Discrimination professionnelle des malades : que dit la loi ?
Selon le dernier baromètre sur les discriminations au travail, publié mi-janvier 2013, par le Défenseur des droits, les conditions de santé des salariés sont encore largement source de pressions professionnelles. Parmi les personnes déclarant avoir été victimes de discrimination, 12% estiment en effet que celle-ci était relative à leur état de santé. Une maladie chronique non invalidante chez un collègue reste "source de malaise" pour une proportion analogue d'employés. Comment ces situations sont-elles abordées par la législation française ?
L'article 225-1 du Code pénal identifie toute forme de discrimination à un délit. Il s'agit là d'un principe d'airain, encadré et précisé par de nombreux articles du Code du travail. Vis-à-vis des questions de santé, le droit français est particulièrement protecteur.
L'état de santé d'un individu relève de sa vie privée
La loi considère en effet que l'état de santé d'un individu relève de sa vie privée. De fait, nul n'est tenu de dire à son employeur, ou futur employeur, qu’il est malade ou en situation de handicap. Si l'on possède ou acquiert le statut de travailleur handicapé et que l'on souhaite en informer l'employeur (par exemple pour bénéficier des quotas d'embauche aux personnes handicapés), rien n'oblige à préciser à quiconque la nature du handicap.
Tout se passe en réalité entre le salarié et le médecin du travail. Celui-ci, tenu au secret professionnel, ne transmet à l’employeur qu’une information sur l’aptitude de son patient à effectuer les tâches qui lui sont confiées. En d’autres termes, tant qu’une maladie ou un handicap qui n’interfère pas avec les fonctions d’un poste, la médecine du travail reste bouche cousue.
Dans la mesure où la sécurité des individus entre ici en jeu, les articles 225-3 du Code pénal et L1133-3 du Code du travail précise reconnaissent qu’une forme de "discrimination" s’applique de façon absolument nécessaire. Pourtant, même en cas d’inaptitude constatée, le médecin du travail est encore une fois du côté du salarié. En vertu de l’article L4624-1 du Code du travail, ce praticien "est habilité à proposer [à l’employeur] des mesures individuelles telles que mutations ou transformations de postes. […] L'employeur est tenu de prendre en considération ces propositions et, en cas de refus, de faire connaître les motifs qui s'opposent à ce qu'il y soit donné suite."
En cas de difficulté ou de désaccord, l'employeur ou le salarié peut exercer un recours devant l'inspecteur du travail. Ce dernier prend sa décision après avis du médecin inspecteur du travail.
Phase de recrutement et période d’essai
Qu'en est-il pour les personnes nouvellement embauchées ? Comme le précise l’article L1132-2 du Code du travail est explicite : "aucune personne ne peut être écartée d’une procédure de recrutement ou de l’accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte […] en raison de son état de santé ou de son handicap".
Cependant, tout nouvel embauché est soumis à une période d’essai, destinée à permettre son employeur d'évaluer ses compétences (et au salarié d'apprécier si les fonctions occupées lui conviennent !). Si la durée de cette période d’essai dépend des différentes conventions collectives, une donnée commune reste que "pendant ou à l'issue de [cette période], le contrat de travail peut être rompu librement par l'employeur ou le salarié. Ni l'employeur ni le salarié n'ont l'obligation de motiver leurs raisons."
C'est là l'un des écueils de la loi, puisque l'état de santé du salarié peut très bien être la raison dissimulée de son licenciement… et il est extrêmement difficile de le prouver. Les annales judiciaires comptent néanmoins quelques rares affaires où des employeurs, ayant révélé devant témoins les motivations malhonnête d'une interruption de contrat, ont été condamnés aux prud’hommes.
Un arrêt maladie ne protège pas d'un licenciement
Le droit considère cependant que certaines situations liées à l’état de santé d’un salarié placent l’entreprise qui l’emploie dans une situation difficile. C'est essentiellement des arrêts maladies de très longue durée. Une absence prolongée est un effet un motif légalement acceptable de licenciement. Cependant, l'absence pour raison de santé est intégrée dans le texte de la plupart des conventions collectives : de ce fait, un employeur ne peut généralement pas licencier sur ce motif au cours de la première année d’absence. De nombreux cas, dans chaque branche professionnelles, font aujourd’hui jurisprudence en ce domaine.
Pour ce qui est des absences liées à la grossesse, la loi est enfin extrêmement protectrice, et s'érige en bouclier absolu contre tous les abus.
En cas de discrimination constatée, pour raison de santé ou pour tout autre motif, il est conseillé au salarié de s’adresser en premier lieu au Défenseur de droits. Au service du citoyen, il peut orienter chacun, au cas par cas, vers les instances des Prud’hommes, une cour pénale, un syndicat ou l’inspection du travail.
Merci à Stéphane Gobel, coordinateur de la ligne d’information du Collectif Interassociatif Sur la Santé (CISS), pour ses très nombreux éclaircissements !
En savoir plus
Sur Allodocteurs.fr :
Et aussi :
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Collectif Interassociatif Sur la Santé (CISS)
Fiche d'information sur l'inaptitude médicale des salariés (PDF)
- Défenseur des droits
Sixième baromètre sur les discriminations au travail, 14 janvier 2013.