expliquer la propagation rapide du virus en Europe, selon des chercheurs américains. Cette mutation modifie les protéines de surface du virus et pourrait donc modifier son caractère infectieux.
Existe-t-il déjà plusieurs versions du virus SARS-CoV-2 ? C’est la thèse pour laquelle penchent des chercheurs américains du Los Alamos National Laboratory et de l’université Duke. Dans une prépublication, non encore validée par leurs pairs mais mise en ligne le 30 avril sur le site BioRxiv, ces scientifiques révèlent avoir trouvé 14 mutations du coronavirus. L’une d’entre elles serait particulièrement virulente et expliquerait les propagations rapides observées dans certains pays.
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Deux souches de coronavirus
Les chercheurs ont analysé le génome de 6.000 échantillons de SARS-CoV-2 qui avaient infecté des patients à travers le monde. Ils se sont particulièrement intéressés aux gènes qui définissent la protéine "S" pour "Spike" (pic en anglais), qui se situe à la surface du virus et qui lui permet à la fois de s’accrocher à une cellule hôte et d’y pénétrer.
Leurs analyses ont mis en évidence l’existence de 14 mutations. Globalement, deux souches principales ont attiré l’attention des chercheurs. La première comporte une mutation baptisée D614, surtout présente en Asie, notamment en Chine. La deuxième comporte une autre mutation, baptisée G614, qui remplace la mutation D614.
Cette deuxième mutation est présente dans quasiment tous les échantillons à l’exception de ceux venant d’Asie. Mieux, l’arrivée du virus en Europe concorde avec l’émergence de cette deuxième mutation. Résultat, en Europe, la deuxième souche de virus qui porte cette deuxième mutation a rapidement pris le pas sur la première souche.
Une mutation qui rend le virus plus infectieux ?
Qu’est-ce que ces observations signifient ? Tout d’abord, selon les auteurs de l’étude, le fait que la deuxième mutation ait pris la relève sur la mutation précédente en Europe pourrait signifier que le virus se propage plus facilement avec cette nouvelle mutation. Autrement dit, la nouvelle mutation le rendrait plus infectieux.
L’exemple de différents pays européens renforce cette théorie. Ainsi, en Italie et au Royaume-Uni par exemple, pays durement touchés par l’épidémie, la deuxième mutation prédomine. A l’inverse, l’Allemagne, moins touchée que ses voisins européens, présente davantage de virus comportant la première mutation.
Autre conclusion formulée par les chercheurs : comme cette deuxième mutation est apparue à différents endroits du globe à la même période, c’est cette nouvelle souche qui serait à l’origine de la pandémie mondiale.
Beaucoup de "spéculations"
Mais attention, comme le soulignent plusieurs scientifiques qui n’ont pas participé à l’étude dans plusieurs médias américains, il faut rester prudent face à ces résultats. Car il est encore trop tôt pour connaître l’effet précis de cette deuxième mutation. D’autant que l’étude repose sur beaucoup de "spéculations" et ne comporte pas de "vérification expérimentale" alerte par exemple le docteur Peter Hotez, spécialiste au Centre de Développement des Vaccins d’Houston interrogé par le Los Angeles Times.
Ainsi, d’autres pistes peuvent expliquer l’importante propagation de la deuxième souche, notamment le fait qu’elle ait infecté des régions qui ont tardé à appliquer les gestes barrière et la distanciation sociale.
Des études supplémentaires seront donc nécessaires pour évaluer la contagiosité conférée par ces mutations et si elles ont vraiment eu un effet sur la propagation du virus. En attendant, une chose semble sûre : l’apparition de mutations qui modifient les protéines S peuvent compliquer le développement d’un vaccin efficace contre le coronavirus.