Musicien, un métier à risque de troubles musculo-squelettiques
Les troubles musculo-squelettiques (TMS) sont très fréquents chez les musiciens et musiciennes. Rencontre avec un quintette suivi par une équipe de spécialistes de l’accompagnement des sportifs de haut niveau.
Ces six musiciens professionnels ne préparent pas seulement leur prochain concert. Ils participent aussi à une recherche sur l’intensité de leur engagement physique et mental lorsqu’ils jouent. Aujourd’hui, ils portent au poignet des montres qui captent leur fréquence cardiaque.
Avec déjà des résultats étonnants : "Jouer un instrument est équivalent à un footing tranquille, mais beaucoup d'instrumentistes font ça six, sept ou huit heures dans la journée. Vous imaginez huit heures de footing ? Même si on ne les a pas dans les jambes, d'un point de vue cardio-respiratoire, c'est une charge qui doit être prise en compte", explique Anne Maugue, flûtiste au quintette à cordes et vents de Monte-Carlo et chercheuse au LAPCOS, à l'Université Côte-d’Azur.
Pieds, hanches, dos... des postures fatiguantes
À la fois flûtiste et chercheuse, Anne a proposé à ses collègues de décrypter scientifiquement leur vie d’athlètes de la musique et ils ont tous accepté. Jouer d’un instrument est à la fois une course de fond et un travail musculaire intense. Les douleurs et les blessures menacent en permanence les doigts, les bras, les épaules ou même les lèvres.
"Tout le monde reconnaît facilement depuis des années la difficulté d'un footballeur ou d'un tennisman professionnel. Il est grand temps de reconnaître nos difficultés. Ergonomiquement, c'est vrai qu'il n'y a pas un seul instrument qui a une position naturelle, on est tous complètement coincés et tordus", commente Didier Favre, corniste au quintette à cordes et vents de Monte-Carlo.
Les pieds, toujours en tension, sont rarement posés. "Cela joue sur les hanches, le dos et les épaules et crée des tensions dans tout le corps" témoigne encore Sophia Steckler, harpiste du quintette.
Une contrainte physique et psychologique
Jean-Marc Jourdin, hautboïste du quintette, a quant à lui subi un claquage des lèvres. "Ça a lâché d’un seul coup et j'ai arrêté de jouer parce que l'hanche ne tenait pas et je ne comprenais pas pourquoi", confie-t-il.
Personne n’avait jamais parlé à Jean-Marc de ce risque de claquage. Ça lui est arrivé lors d’un concert au sein de son orchestre, un moment où la tension est maximale pour chaque musicien sous la direction du chef.
"La contrainte n’est pas seulement physique, elle est aussi psychologique. Il faut gérer le stress, la pression qui est mise aux musiciens. Ce sont des prestations d’excellence et il n'y a pas de deuxième chance" commente Véronique Audard, clarinettiste au quintette.
Pour les aider à affronter tous ces défis communs à ceux des grands sportifs, Mélanie a rejoint leur recherche. Cette spécialiste en activité physique adaptée a donc observé et conçu une séance de pause sur mesure contre le stress et les tendinites.
Les préparer comme des athlètes de haut niveau
"On ne peut pas changer la position d'un musicien qui l'a apprise et qui la connaît depuis très longtemps. Par contre, on peut essayer de la rendre moins douloureuse, en étirant les muscles sollicités et a contrario compenser en renforçant les autres muscles", confie Mélanie Aspe, enseignante en activité physique adaptée.
Des équipes entourent les musiciens, comme les athlètes de haut niveau, avec des programmes d’entraînement physique et mental adaptés.
"On se situe plutôt dans le côté préventif. Si vous n'êtes pas préparé à ces efforts finalement, c'est là où vous pouvez ressentir de la fatigue, vous blesser et même faire un burn-out", conclut le Pr Serge Colson, chercheur au laboratoire motricité humaine expertise sport santé, à l'université Côte d’Azur.
Anne a ainsi testé le passage de trois à six heures d’activité sportive par semaine. Résultat : elle est moins fatiguée les week-ends de concerts.