Deux pistes pour expliquer les formes graves de la Covid
Des anomalies génétiques ou immunitaires pourraient expliquer 15% des formes graves de la covid-19, selon deux études franco-américaines. Ces anomalies entraîneraient une défaillance du système de défense de l’organisme.
Comment expliquer les cas sévères de la covid ? Près de 15% des formes graves de la maladie covid-19 s'expliqueraient par des anomalies génétiques ou immunitaires, selon les travaux d’une équipe franco-américaines.
Les chercheurs de l’institut des maladies génétiques Imagine/Inserm en collaboration avec l’Institut national américain des allergies et des maladies infectieuses (NIAID/NIH) détaillent leurs travaux dans deux articles publiés dans la revue Science.
A lire aussi : Covid : pourra-t-on bientôt anticiper les formes graves ?
Une explication aux "orages cytokiniques"
Ces anomalies seraient toujours à l’origine de la défaillance de puissantes molécules antivirales naturellement produites par l'organisme en cas d'infection : les interférons (IFNs) de type 1, de la famille des cytokines.
Sans ces molécules, la défense contre le coronavirus n’est pas assez efficace pour éviter une forme grave et l’organisme réagit de façon exagérée pour compenser ce manque. Il produit alors d'autres cytokines provoquant un emballement inflammatoire, le fameux "orage cytokinique", observé dans les cas très graves de Covid.
3 à 4% d’anomalies génétiques
Dans la première étude, les chercheurs se sont intéressés à 659 patients atteints d’une forme grave de covid mettant en jeu leur pronostic vital. Ces patients ont été comparés à 534 autres patients testés positifs au covid mais ne présentant peu ou pas de symptômes.
Les chercheurs ont alors observé chez 3 à 4% des formes graves des anomalies génétiques au niveau de 13 gènes qui diminuent la production d’interférons.
"Quel que soit leur âge, les personnes porteuses de ces mutations sont plus à risque de développer une forme potentiellement mortelle de grippe ou de covid-19" résume l’institut Imagine dans un communiqué.
Pour améliorer la prise en charge des patients covid, il faudrait donc identifier les patients concernés grâce à un dosage de ces molécules et leur administrer un traitement aux interférons de façon précoce. Bonne nouvelle : "ces médicaments sont disponibles depuis plus de 30 ans et sans effets secondaires notables s’ils sont pris pendant une courte période" rappelle l’institut Imagine.
10 à 11% de maladie auto-immune
La deuxième étude s’est ensuite penchée sur le cas de 987 patients atteints d’une forme grave de covid engageant également leur pronostic vital.
Sur ces 987 patients, au moins 101 patients (10 à 11%) présentaient une forme de maladie auto-immune qui se traduisait par des taux très élevés dans le sang d’auto-anticorps. Ceux-ci neutralisent l’action antiviral des interférons de type 1 au lieu de s’attaquer au virus.
Ces auto-anticorps sont, selon les chercheurs, absents chez les personnes qui développent une forme légère du covid et rares dans la population générale : 0,33%, selon des analyses menées sur un échantillon de 1.227 personnes en bonne santé, soit 15 fois moins que parmi les formes sévères.
"Ces résultats laissent penser qu’il faut donc dépister la population générale afin de détecter ces anticorps" concluent l’institut Imagine. Les médecins pourraient ensuite utiliser comme traitement un interféron que les auto-anticorps ne neutralisent pas.
Les hommes de plus de 65 ans plus concernés ?
Dernier point intéressant : cette anomalie auto-immune toucherait ici plus d'hommes que de femmes, alors que les maladies auto-immunes concernent généralement beaucoup plus les femmes. L'étude laisse également supposer que la fréquence de ces anticorps augmente avec l’âge, car 49,5 % des patients testés positif pour ces anticorps avaient plus de 65 ans, contre 38 % dans le reste de la cohorte.
Ces deux observations pourraient expliquer la surreprésentation de cas graves de la covid chez les hommes de plus de 65 ans.