Le sommeil paradoxal, une découverte du neurobiologiste Michel Jouvet
Pionnier de la médecine du sommeil, le chercheur français Michel Jouvet est mort hier à l'âge de 91 ans.
En 1959, Michel Jouvet est le premier à avoir défini le sommeil paradoxal, une sorte de troisième état du cerveau entre l'éveil et le sommeil. Cette découverte a permis une meilleure connaissance des mécanismes du sommeil. Les explications du Dr Sylvie Royant-Parola, spécialiste des troubles du sommeil.
- Comment définir le sommeil paradoxal ? Qu'est-ce que ce concept a apporté à la médecine ?
Dr S. Royant-Parola : "C’est un état particulier où le cerveau est à la fois complètement réveillé avec une activité électrique intense et les muscles sont complètement relâchés, il y a une hypotonie. Il y aussi une irrégularité des rythmes cardiaque et respiratoire, un érection chez le petit enfant, la personne âgée, l’adulte... C’est un état qui survient cycliquement, à la fin de chaque cycle. Ça a apporté énormément parce qu’on découvrait à cette l’époque-là que le sommeil n’était pas un état uniforme tout au long de la nuit, qu’il y avait des cycles qui étaient ponctués par des périodes de sommeil. Pendant le sommeil, tout le travail de Michel Jouvet a été d’essayer de comprendre aussi à quoi ça servait. Il faisait l’hypothèse qu’au cours du sommeil paradoxal, le cerveau se reprogrammait en quelque sorte. Ensuite, on a découvert le rôle du sommeil paradoxal dans tout ce qui est mémorisation, régénération et équilibre psychique. Maintenant, on voit aussi tous les rapports avec la dépression qui sont importants."
- Michel Jouvet a aussi découvert les propriétés anti-sommeil d'une molécule, le modafinil. Est-elle toujours utilisée actuellement ?
Dr S. Royant-Parola : "Le modafinil est un des traitements de l'hypersomnie, et plus particulièrement de la narcolepsie. Dans les autres pays, et en particulier les Etats-Unis, il a même des prescriptions plus larges pour essayer d’aider les gens qui ont des problèmes de vigilance dans la journée, dans le travail posté par exemple. En France, on ne l’utilise maintenant que dans la narcolepsie."
- Qu'est-ce qu'on ne sait pas encore du sommeil ?
Dr S. Royant-Parola : "Beaucoup de choses mais on a énormément appris depuis dix ans. Mais, on ne sait pas encore pourquoi il y a des différences entre des gens qui ont besoin de très peu de sommeil, les courts dormeurs, et les longs dormeurs, qui eux ont besoin de beaucoup de sommeil pour faire la même fonction. Je crois que le jour où on aura compris ça, on aura beaucoup avancé sur le rôle du sommeil."
- Le sommeil est-il un enjeu de santé publique actuellement ?
Dr S. Royant-Parola : "Pour moi, oui. Mais visiblement, on a du mal à le faire entendre au niveau de nos instances. Il y un rapport de 189 pages qui vise les priorités de santé publique. Les actions de prévention sont évoquées mais pas un mot sur le sommeil. On a encore beaucoup de travail à faire sur le sujet."