Non, les antidépresseurs ne rendent pas suicidaires
Dans une tribune publiée par le Figaro ce 3 avril, psychiatres et chercheurs s’inquiètent des déclarations répétées, dans les médias (suite au crash de l'A320 de Germanwings), selon lesquelles la prise d’antidépresseurs aurait rendu le pilote suicidaire.
Les signataires de la tribune, membres de l'Association française de psychiatrie biologique et de neuropsychopharmacologie et la Fondation FondaMental, fustigent les commentaires "souvent imprécis, parfois erronés", incriminant la prise de médicaments par le pilote à l'origine du crash de l'A320 de GermanWings.
Rappelant que le suicide est la première cause de mortalité des 25-34 ans, les auteurs rappellent que "les personnes décédées par suicide présentaient dans 60 a 70 % des cas une dépression", et que plus de 90% d’entre eux "n'avaient pas reçu de traitement." De ce fait, expliquent les scientifiques, "il est évident que traiter une dépression permet de prévenir le suicide". Comme le soulignait encore récemment l’Académie de médecine, le taux de suicide dans un pays donné est inversement proportionnel à son taux de prescription d'antidépresseur.
Les signataires de la tribune du Figaro expliquent que des mises en garde ont bel et bien été éditées aux Etats-Unis pour les prescriptions des antidépresseurs pour les moins de 25 ans. "Il [s’agit] d'alerter les prescripteurs sur un risque potentiel justifiant une surveillance accrue de ces patients en phase d'introduction du traitement", insistent-ils. "[Il] ne s'agit en rien d'une contre-indication pour la prescription de ces traitements chez l'adolescent, la FDA soulignant avant tout que le risque de suicide est lié à la pathologie."
Des gestes suicidaires restent "possibles après la prescription d'antidépresseurs ; il faut garder à l'esprit que ce risque décroît au fil du traitement." Des idées de suicide ont été décrites "chez 3 à 17% des patients après instauration du traitement, avec de très rares cas de passage à l'acte suicidaire".
Mais ce risque, insistent encore chercheurs et psychiatres, "est surtout majeur avant l'instauration du traitement". L'émergence des idées de suicide apparaitrait liée "à l'aggravation de la dépression lorsque le traitement ne fonctionne pas, ainsi qu'à la sévérité de la dépression et à son apparition dès l'adolescence". "Il serait faux de croire que les antidépresseurs augmentent le risque de suicide alors qu'au contraire, traiter la dépression réduit globalement le risque et favorise la prévention", poursuivent-ils.
A leurs yeux, il existe un réel danger que le public "puisse croire que ces médicaments peuvent être la cause d'actes violents contre autrui". "Ces fausses croyances peuvent aboutir à un arrêt prématuré des traitements par les patients", continuent-ils. Ils observent d'ailleurs que cette polémique "[a] conduit dans quelques pays à une diminution de leur prescription, qui s'est accompagnée d'une augmentation des taux de suicide."
"La lecture des preuves scientifiques, la prudence, la déontologie, le respect pour les patients, le simple souci d'humanité nous font déclarer qu'aucune polémique sur ce sujet ne mérite d'être entretenue", concluent-ils.