Quel est le rôle des animaux dans l'apparition de nouveaux virus ?
L’origine de la pandémie de coronavirus est animale. Les maladies émergentes comme le covid-19 sont de plus en plus fréquentes et elles interrogent notre rapport à la biodiversité et à l’impact de celle-ci sur notre santé.
Le Covid-19 mais aussi d'autres virus sont responsables de maladies telles que la fièvre de Lassa, Ebola ou la rage. Il y a également les maladies portées par des bactéries, la leptspirose ou ces maladies dites "à vecteur", dont les agents, des virus en l’occurrence, sont "stockés" par un ou des animaux dans lesquels ils mutent et deviennent transmissibles et pathogènes pour l’homme.
Pour le coronavirus qui effraie autant que la peste noire, c’est plus compliqué, car il y a un réservoir, et un ou plusieurs vecteurs.
Le réservoir est la chauve-souris qui est "sympatrique", ce qui veut dire partager un même endroit à plusieurs espèces, chez les animaux. Le virus de l’une saute sur l’autre et vice versa. Une grotte pleine de chauve-souris est un vrai bouillon de culture.
La chauve-souris incriminée appartient à la famille des rhinolophes et vit longtemps, elle fait peu de petits mais souvent, et, contrairement aux apparences, elle est grosse. Elle est donc un réservoir particulièrement important pour le moindre virus.
Les chauves-souris impliquées dans un grand nombre d’épidémies
Les chauves-souris sont incriminées dans Ebola, Marburg, Hendra, et même la rage, des maladies qui font peur. D’autres animaux prennent ensuite le relais, dans le cas d'Ebola, ceux qui constituent la "viande de brousse", les singes notamment.
On accuse toujours les rats et les rongeurs, les moustiques, insectes et acariens, d’être de dangereux fauteurs de maladies (virales ou bactériennes), alors que les chauves-souris constituent potentiellement un énorme problème de santé publique . On trouve autant de virus dans leur groupe que parmi les rongeurs, alors qu'elles sont deux fois moins nombreuses en espèces que ceux-ci.
Les chauves-souris sont sauvages, les autres animaux à qui elles “passent” leurs virus et dans lequel il va muter le sont tout autant. Dans le cas du Covid-19, c’est le pangolin qui est aujourd’hui suspecté mais aucune preuve n’a encore été apportée. Le serpent lui a été définitivement disculpé.
Compte tenu du mode de vie de ces animaux, de leur discrétion, il y a très peu de chances que dans notre existence, on se trouve assez près pour que leurs virus nous tombent dessus.
Si vous mangez ces animaux ou construisez votre maison où ils vivent...
En décembre 2017, le prestigieux magazine Nature avait alerté avec un article de David Cyranoski qui rappelait que le village à l’origine du SRAS était situé à 1 km de la grotte d’où provenait le virus, et qu’en conséquence, le risque d’un nouveau "débordement ", avec de nouvelles maladies à la clé était important.
Plus la distance entre le sauvage et nous se raccourcit, plus augmente la probabilité d’un saut d’espèce, d’un passage des virus et bactéries des animaux sauvages vers l'humain. Autant le système immunitaire du sauvage y est habitué, autant l'humain, pas du tout, surtout si, en plus, il se met à manger les animaux sauvages. Ce qui est le cas en Chine, en particulier dans la province du Wuhan, où les Chinois mangent à peu près tout ce qui bouge.
Une fois morts et grillés, la chauve-souris, le pangolin, la civette, ou le gorille au Congo, ne sont plus porteurs d’aucun virus. Mais il a fallu les attraper, entrer dans leurs repaires, et donc prendre le risque de se contaminer directement. En Chine, les animaux arrivent de Chine et du monde entier… vivants. Ils sont parqués dans des enclos étroits, au milieu du marché… Le risque de contamination est maximal.
Abolition de la distance homme/animal
Avec ce qu’on appelle "la viande de brousse" et le trafic d'animaux sauvages, c’est le chasseur, le vendeur et le boucher qui contaminent, pas la viande elle-même. En Chine on apporte les animaux vivants sur les marchés et ils sont tués sur place. Les contaminations auraient surtout lieu lors de l’abattage, par le sang.
Le gouvernement chinois a décrété une interdiction complète et immédiate de la consommation et du commerce d’animaux sauvages et tant mieux, peut-être que même la Chine finira un jour par respecter les réglementations internationales sur le commerce des espèces sauvages.
C’est bien l’étalement de l’espèce humaine qui, parce qu’il crée des routes, des champs, des villes, empiète sur les milieux naturels, en particulier sur les forêts tropicales humides, qui sont d’excellents réservoirs de maladies. C’est cet étalement qui est la cause première de ces pandémies parce qu’il abolit la distance avec le monde sauvage.
Faire de la bio-vi-gi-lance
On sait ce qu’il reste à faire pour limiter la prévalence des zoonoses (maladies infectieuses du monde animal transmises à l’homme) : limiter l’artificialisation des écosystèmes, la déforestation en premier lieu, et réglementer strictement, voire, interdire, la chasse et la consommation d’espèces sauvages vectrices de maladies.
Y compris à propos des animaux domestiques car eux aussi peuvent favoriser la propagation des maladies...
La grippe aviaire, H5N1 en 2016 avait décimé nos canards à foie gras. Elle était apparue dans des élevages de canards très denses… qui étaient entrés en contact avec des animaux sauvages, en l’occurrence, des canards… sauvages.
Les vétérinaires n’oublient pas qu’il leur a fallu des années pour éradiquer des maladies liées au contact entre nos animaux d’élevage et leurs équivalents sauvages, comme la brucellose, la tuberculose bovine ou la fièvre aphteuse.
Des maladies qui peuvent conduire à l’éradication d'élevages entiers, directement ou par décision administrative, selon le principe de précaution, parce qu’elles peuvent, parfois, se propager à l’homme.
Cela veut dire que si on veut des élevages à l’extérieur, il faut en assumer le prix : des clôtures, des filets, de la surveillance afin d'éviter au maximum tout contact entre sauvage et domestique.
Tout cela a un coût, qui pèse sur les éleveurs dont la situation financière n’est pas fameuse.
Le réchauffement climatique est loin d’arranger la situation
Le réchauffement climatique favorise certaines maladies en élargissant l’aire de répartition de certains vecteurs. C’est le cas de la dengue, du chikungunya et de la fièvre Zika, maladies tropicales qui ont été détectées à Nice comme à Montpellier parce que le climat est aujourd’hui favorable aux moustiques qui en portent les agents infectieux.
Barbara Dufour, spécialiste de l’épidémiologie des maladies infectieuses, à l’école vétérinaire de Maisons-Alfort, explique que "Dans l’avenir, il va falloir qu’on choisisse les maladies qui sont très graves parmi toutes celles, beaucoup moins graves, avec lesquelles il faudra apprendre à vivre."
Il ne faut pas oublier une chose, il faut toujours garder une distance respectueuse, une distance de sécurité, avec le monde sauvage. L’homme n’est pas un animal comme un autre, car seule sa technique, sa culture, le rend fort.