Comment parler des attentats aux enfants ?
Scènes d'horreur absolues, émotions à fleur de peau, écoles fermées : le monde des enfants peut basculer en l'espace de quelques heures et ouvrir un abîme d'angoisses. Comment les parents peuvent-ils parler des attentats ? Quels mots choisir ou éviter ? De quelle façon les rassurer ?
L'enfant est sensible à son environnement immédiat, plus qu'aux évènements : si ses parents sont très affectés et angoissés, ou répètent un "n'aie pas peur" qui sonne faux, il ne peut pas être rassuré. C'est l'angoisse des proches à laquelle les enfants sont sensibles : aussi éprouvés soient-ils, les parents sont censés rassurer leur progéniture, en absorbant leurs angoisses et en abordant le sujet avec des mots adaptés à l'âge des enfants, sans tomber dans la théâtralisation et en évitant les discours pessimistes, du type "c'est la fin d'un monde…" Le silence est tout aussi angoissant.
Bien sûr, il est normal d'avoir des émotions et de les laisser transparaître, mais en parler avant entre adultes évacue les émotions les plus fortes et les plus déstabilisantes pour l'enfant. Cela permet ensuite de maintenir à la maison une atmosphère la plus sereine possible et une certaine routine pour que l'enfant retrouve son équilibre.
Quels mots choisir ?
Il est primordial de parler des évènements avec eux, même s'ils n'abordent pas spontanément le sujet. Aborder les attentats de façon factuelle, sans entrer dans les détails est conseillé par de nombreux psychologues et psychiatres : "il y a eu des attentats, qui ont fait des morts à Paris" ou "des guerriers ont attaqué le pays". Le choix des mots est important : "tuerie" ou "bain de sang" véhiculent des émotions trop violentes tandis que "horrible" ou "terrible" sont plus neutres.
Parler de guerre est une possibilité car les enfants comprennent tous le sens de cet événement que tous les pays connaissent un jour ou l'autre. A condition de leur expliquer qu'il ne s'agit pas d'une guerre avec des combats partout, mais d'une nouvelle forme, avec des guerriers qui ont agi dans une ville. Certains documents destinés aux enfants, comme celui d'Astrapi, servent de support à un échange. Les plus de 6 ou 7 ans sont capables de comprendre des mots comme terroristes : il est possible d'expliquer leur idéologie en disant qu'ils ne supportent pas l'idée que les gens pensent différemment d'eux et qu'ils sont prêts à tuer pour cela. Ces mots ouvrent le débat sur la tolérance et l'importance de respecter les idées de ceux qui ne pensent pas comme nous.
Les enfants auront vraisemblablement d'autres échos à l'école et reviendront avec des questions supplémentaires, qui donneront l'occasion de prolonger la discussion. S'il n'est pas recommandé de les bombarder de questions à leur retour de l'école, le parent peut engager la conversation de façon bienveillante et neutre lors du goûter ou du dîner, sur ce qui s'est passé à l'école.
Avec les plus grands, c'est bien de parler ensemble des images et témoignages vus à la télévision ou sur Internet. Mieux vaut rappeler aux adolescents qu'il n'est pas bon de les revoir en boucle et d'entretenir ainsi l'inquiétude.
La question "pourquoi ?" se présentera à un moment ou à un autre, question à laquelle nous n'avons pas de réponse satisfaisante. Il est possible de leur expliquer que les attentats sont des actes perpétrés par des gens très malades, qui veulent faire du mal à d'autres personnes pour des raisons que les adultes ne comprennent pas toujours.
Faut-il leur interdire la télévision ?
Exposer le moins possible à des images choquantes et anxiogènes est évidemment la meilleure solution, sans tomber dans l'attitude extrême d'interdire la télévision alors que les enfants ont habituellement l'habitude de la regarder tous les jours. Ce changement créerait l'effet inverse ! Pour les plus eptits, il faut couper la télévision rapidement ou changer de chaînes car les images sont nocives. Avec les plus grands, s'ils tombent sur une scène, le rôle des parents est de la commenter et la décoder avec eux.
Comment répondre à la peur de voir les évènements se reproduire ?
Face à cette angoisse et celle de perdre ses proches, une réponse juste s'impose : "il y a très peu risque que cela se reproduise", en insistant sur le caractère exceptionnel de l'événement. Une réponse honnête régule mieux l'angoisse qu'une réponse mensongère, pseudo-rassurante, dont l'enfant perçoit le plus souvent le caractère factice. En cas d'angoisse persistante ou intense, il est recommandé d'en parler à un psy (psychologue, psychiatre).
La solidarité et l'amour pour repousser la peur
Les points positifs sont essentiels à souligner : les parents insistent sur l'immense réaction de solidarité des gens les uns envers les autres, sur le sentiment d'appartenir à une communauté solidaire, sur laquelle on peut compter. La minute de silence observée à midi est un bel exemple de geste rituel, soulignant cette appartenance.
D'autres actions seront également entreprises dans les collèges et lycées dans ce sens. Il y a une réaction nationale : tout le pays se redresse pour agir et faire en sorte que ces horreurs ne se reproduisent plus. Allumer une bougie le soir peut aider l'enfant à passer du statut de victime, dans lequel il se sent parfois, à celui de personne agissant.
Dans un entretien du 8 janvier 2015, après les attentats de Charlie Hebdo, la pédopsychiatre Catherine Jousselme conseillait de montrer notre confiance dans les institutions de l'état pour nous protéger, pour rassurer les enfants. Car ils ont besoin de savoir que les parents et la société sont là pour les protéger. Les adultes doivent donc leur rappelr qu'ils sont là aussi pour veiller sur eux, non pas comme un super héros mais sur le plan affectif, en étant là pour eux, avec eux. La meilleure façon de répondre à ce type d'évènements est de continuer à vivre normalement…
Quand consulter ?
Il est normal d'être angoissé mais lorsque les signes durent plus de quelques jours il faut consulter :
- Chez les plus jeunes, quand ils régressent (par exemple, si votre enfant refait pipi au lit alors que la propreté était acquise ou qu'il a besoin de son doudou), qu'ils manifestent des troubles du sommeil.
- Chez les plus grands, s'ils montrent des signes d'angoisse de séparation au moment d'aller se coucher ou d'aller à l'école.
- Si l'enfant ne retrouve pas son entrain habituel, qu'il se désintéresse de ses activités, qu'il en invente d'autres en lien avec les évènements.