Hygiène intime : les marques ciblent désormais les petites filles !
De plus en plus de marques proposent des produits d’hygiène intime destinés aux fillettes. Mais aucun argument médical ne justifie leur mise sur le marché.
Après les mères, au tour de leurs filles ! Dans son numéro de septembre, le magazine Causette alerte sur un nouveau produit de la marque Lactacyd, commercialisé sous le nom de "Maman et moi". Le groupe, spécialisé dans les soins d’hygiène intime pour femmes, propose un pack contenant deux lotions lavantes pour la vulve : l’une pour la mère, l’autre pour la fille, pour "un usage quotidien dès 3 ans". Lactacyd n’est d’ailleurs pas la seule marque à exploiter ce filon : Hydralin, Saforelle ou Saugella proposent des produits similaires, avec le même type de packaging rose bonbon. Pourtant, chez les petites filles, les indications pour utiliser des soins d’hygiène intime spécifique sont rares, indique la Dre Phryné Coutant-Foulc, dermatologue spécialisée dans les pathologies de la vulve. "Ce sont des produits purement marketing : on cible une zone qui n’a pas lieu d’être ciblée", explique-t-elle.
"Je conseille plutôt des produits utilisables pour tout le corps"
Avant la puberté en effet, la flore vaginale est relativement pauvre en lactobacilles du fait de l’absence d’œstrogène. "Hormis des situations particulières, comme un diabète, une antibiothérapie prolongée, une baisse d’immunité ou une dermatose inflammatoire chronique, les petites filles n’ont pas de mycoses", souligne la Dre Coutant-Foulc. Les vulvites et les vaginites, en revanche, arrivent plus fréquemment à cet âge, mais il n’y a, là encore, pas besoin d’utiliser de soin spécifique. "Je conseille plutôt des produits utilisables pour tout le corps et adaptés aux peaux fragiles, comme les huiles de douche ou le savon surgras pour peau atopique" précise la dermatologue.
De manière générale d’ailleurs, pour les femmes, les soins d’hygiène intime ne sont pas indispensables, quel que soit l’âge. "On dit de « faire comme maman », mais maman ne doit pas faire ça non plus ! Soit on a une pathologie vulvaire, auquel cas on doit utiliser des produits adaptés, soit on n’en a pas", explique la Dre Coutant-Foulc. Cependant, malgré les recommandations des spécialistes, les gels, mousses et lotions pour la vulve restent très prisés. Les rayons des parapharmacies en regorgent, et les magazines féminins ne cessent d’en vanter les vertus. Cette tendance ne date pas d’hier, d’après la sociologue Anne Dujin. Dans un article intitulé "De la disparition programmée de nos odeurs…", la chercheuse explique que "l’odeur du corps féminin non fraîchement lavé ne fait plus partie – et ce depuis longtemps – des représentations communes du désirable". Elle date les premières publicités pour les produits d’hygiène intime aux années 1950.
Une besoin créé de toutes pièces
Au fil des années, un besoin social a donc été créé de toutes pièces, et les soins ciblant la vulve ont connu un vrai succès commercial. Aujourd’hui, de nombreuses femmes ont banalisé cet achat, qui fait partie de leur "routine bien-être". Le principal argument désormais avancé par les marques est d’ailleurs celui du confort. "L’injonction comportementale à ne pas sentir mauvais a été complètement intériorisée. […] Et l’obsession des odeurs est plus que jamais présente dans les innovations cosmétiques : lingettes, protège-slips et serviettes hygiéniques parfumés sont là pour nous le rappeler", affirme Anne Dujin.
La commercialisation de la "version enfant" de ces produits constitue une nouvelle innovation du genre, et vient confirmer ce qu’avançait la sociologue en 2014. Aujourd’hui, des fillettes prépubères sont soumises aux mêmes injonctions que leurs mères, et sont encouragées à utiliser les mêmes "soins". Mesdames, ne tombez donc pas dans le piège des publicitaires, et demandez conseil à votre médecin avant d'utiliser des produits d'hygiène intime vendus en parapharmacie - ou de les conseiller à vos filles.