Le Fentanyl, l'analgésique qui empoisonne l'Amérique
Face à aux ravages de la consommation de Fentanyl, les Etats-Unis durcissent leur législation, mais le trafic continue.
64 000 Américains sont morts d’une overdose en 2016, selon les centres de prévention des maladies américains (CDC). Parmi ces décès, 20 000 sont dus à une consommation excessive de Fentanyl, un puissant analgésique opioïde. Aussi cette crise a-t-elle été décrétée urgence de santé publique par le président Donald Trump à la fin du mois d’octobre. Les autorités états-uniennes ont par ailleurs annoncé jeudi 9 novembre vouloir faire en sorte que cette substance soit classée par l’agence antidrogue américaine (DEA). "Il deviendra ainsi plus facile pour les procureurs et les agents fédéraux d'engager des poursuites à l'encontre des trafiquants de toutes les formes de substances apparentées au Fentanyl", a assuré le ministère de la Justice.
Plus de 11 millions de personnes ont une mauvaise utilisation des opiacés
Aux Etats-Unis, il est relativement facile de s’en procurer. En effet, bien que le Medicaid, qui permet de vérifier l’historique des prescriptions des patients, existe dans 49 Etats, son utilisation n’est pas obligatoire partout. Ce qui permet à certains toxicomanes de prendre plusieurs rendez-vous dans différents cabinets dans le but d'obtenir plus de pilules – ce qu’on appelle le "doctor shopping".
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Les opiacés – une catégorie de stupéfiants englobant des médicaments analgésiques délivrés sur ordonnance et de l'héroïne, souvent mélangée avec des substances de synthèse – sont par ailleurs surprescrits, et certains patients, qui souhaitaient simplement soulager une douleur, en deviennent dépendants. Toujours selon le CDC, plus de 11 millions de personnes ont un mauvais usage des opiacés et près de 2 millions d’entre eux développent une addiction. Et ce sont les Blancs de plus de 50 ans aux revenus modestes qui seraient les plus durement touchés.
Les ordonnances d’opioïdes désormais limitées à sept jours
Peu de surprises donc à ce que ce fléau génère un immense trafic dans le pays. Les Etats-Unis sont en effet confrontés à une dissémination de produits opiacés, notamment en provenance d'usines en Chine, qui envoient leur marchandise directement à destination de clients américains qui achètent sur internet. Certains des trafiquants réussissent par ailleurs à contourner les évolutions de la législation anti-stupéfiants en modifiant marginalement la composition chimique de leurs produits. Et même si la loi se durcit à propos du Fentanyl, les narcotrafiquants mexicains ont déjà investi dans son trafic, puisqu’ils ont commencé à développer leurs propres laboratoires. Les cartels seraient aujourd’hui capables de produire le principe actif de cette substance à partir de précurseurs qu'ils fabriquent eux-mêmes.
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Pour l’heure, le Fentanyl est classé par la DEA dans la deuxième catégorie des substances réglementées, soit celle des médicamenteux potentiellement dangereux et à haut risque de dépendance. Désormais, selon les nouvelles règles édictées jeudi 9 novembre, toute personne qui possède, importe, distribue ou produit des dérivés ou substituts du Fentanyl pourra être poursuivie comme si elle se livrait à un trafic. CVS, l’une des plus grandes chaînes de pharmacies des Etats-Unis, a pour sa part annoncé à la mi-décembre que ses pharmaciens allaient limiter les ordonnances d’opioïdes à sept jours. Une campagne nationale de prévention sera par ailleurs lancée dès 2018.