Dépakine® : les femmes enceintes épileptiques toujours mal informées
La Dépakine®, et tous les autres médicaments qui contiennent du valproate, ne doivent plus être prescrits aux femmes enceintes ou en âge de procréer. Depuis le 1er janvier 2016, de nouvelles règles de délivrance de cet antiépileptique en pharmacie sont entrées en vigueur. Mais les autorités de santé peinent à diffuser l'information et de nombreuses femmes épileptiques qui prennent ce médicament ne connaissent pas les risques.
Sortir ses cahiers d'écoliers et faire ses devoirs avec sa maman est un moment particulièrement difficile pour Sven. A 8 ans, il souffre de troubles du comportement. Et depuis peu, pour sa mère, Solène, ses difficultés ont enfin une explication : la Dépakine®. Elle est épileptique et depuis l'enfance elle prend ce médicament. Il l'empêche de faire des crises d'épilepsie. Pendant sa grossesse aussi, on a continué à lui en prescrire. Or cet antiépileptique est dangereux pour le foetus.
"A cause de la Dépakine®, Sven a marché plus tard, pour un enfant de 8 ans il a peu de vocabulaire, il a un retard de langage et donc la communication avec les autres enfants n'est pas facile. Moi, j'ai pris de la Dépakine® pour me soigner, mais lui il n’a rien demandé et il a accumulé du retard", explique Solène, la maman de Sven.
Dépakine® : un médicament très utilisé
La Dépakine® ou valproate de sodium est un médicament très utilisé en France. D'après l'Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM), environ 80.000 femmes en âge de procréer étaient encore sous valproate en 2014. Mais cet antiépileptique est dangereux pour le foetus.
Dans une lettre adressée aux professionnels de santé en décembre 2014, l'ANSM rappelle que "les enfants exposés in utero au valproate présentent un risque élevé de troubles graves du développement (jusqu'à 30 à 40% des cas) et/ou de malformations congénitales (environ 10% des cas)".
Un antiépileptique sous haute surveillance
La Dépakine® ne doit plus être prescrite aux femmes enceintes ou en âge de procréer. Le message de l'Agence nationale de sécurité du médicament est clair, mais il a du mal à se faire entendre par les professionnels.
Alors depuis le 1er janvier 2016, pour obtenir de la Dépakine® en pharmacie, il faut obligatoirement présenter :
- une ordonnance remplie par un spécialiste (neurologue ou psychiatre par exemple) ;
- un formulaire d'accord de soins complété et signé par le prescripteur et la patiente.
"Il faut aussi que les pharmaciens soient des relais importants puisque, par exemple, un pharmacien qui a une ordonnance de Dépakine® pour laquelle il n'y a pas l'ensemble des documents nécessaires, il faut qu'il soit en mesure de prendre son téléphone et de contacter le médecin afin de le prévenir que les règles ne sont pas respectées", explique Dominique Martin, directeur général de l'ANSM.
Les pharmaciens respectent-ils bien ces règles ?
Pour le savoir, nous avons justement demandé à Solène de faire un petit test. Munie d'une ordonnance de Dépakine®, délivrée non pas par un spécialiste mais par son médecin généraliste, elle s'est rendue dans plusieurs pharmacies. Les résultats de notre test sont accablants. Solène ressort avec dix boîtes de Dépakine® délivrées sans problème et avec une simple ordonnance de généraliste.
Dans les cinq officines testées, Solène n’a essuyé aucun refus. Les pharmaciens n’ont pas clairement mentionné les risques. Deux seulement ont fait allusion à des nouvelles règles de délivrance, mais le message n'a pas été très clair et aucun n'a demandé à Solène le formulaire d'accord de soins.
Une nouvelle alerte sanitaire dans un mois
Pourtant, l'information a bien été diffusée le 1er décembre 2015 sur les ordinateurs de l'ensemble des pharmaciens sous la forme d'une alerte sanitaire.
"Nous allons rappeler encore et encore aux pharmaciens la situation. Mais vous savez, il y a des règles presque tous les jours qui changent pour les délivrances des médicaments, aujourd'hui nous parlons de la Dépakine®, demain nous pourrions parler d'autres médicaments comme le traitement pour l'acné. Beaucoup de règles changent et c'est assez difficile d'être immédiatement opérationnels", a rétorqué Isabelle Adenot, la présidente du Conseil national de l'Ordre des pharmaciens, en réponse à ce test en pharmacie.
Fort de ce constat, l'Ordre des pharmaciens s'est engagé à envoyer un nouveau rappel des règles de délivrance de la Dépakine® d'ici un mois à l’ensemble des pharmaciens. Reste à savoir si elles seront cette fois bien respectées au comptoir des officines.