"Hippocrate aux enfers" : Michel Cymes répond à la critique de Télérama
Michel Cymes répond à la critique de Télérama à propos de son documentaire "Hippocrate aux enfers", co-écrit avec Claire Feinstein et réalisé par Jean-Pierre Devillers. Diffusé ce mardi 30 janvier sur France 2, vous pouvez le voir et le revoir sur france.tv.
Quand Télérama trouve qu’on en parle trop…
Faut-il répondre à un article critique ou ne rien dire pour ne pas attirer sur lui l’attention qu’il n’a sans doute pas eue ?
Cette question, tous les écrivains, artistes, animateurs, se la posent un jour quand un papier éreinte leur travail ou leur personne. Les personnes les plus avisées vous recommandent alors de ne pas réagir. Cette fois, je ne vais pas écouter ces conseils. Je vais répondre à Emilie Gavoille et à Télérama.
Dans un papier sur Hippocrate aux Enfers publié le 24 janvier dernier, le documentaire consacré aux expériences médicales dans les camps de concentration, adapté de mon livre, et diffusé mardi 30 janvier sur France 2, Emilie Gavoille écrit « ces quatre-vingt minutes consacrées à évoquer pour la énième fois les parcours criminels des plus tristement célèbres séides en blouses blanches de Hitler… », avant d’affirmer que ce documentaire ne ferait avancer ni « la connaissance historique », ni «sa compréhension par le grand public ». Vous pouvez ne pas avoir aimé ce documentaire Madame, ni sa réalisation, ni sa musique pourtant interprétée par l’un des plus grands violonistes au monde. Vous pouvez penser qu’il ne vous apprend rien, le critiquer. Je n’ai rien à redire à cela... mais il y a des mots qui passent mal. Enième fois ? Ainsi on parlerait trop de ce qui s’est passé dans le bloc 10 à Auschwitz ? On parlerait trop de ces enfants martyrisés par Mengele ? On évoquerait trop souvent Clauberg et ses injections dans le corps des femmes pour les stériliser ? Mais au nom de quoi ? Qui êtes-vous pour juger ce que le grand public peut recevoir et devrait comprendre ou ne pas comprendre ? Le film a été projeté un soir de janvier à des hommes et des femmes de divers horizons, qui allaient participer aux Etats Généraux de la bioéthique. Des gens intelligents, qui ont plébiscité ce que vous qualifiez dédaigneusement de « pénible pantomime ». Mais qui êtes-vous, comment osez-vous avec le même dédain affubler de l’adjectif «valables» des historiens reconnus comme Yves Ternon ou Yohann Chapoutot, qui sont si fiers d’avoir participé à ce documentaire ? On a parfaitement compris que vous n’avez pas aimé le documentaire, mais la « mise en scène outrée de mon indignation » n’était pas nécessaire à la compréhension de votre papier. Elle prouve que vous n’avez pas compris, ou voulu comprendre, les raisons pour lesquelles j’ai tant voulu ce documentaire . Que savez-vous en outre de mon indignation ? Qui êtes-vous donc pour en juger ? A l’heure du négationnisme, de l’intolérance, de la prolifération des extrêmes en tous genres, des réseaux sociaux et des fake news, il devient fondamental de rappeler, ou d’apprendre - oui d’apprendre - aux jeunes générations ce qui s’est passé dans les camps… même si cela doit être pour la … « énième fois » ! Pardonnez la faiblesse de mes références littéraires (je ne suis que médecin !!), mais je vous invite à relire régulièrement cette phrase d’Henri Borlant, ancien déporté : «Il faut, il faudra sans cesse rappeler que cela fut.»
Michel CYMES