Strabisme : ça se soigne !
"Coquetterie dans l'œil" pour certains, "loucherie" pour d'autres, le strabisme est pourtant plus qu'une simple anomalie esthétique. Assez courant chez l'enfant, il se corrige bien s'il est pris en charge assez tôt. A l'âge adulte, la chirurgie reste le dernier recours.
Pourquoi louche-t-on ?
Le strabisme est une pathologie qui concerne 2 à 4% de la population française. D'un point de vue médical, le strabisme correspond à un défaut de parallélisme des deux axes visuels. Autrement dit, les mouvements des yeux ne se font pas de manière coordonnée. Ce mauvais alignement est d'origine cérébrale mais sa conséquence, elle, est mécanique.
Grâce à nos deux yeux, nous pouvons voir en trois dimensions. Cette vision tridimensionnelle nous permet de percevoir le volume des objets qui nous entourent, leur position dans l'espace et aussi d'évaluer les distances qui nous en séparent. Cette vision binoculaire nous permet également d'avoir un champ visuel de 180° ainsi qu'une vision périphérique.
Chaque oeil capte l'image d'un même objet, il la projette sur la rétine et puis chacune de ces images est envoyée simultanément au cerveau au travers du nerf optique. Le cerveau en fait alors la synthèse pour que nous ayons une vision nette et en trois dimensions. Pour y parvenir, les yeux doivent voir au même moment et dans la même direction donc leurs axes doivent être parallèles et leurs mouvements synchronisés. Pour cela, des petits muscles entourent chaque globe oculaire (six par globe). Ces muscles vont permettre d'orienter l'oeil d'un côté ou de l'autre. C'est l'équilibre des forces entre ces muscles qui permet de maintenir les yeux dans le bon axe. Si un déséquilibre survient, l'oeil peut dévier, ce qui provoque un strabisme.
Quand l'oeil est dévié vers l'intérieur, il s'agit d'un strabisme convergent. Lorsqu'il est dévié vers l'extérieur, le strabisme est divergent. Et quand l'oeil est dévié vers le haut ou vers le bas, on parle alors d'un strabisme vertical. Quel que soit le strabisme, le cerveau reçoit au final deux images beaucoup trop décalées. La vision peut alors être double, de manière horizontale ou verticale. Pour pallier cette gêne, le cerveau neutralise l'image qui provient de l'oeil dévié, pour ne garder que celle de ce que l'on pourrait appeler "le bon oeil".
Le danger c'est qu'au fil du temps, l'oeil dévié ne soit plus utilisé et que la vision se dégrade. Il en résulte une différence d'acuité visuelle marquée entre les deux yeux. C'est ce qu'on appelle l'amblyopie. Si rien n'est fait, ces enfants peuvent perdre complètement la vision binoculaire et donc la vision en trois dimensions.
Qu'est-ce que l'amblyopie ?
La déviation d'un oeil entraîne une perturbation de la vision. Le plus souvent, les personnes affectées voient double sur le plan horizontal, mais aussi, en fonction des cas, sur le plan vertical. Pour compenser ce handicap, le cerveau neutralise l'image fournie par l'un des yeux, en l'ignorant : c'est l'amblyopie, qui survient chez l'enfant.
A partir de 6 ans, cette amblyopie devient irréversible. On perd la vision des deux yeux et donc la vue en trois dimensions. On s'habitue à vivre avec un strabisme et certains trouvent des petites astuces pour compenser l'anomalie.
Première étape : la rééducation
L'orthoptie permet de rééduquer les yeux et de retrouver une vision efficace. L'orthoptiste rééduque la vision en faisant travailler l'œil malade. Il corrige le trouble de la vision grâce des prismes, qui dévient la lumière et qui sont intégrés aux verres de lunettes. Le strabisme peut néanmoins réapparaître notamment en cas de fatigue visuelle, de presbytie ou d'abandon du traitement.
En quoi consiste les séances de rééducation chez un orthoptiste ? Quels résultats peut-on en attendre ?
La chirurgie pour tout remettre en place
Après la rééducation de l'amblyopie, le strabisme peut tout de même persister. Pour en corriger les conséquences esthétiques et fonctionnelles, beaucoup de patients choisissent de se faire opérer. Chaque année, ils sont 14.000 à recourir à cette chirurgie.
Il s'agit d'intervenir directement sur le muscle oculaire responsable du strabisme, par exemple, en le raccourcissant, afin de remettre l'oeil dans le bon axe. Il n'existe qu'une trentaine de spécialistes en France, car cette opération est mal prise en charge par la Sécurité sociale. Précisons que l'on peut désormais opérer un enfant atteint de strabisme dès l'âge de 2 ou 3 ans et que plusieurs opérations peuvent être nécessaires.
De l'usage de la toxine botulique en cas de strabisme
Les strabismes précoces peuvent bénéficier, dans leur prise en charge, d'une ou plusieurs injections de toxine botulique. Cette toxine biologique naturelle est utilisée depuis une trentaine d'années. Plus connue pour son action sur les rides, la toxine botulique se révèle aussi efficace pour le strabisme des enfants… Les explications avec le Dr Mitra Goberville, chirurgien ophtalmologiste.
- Comment agit la toxine botulique sur le strabisme ?
Dr Mitra Goberville : "Le but est de paralyser les muscles hyperactifs et d'attendre qu'une régulation se fasse naturellement au fur et à mesure que la paralysie disparaît. Cette technique permet d'améliorer les choses avant la chirurgie mais aussi de guérir le strabisme dans un certain nombre de cas (de 40 à 60 % selon les équipes et le nombre d'injections), et ainsi d'éviter la chirurgie."
- Dans quels cas sont-elles conseillées ?
Dr M. G. : "Elles sont utilisées pour le strabisme convergent précoce à grand angle (strabisme qui apparaît en général avant six mois et qui est très important avec des difficultés pour l'enfant de bouger ses yeux vers l'extérieur). La toxine botulique est aussi utilisée pour les paralysies oculomotrices. Certains l'utilisent pour d'autres formes de strabisme chez les plus grands mais c'est moins consensuel."
- À partir de quel âge peut-on faire des injections de toxine botulique ?
Dr M. G. : "On peut les faire très tôt mais en général c'est entre 9 mois et 2 ans pour les formes classiques. Quel que soit l'âge pour les autres."
- Combien d'injections sont nécessaires et à quelle fréquence ?
Dr M. G. : "En général c'est entre une et trois injections et on attend en général six mois entre chaque injection."
- Comment se passe l'injection ?
Dr M. G. : "L'injection se déroule sous anesthésie générale chez l'enfant et locale chez l'adulte. Le patient rentre chez lui le soir même."
- Est-ce que l'injection de toxine botulique a un impact sur l'acuité visuelle ?
Dr M. G. : "Non aucun, mais si un enfant a les yeux totalement coincés à l'intérieur le fait de détendre les muscles améliore son champ de vision."
- Peut-il y avoir des effets secondaires ?
Dr M. G. : "Il y a des effets secondaires "attendus" comme le ptosis transitoire (les paupières tombent au début et se relèvent en général dans les 15 jours qui suivent) ou la divergence qui s'estompe au fil des mois. Les vraies complications sont exceptionnelles (perforation de l'œil, divergence persistante)."
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