Problèmes de mémoire ou d'attention : et si c'était le Covid ?
Pour la première fois, une étude démontre le lien entre une infection au Covid et des troubles cognitifs liés à la baisse du taux de testostérone.
Faut-il s'inquiéter pour son cerveau si on a attrapé le Covid ? Une nouvelle étude semble en tout cas élargir les conséquences à long terme d'une infection à ce virus, ce que l'on appelle le Covid long. Des chercheurs de l’Inserm, du CHU et de l’Université de Lille ont en effet étudié le mauvais fonctionnement de certains neurones entraînant des problèmes cognitifs.
Le groupe de chercheurs se concentre depuis plusieurs années sur le rôle de certains neurones fabriquant une hormone, la GnRH (l'hormone de libération des gonadotrophines hypophysaires). Ces neurones contrôlent depuis l’hypothalamus tous les processus associés aux fonctions reproductrices : la puberté, l’acquisition des caractères sexuels secondaires et la fertilité à l’âge adulte, explique l'Inserm dans un communiqué.
Moins de testostérone = moins de mémoire ?
Cette fois, en collaboration avec leurs collègues de l’Imperial College London, les chercheurs se sont penchés sur les conséquences d'une infection au Covid sur ce groupe de neurones. Ils ont étudié les dosages hormonaux de 47 hommes, réalisés trois mois et un an après qu'ils aient eu le Covid. Et effectivement, le Covid semble altérer les fonctions des neurones à GnRH, ce qui provoque la chute du taux de testostérone. Ces résultats ont été publiés dans eBioMedicine.
Pour autant, cette baisse entraîne-t-elle un déclin cognitif ? L'étude tend à dire oui. "La proportion de patients signalant des troubles de la mémoire ou de l’attention, quelle que soit leur fréquence ou leur gravité, mais aussi des difficultés de concentration, avait tendance à être légèrement plus élevée chez les patients qui présentaient des dosages hormonaux anormaux, caractérisés par une baisse du taux de testostérone", notent les chercheurs.
Si l'étude porte uniquement sur des hommes, les femmes ont le même groupe de neurones GnRH, à l'origine de la production d'oestrogène et de progestérone. Elles seraient donc pareillement concernées par les conséquences d'une infection au Covid au niveau des neurones.
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Peut-on retrouver ses neurones ?
Et le fonctionnement altéré de ces neurones est-il irréversible ? Pour l'instant, il est difficile de le savoir, les scientifiques n'ayant pas encore suffisamment de recul par rapport à l'épidémie de Covid. Mais Vincent Prévot, directeur de recherche à l'Inserm et responsable de l’équipe Développement et plasticité du cerveau neuroendocrine, explique ce que les chercheurs ont constaté lors de l'étude.
"Certains hommes présentaient des déficits de ces neurones à trois mois et tout est revenu à la normale au bout d'un an". À l'inverse, "d'autres, qui avaient une fonction normale à trois mois, ont eu une détérioration à un an", sans que l'on ne sache pourquoi.
Un vieillissement précoce ?
Le neuroscientifique se veut rassurant, en expliquant que le cerveau est "un système plastique assurant la survie des espèces. Il est capable de résilience et d'adaptation". "On peut espérer que même s'il y a moins de neurones, le système arrive à prendre le dessus et à retrouver un bon fonctionnement", poursuit-il.
En revanche, Vincent Prévot se montre prudent quant au vieillissement. Des cerveaux déjà fragilisés par des mauvaises connexions entre les neurones pourraient être plus susceptibles de développer des maladies comme Alzheimer. "Cela risque de détériorer le vieillissement du cerveau", explique-t-il.
Muscler son cerveau pour le protéger
Pour l'heure, les scientifiques n'ont aucune certitude, que des hypothèses. "L'avenir nous le dira", souffle Vincent Prévot. "On ne sait pas si les conséquences du Covid sur les neurones vont s'aggraver, rester stables ou s'améliorer". Le risque, pour lui, étant de se retrouver face à une épidémie de cas d'Alzheimer.
Alors, que faire pour éviter au maximum de souffrir de troubles cognitifs, voire de maladie ? Il faut "exercer son cerveau", conseille le directeur de recherche. "Être curieux intellectuellement, lire, faire des jeux, écrire...". En effet, "quand on fait marcher son cerveau, ça a un effet protecteur", conclut-il.