Les "Covid Parties", des fêtes à haut risque
Aux Etats-Unis, la mode des "fêtes du coronavirus" sévit. Ces rassemblements consistent à mêler contaminés et non contaminés dans l’espoir de développer une immunité. Une pratique dangereuse face à un virus encore très mal connu.
Se réunir pour contracter volontairement le Covid-19. C’est le principe des "Covid Parties" ou "fêtes du coronavirus" en vogue aux Etats-Unis. Le principe : organiser des fêtes mêlant des malades porteurs du SARS-CoV-2 et des participants non infectés, en espérant que ces derniers développent la maladie, puis une forme d'immunité.
Et cela semble bien "fonctionner", en tout cas pour les infections. Dans le comté de Walla Walla, à 400 km au sud-est de Seattle dans l’Etat de Washington, par exemple, une centaine de cas de contamination aurait été engendrée par ces fêtes.
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"Un risque accru d’hospitalisation et de décès"
Selon Meghan DeBolt, responsable de la santé de ce comté, le suivi des contacts des personnes infectées a montré que certaines d'entre elles s'étaient délibérément exposées au virus lors de telles fêtes. "Nous ne savons pas quand ça a lieu, ce n'est qu'après coup que nous entendons parler de ces cas", a-t-elle dit à un journal local. "Nous demandons la liste des personnes avec qui elles étaient en contact et il y en 25 parce qu'« on était à une Covid party»", se désole-t-elle.
"Des rassemblements de ce genre au beau milieu de la pandémie peuvent être extrêmement dangereux et exposent les gens à un risque accru d'hospitalisation et même de décès", a averti de son côté John Wiesman, responsable de la Santé de l'Etat de Washington.
Une idée inspirée de la varicelle
L’idée vient d’une autre époque : dans les années 1980, la mode était aux "chickenpox parties" ou "fêtes de la varicelle" rappelle l’université médicale américaine Johns Hopkins sur son site internet. Le principe était le même qu'aujourd'hui : réunir des contaminés et des non contaminés pour qu’au final, tout le monde ait contracté la maladie et soit immunisé.
Premier problème : "le Covid-19 est 100 fois plus mortel que la varicelle" prévient l’université. Et une personne qui se rendrait à ce type de fête "augmenterait non seulement considérablement ses propres chances de mourir le mois suivant, mais elle mettrait également sa famille et ses amis en danger" avertit encore l’université de médecine.
Pas de preuve d’une immunité
Deuxième problème : pour le moment, aucune preuve d’une immunité n’a été démontrée pour le SARS-CoV-2. Autrement dit, les médecins ne savent pas si les personnes qui ont été malades sont protégées durablement et ne risquent pas de contracter une deuxième fois la maladie.
Dans ce cas, l’idée de recourir aux "Covid Parties" pour construire une immunité de groupe qui protégera l’ensemble de la population tombe à l’eau. Car "les projections d’immunité collective dépendent entièrement d’une réponse immunitaire soutenue, et nous n’avons même pas encore découvert si elle existe" alerte Greta Bauer, épidémiologiste et professeure d’épidémiologie et de biostatistiques à l’université Western Ontario, au Canada, dans une tribune qu’elle signe dans le New York Times.
D’autant que le chemin est long avant d’espérer atteindre une immunité collective : "il faudrait probablement que 70 % ou plus de la population soit immunisée" rappelle l’université Johns Hopkins. "Sans vaccin, il faudrait que plus de 200 millions d'Américains soient infectés avant d'atteindre ce seuil" poursuit-elle. Au rythme actuel de la propagation de l’épidémie, il faudrait donc attendre 2021 et plus d’un demi-million de décès du Covid-19 dans le pays.
Le profil sans risque n'existe pas
Tant que le coronavirus est aussi peu connu, pas question donc de se lancer dans des fêtes de la contamination, même si vous êtes jeunes et en bonne santé. "Aux Etats-Unis, les CDC ont estimé qu’environ une personne sur cinq ou six âgée de 20 à 44 ans testée positive au Covid-19 a dû être hospitalisée" rappelle Greta Bauer. Or, "les hospitalisations évitables privent les personnes qui n’ont pas pu éviter l’infection de précieuses ressources" condamne l’épidémiologiste.
Et même les cas qualifiés de "légers" ou "bénins" ne sont pas sans gravité. Les séquelles sur le long terme sont, par exemple, largement méconnues, rappelle John Wiesman.
En attendant de mieux comprendre cette maladie, le conseil de Greta Bauer est simple : "(ne pas prendre) de risques inutiles aux conséquences inconnues. Si nous pouvons éviter l’infection, c’est exactement ce que nous devons faire."
L’exposition volontaire, comme le non respect des mesures barrières, certes tentant à l’heure du déconfinement en France après deux mois de frustration sociale, n’est donc en aucun cas une solution pour se "protéger" contre le coronavirus.