Bébés nés sans bras : les dernières pistes de la lanceuse d’alerte
Un comité d’experts nommé par le ministère de la Santé se réunit jeudi après-midi pour faire le point sur les cas groupés d'enfants nés avec une malformation du bras.
A ce stade, aucune hypothèse n’est privilégiée par les autorités sanitaires pour expliquer les cas d’enfants nés avec une malformation congénitale du bras ou de la main. Quatorze cas ont été recensés dans le Morbihan, dans l’Ain et en Loire-Atlantique. Emmanuelle Amar, épidémiologiste et directrice du Remera (Registre des Malformations en Rhône-Alpes), qui a révélé l’affaire en septembre, poursuit l’enquête. Elle vient de communiquer les derniers résultats de ses recherches.
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Mobilisation spontanée de scientifiques étrangers
Le retentissement médiatique et l’émotion suscitée par cette affaire, ont créé une mobilisation scientifique spontanée autour d’Emmanuelle Amar. La chercheuse a reçu, entre autres, l’appel de Neil Vargesson, spécialiste en biologie du développement à l’Université d’Aberdeen en Ecosse. Ce dernier lui a rapporté l’histoire des dix-huit enfants de la ville de Corby, dans le centre de l’Angleterre, qui avaient exactement le même type de malformations, sur un seul bras. Après des années de bataille judiciaire, l’exposition à des poussières toxiques liée au nettoyage d’une usine a été reconnue comme responsable de ces atteintes. Pour les cas français, le chercheur a alimenté le dossier d’Emmanuelle Amar avec les résultats de tests en laboratoire montrant que certains insecticides peuvent se décomposer en acide rétinoïque et interférer avec le développement embryonnaire. Selon Neil Vargesson, cet acide rétinoïque agirait sur des gènes impliqués dans la formation des membres.
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L’hypothèse de l’eau contaminée
Selon ces spécialistes, les villages touchés ont plusieurs points communs en matière d’eau. Avec en particulier leur situation en bout de réseau d’approvisionnement, ce qui augmenterait le risque de contamination avec davantage de dépôts dans les circuits. En plus de cette éventuelle exposition directe à ces éléments qui « encrasseraient » les tuyaux, il pourrait y avoir une autre menace liée aux procédures locales de nettoyage mises en œuvre pour y faire face. Car, apparemment, à la différence des grandes villes où les fournisseurs d’eau ont des intervenants spécialisés, dans les campagnes, ces travaux pourraient être confiés à des entreprises locales qui utilisent peut-être des produits d’entretien inadaptés. Autre hypothèse formulée par Emmanuelle Amar : dans les trois zones impactée, l’eau serait prélevée à proximité de zones humides, ce qui favorise la prolifération de bactéries.
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Quid de l’agriculture ?
Il y aurait également une similarité dans les activités agricoles qui entourent les habitations dans les zones incriminées. Or, au fil de leurs recherches, le groupe de travail d’Emmanuelle Amar a découvert l’existence d’un trafic de produits phytosanitaires qui représenterait 14% du marché. Des lots saisis contenaient par exemple un insecticide à la place du fongicide officiellement annoncé sur l’étiquette, avec par conséquent une toxicité différente. Cela pourrait expliquer que les bébés atteints soient tous nés dans un laps de temps limité. Cela correspondrait à l’utilisation par les agriculteurs de bidons de produits « contrefaits », sans qu’ils le sachent.
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Faut-il exclure la piste génétique ?
Selon les éléments rassemblés par Emmanuelle Amar, l’une des mères concernées présente une maladie dite « Facteur V de Leiden ». Et cette anomalie de la coagulation serait aussi présente dans la famille d’une autre mère touchée. Or, cette pathologie, qui augmente les risques de formation de caillots, pourrait avoir une répercussion sur le développement des membres du fœtus. Mais là encore, aucune certitude. Pour confirmer cette hypothèse, il faudrait étudier de façon exhaustive le génome de toutes les femmes dont les enfants sont nés avec un bras mal formé. Autant de pistes qui demandent à être creusées.