Quand une chirurgie foetale sauve la vie de jumeaux en danger
Le syndrome transfuseur-transfusé est une des complications les plus redoutées pour les grossesses de vrais jumeaux. Pour sauver la vie de ces bébés, ils sont opérés avant leur naissance, in utero. Reportage à l'hôpital Necker.
Une équipe de l’hôpital Necker se prépare à une intervention exceptionnelle : sauver la vie avant même la naissance. Ils vont opérer une femme enceinte de quatre mois qui attend des jumeaux dont la vie est menacée par une complication grave, appelée le syndrome transfuseur-transfusé.
"On a une grossesse qui est gémellaire, avec deux foetus. Et on s’aperçoit que cet espace noir qui est autour du liquide amniotique est très abondant", explique le Pr Yves Villes, chef de service maternité et médecine foetale de l'hôpital Necker, à Paris.
Un risque de mort pour les deux bébés
Les "vrais" jumeaux, se partagent un même placenta. Ils ont chacun un cordon ombilical, relié entre eux par des vaisseaux sanguins. Mais chez ces fœtus, les échanges sanguins sont déséquilibrés. Résultat : l’un des jumeaux, le receveur, va recevoir trop de sang. Pour éliminer cet excès, il va uriner, ce qui créé trop de liquide amniotique.
À l’inverse, l’autre jumeau, le donneur, reçoit moins de sang. Il va arrêter d’uriner et se retrouve avec très peu de liquide amniotique. C'est un phénomène qui peut entraîner la mort de l’un ou des deux bébés.
"Si on n’opère pas, il y a deux choses qui se produisent. D'une part, le liquide amniotique est de plus en plus abondant et au bout d’un moment, cet utérus va se dire qu’il est temps d’accoucher. C'est donc une fausse-couche ou un accouchement prématuré. D'autre part, l’insuffisance cardiaque de celui qui l'est, peut se décompenser et il peut ne pas survivre", commente le Pr Yves Villes.
Supprimer les échanges sanguins entre les foetus
Pour cette opération in utero, la mère est placée sous anesthésie locale. Le chirurgien introduit une aiguille munie d’une caméra à l’intérieur de la cavité amniotique.
Les yeux rivés sur l’écran, le Pr Villes doit identifier un à un chacun des vaisseaux qui relient les deux fœtus et qui sont responsables du déséquilibre. Tout se joue à l’échelle du millimètre.
Au détour d’une main ou d’un pied, chacune de ces communications anormales est coagulée à l’aide d’une fibre laser. Le but est de supprimer tous les échanges sanguins entre les deux foetus pour que chacun puisse grandir normalement.
Pour que l’opération réussisse, le chirurgien ne doit oublier aucune ramification."Ici, vous avez une toute petite anastomose toute fine que l’on pourrait très bien négliger… Si on l’oubliait, elle deviendrait très grosse et très fonctionnelle très rapidement et donc on aurait un échec de la chirurgie", confie le Pr Villes.
Un succès dans 8 cas sur 10
La dernière étape de l’opération consiste à drainer l’excès de liquide amniotique."Enlever du liquide, c’est enlever du stress sur l’utérus, donc c’est lutter contre le risque d’accouchement prématuré", précise le Pr Yves Villes.
L’opération aura duré 40 minutes. Il faudra attendre le lendemain pour savoir si elle a permis de sauver ces jumeaux. Cette chirurgie rare permet 8 fois sur 10 d’avoir au moins l’un des deux bébés vivant et sans séquelle.
"Sans cette opération, j'aurais perdu mes fils"
Noah et Nolan sont passés par là quand ils étaient dans le ventre de leur maman. Ils ont trois ans et se portent très bien, mais pour Sabrina, le souvenir de l’opération à son quatrième mois de grossesse est encore douloureux.
"Je m’effondre, je me mets à pleurer… On me dit qu’on va rentrer dans mon ventre, comment on va faire, est-ce qu’on va m’ouvrir ? Comment ça se passe ? Comment vont-ils faire pour ne pas toucher à mes enfants, ne pas les blesser ?", raconte Sabrina Pereira, maman de Noah et Nolan.
Dans le cas de Sabrina, la première opération n’a pas suffi. Elle est réopérée trois jours plus tard et cette fois-ci, c’est une réussite."Si nous n'avions pas eu cette opération, j'aurais perdu mes fils", confie-t-elle.
Cette opération est pratiquée en France depuis les années 1990. Avant cette date, la plupart des jumeaux atteints du syndrome transfuseur-transfusé étaient condamnés à ne jamais voir le jour.