Insomnies : dormir, j'en rêve !
Un Français sur trois se plaint de mal dormir, au moins de façon occasionnelle. Et plus de quatre salariés sur cinq ne trouveraient pas le sommeil à cause du stress au travail. Que faire lorsque le sommeil ne vient plus et malgré la fatigue ? Comment éviter la dépendance aux médicaments ?
Difficultés d'endormissement, réveils nocturnes ou trop précoces... On estime qu'une personne sur trois présente une insomnie chronique. Le manque de sommeil n'est pas à prendre à la légère car il peut fortement altérer notre qualité de vie et impacter notre santé.
Qu'est-ce qu'une insomnie ?
Notre rythme éveil/sommeil est régi par une sorte d'horloge biologique située dans le cerveau. Elle fonctionne grâce à l'activité de différentes glandes dont la glande pinéale. C'est la lumière du jour qui lui donne le tempo. Le soir, nos yeux détectent la baisse de luminosité et envoient un signal au cerveau qui libère de la mélatonine, l'hormone du sommeil. La température du corps baisse, le rythme cardiaque et la respiration ralentissent.
Débute alors l'enchaînement de plusieurs cycles de sommeil, quatre à six selon les individus, d'une durée d'1h30 environ chacun. Mais chez l'insomniaque, l'horloge biologique peut être déréglée, ce qui perturbe la production des messagers de l'éveil et du sommeil. Dans certains cas, on observe une baisse de production de la mélatonine et dans d'autres cas, c'est plutôt l'hormone de l'éveil, l'histamine, qui reste trop présente. L'endormissement devient alors difficile et les réveils nocturnes sont fréquents.
Le sommeil est indispensable pour recharger ses batteries ou mieux intégrer les apprentissages du jour. Il est impossible de vivre sans dormir.
Une nuit chez une insomniaque
La tombée de la nuit devrait être synonyme de répit. Mais pour les insomniaques, c'est le début de la lutte pour trouver le sommeil.
Ils font preuve de beaucoup de créativité, comme les objets connectés... mais l'astuce la plus vielle du monde, compter les moutons, suffirait-elle ?
Anxiété, stress, écrans : les perturbateurs du sommeil
Aujourd'hui, on a encore trop tendance à chercher le sommeil grâce à des médicaments. C'est ce que dénonçait déjà en 2006 un rapport remis au ministre de la Santé. En 2012, la Haute Autorité de santé estimait qu'un tiers des personnes âgée de plus de 65 ans consommaient des somnifères de façon chronique et que dans un cas sur deux, cela n'était pas justifié.
Or, la prise de ces médicaments doit se faire sur une courte durée, au maximum un mois, car elle peut, dans le cas contraire, dérégler le sommeil et induire une dépendance.
Quelques règles simples facilitent aussi le retour ou la pérennité d'un bon sommeil. Il faut respecter son rythme et aller se coucher lorsque vous en ressentez le besoin. Instaurer des horaires de coucher et lever réguliers, y compris le week-end, est recommandé. Eviter la consommation d'excitants, les repas trop lourds ou trop légers, les douches ou bains chauds et le sport le soir permet aussi de mieux dormir. Les écrans sont calamiteux sur la qualité du sommeil car la lumière bleue signale au cerveau le "jour" et retarde donc l'endormissement. De plus, alors qu'il serait bon de se relaxer, les réseaux sociaux, Internet ou les emails maintiennent dans une excitation cognitive. Il convient donc de les éviter une heure ou deux avant le coucher et de ne pas regarder un écran dans le noir. Mettre son téléphone sur le mode avion ou le laisser dans une autre pièce évitera les réveils intempestifs liés aux notifications ou appels. D'autre part, l'exposition à la lumière naturelle le matin (ou via une lampe de luminothérapie) est fondamentale, tout comme la pratique d'une activité physique.
Le neurofeedback
Le recours aux techniques de relaxation est également préconisé pour traiter les insomnies. Parmi ces techniques, il y a le biofeedback. Son avantage : il permet au patient de voir, sur un ordinateur, son niveau d'anxiété, et d'agir concrètement dessus. À l'hôpital La Pitié-Salpêtrière on utilise cette méthode depuis 2005. Mais en 2021, des essais cliniques randomisés, contrôlés et en double aveugle sont toujours nécessaires pour préciser la place du neurofeedback dans l'insomnie chronique.
Les bienfaits de la sophrologie et de la relaxation
En cas d'insomnie, il est inutile de s'énerver. Il faut au contraire se détendre et respirer. Une technique loin d'être facile à maîtriser. Des séances de relaxation et de sophrologie peuvent aider les insomniaques.
Les techniques corporelles sont très efficaces pour soulager les patients souffrant d'insomnies anxieuses.
La sophrologie a pour but d'arriver à un état privilégié, entre veille et sommeil. La personne va pouvoir alors stimuler différentes capacités qu'elle ne soupçonne pas ou qu'elle exploite peu. Elle devient capable de se détendre, de se concentrer, de gérer son stress et ses émotions mais aussi de mieux mémoriser, de positiver et de se dépasser. La sophrologie est également utilisée pour accompagner un sevrage médicamenteux.
Le yoga est également une technique intéressante, avec à la fois un travail sur le corps et l'esprit. Des conseils de respiration et de visualisation sont formulés lors des méditations. Le corps se détend au son de sa voix. Une fois les tensions éliminées, il est possible d'atteindre des zones de la conscience inaccessibles en temps normal.
Quand le sommeil s'apprend à l'école !
Il est pourtant possible d'apprendre à vivre avec ses insomnies et même d'en tirer parti. En effet, l'insomnie n'est pas forcément vécue comme du temps perdu, synonyme de ruminations moroses.
Il suffit d'entendre cette citation de l'écrivain Céline pour s'en convaincre : "Si j'avais bien dormi toujours, je n'aurais jamais écrit une ligne".
Mais bien dormir n'est pas inné, d'où l'introduction de cours de sommeil à l'école....
Somnifères : sortir de la dépendance
Près de quatre millions de Français prennent des médicaments pour dormir. 40% des personnes âgées sont concernées. Si cette aide chimique peut être nécessaire à certaines périodes de la vie pour atténuer l'anxiété et retrouver le chemin du sommeil, elle comporte néanmoins des risques à long terme. La dépendance aux somnifères est en effet compliquée à gérer et nécessite un véritable suivi.
Souvent utilisées pour atténuer les troubles obsessionnels compulsifs et les phobies, les thérapies comportementales et cognitives (TCC) sont également efficaces pour accompagner les patients souhaitant diminuer leur prise de somnifères.
En thérapie comportementale et cognitive, le patient apprend à repérer les situations qui posent problème et ce qu'elles déclenchent comme émotions, pensées et comportements. Le but est de parvenir à modifier ces pensées et émotions négatives, et de mieux vivre les insomnies.
Pour en savoir plus : découvrez le livre de Marina Carrère
d'Encausse, Allo Docteurs - En finir avec les troubles du sommeil