Beaucoup plus de décès qu'attendu cet hiver
Au regard des huit années précédentes, l'hiver qui s'achève a engendré 8.500 décès supplémentaires, a détaillé mercredi 4 mars l'Institut de veille sanitaire (InVS). L'épidémie de grippe aujourd'hui en reflux a fortement participé de cette surmortalité, qui touche de façon importante les plus de 65 ans.
Une surmortalité proche des hivers 2008-2009 et 2012-2013
En France, "depuis le début de l'épidémie de grippe (mi-janvier), la mortalité hivernale est supérieure de 19% à la mortalité hivernale attendue, calculée à partir des huit années précédentes, soit un excès estimé à 8.500 décès", indique l'InVS.
L'institut souligne toutefois qu'il est impossible de préciser la part exacte de la grippe dans ce surcroît de mortalité qui englobe toutes les causes de décès.
Interrogé par l'AFP, Daniel Lévy-Bruhl, épidémiologiste à l'InVS, a toutefois reconnu qu'il existait "un faisceau d'arguments pour dire que la grippe a joué un rôle important dans l'excès de mortalité" cet hiver, en raison notamment de la forte circulation du virus A(H3N2) contre lequel le vaccin était annoncé peu efficace du fait de la mutation du virus (1).
Dans les certificats de décès, rappelle-t-il, "on a rarement le mot grippe", la plupart des personnes âgées ou fragiles décédant de complications et non de la grippe elle-même, ce qui ne facilite pas l'évaluation des décès attribuables à cette maladie.
Bien que les estimations pour cette saison soient encore provisoires, l'épidémie de grippe n'étant pas encore terminée, elles ne sont pas loin cette fois d'atteindre celles des deux hivers les plus meurtriers enregistrés depuis 2006 par l'InVS : l'hiver 2008-09 et l'hiver 2012-13, marqués chacun par environ 10.000 décès supplémentaires, selon Daniel Lévy-Bruhl.
Les surmortalités hivernales sont généralement liées aux épidémies de grippe ou de gastroentérite, ainsi qu'à des aléas climatiques (grand froid notamment). Elles se limitent généralement à quelques milliers de décès supplémentaires, voire moins, selon l'InVS.
(1) Pour cette année, son efficacité vaccinale (réduction du risque d'infection) est actuellement estimée à 7% pour les personnes de plus de 65 ans, et à 62% "pour les moins de 65 ans avec une maladie chronique". (source InVS)
Cette surmortalité a également été observée dans une dizaine de pays européens, parmi lesquels le Royaume-Uni, l'Espagne, le Portugal, la Belgique, les Pays-Bas.
L'épidémie de grippe désormais en recul
Officiellement, la grippe a fait 129 décès depuis le 1er novembre dernier, mais ce chiffre ne tient compte que des personnes admises en réanimation pour une grippe.
Face à l'afflux de cas dans les hôpitaux, le gouvernement avait dû annoncer mi-février la mise en place d'un plan d'urgence pour libérer des lits.
Actuellement, l'épidémie de grippe recule, avec des passages aux urgences et des hospitalisations en diminution, y compris chez les plus de 65 ans.
Selon les données du réseau spécialisé Oscour, le nombre des passages aux urgences pour grippe a ainsi baissé de 27% la semaine dernière par rapport à la semaine précédente et les hospitalisations pour grippe ont diminué de 23%.
Mercredi 4 mars, la Direction générale de la santé (DGS) a précisé que l'activité des hôpitaux était en "nette diminution", tout en se maintenant à "un haut niveau". 66 établissements restent toutefois sous tension notamment dans les régions Centre, Pays de Loire, Bourgogne, Haute-Normandie, Bretagne et Rhône-Alpes.
D'après l'InVS, le nombre de cas de syndromes grippaux vus en consultation de médecine générale était aussi "en nette baisse" la semaine dernière, avec 316.000 nouveaux cas. Ce qui porte à près de 2,7 millions le nombre de cas vus par un médecin généraliste depuis le début de l'épidémie.
Les régions encore fortement touchées la semaine dernière par la grippe étaient, selon le réseau Sentinelles, le Limousin (1.142 cas pour 100.000 habitants), l'Alsace (782) et la région Champagne-Ardenne (752).
Comment agir pour éviter une nouvelle crise ?
Pour Christophe Prudhomme, président de l'association des médecins urgentistes de France (Amuf), cette surmortalité hivernale a été causée par plusieurs facteurs, sur lesquels il est possible d'agir.
"En premier chef, il y a la couverture vaccinale, bien trop faible cette année. C'est l'échec d'une politique de santé publique concernant la vaccination. L'épisode Bachelot [achat massif de vaccins contre la grippe A(H1N1), finalement inutilisés] a remis en question, dans l'esprit du public, la légitimité de la vaccination contre la grippe."
Cette année, du fait d'une mutation du virus au cours de l'année, le vaccin plus tôt dans l'année s'est avéré peu efficace. "On ne changera pas cette donnée : le virus mute, et il faut un certain temps pour fabriquer le vaccin", juge le Dr Prudhomme. Mais même s'il est moins efficace, le vaccin n'est pas sans effet. "Les personnes à risques ne sont pas les seules qui doivent se faire vacciner. En se vaccinant, on limite la propagation du virus. Il faudrait d'ailleurs que les professionnels de santé se vaccine, pour ne pas être le vecteur de la maladie entre les patients qui viennent les consulter ! Cela devrait être inscrit dans le code de déontologie des médecins."
Mieux prévenir, mieux guérir
Une meilleure prévention n'est pas la seule façon de lutter contre ces épisodes épidémiques. "On voit que ces situations mettent les services d'urgences en tension", poursuit le Dr Prudhomme. "Il faut une réforme importante, tout d'abord pour qu'il y ait plus de généralistes. Les jeunes médecins se tournent vers la radiologie plutôt que vers la médecine générale, mais il faut clairement plus de généralistes, car ce sont eux qui sont en première ligne. Par ailleurs, il faut arrêter de fermer des lits dans les hôpitaux. Pas nécessairement en ouvrir plus, mais transformer les lits de chirurgie – moins nécessaires avec le développement de chirurgie ambulatoire – en lits de médecine polyvalente."
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