Gonorrhée (blennorragie) : une MST bientôt intraitable ?
L'OMS publie aujourd'hui, mercredi 5 juin 2012, un appel aux gouvernement et spécialistes pour accroître la surveillance d'une souche de gonorrhée devenue résistante à tous les traitements.
C'est une infection sexuellement transmissible (IST) dont on parle peu, mais qui touche pourtant chaque année plusieurs millions de personnes dans le monde et qui pourrait en toucher encore plus : la gonorrhée, infection à gonocoque, blennoragie ou mieux connue encore sous le nom de... "chaude pisse".
D'après l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS), cette infection bactériologique deviendrait de plus en plus résistante aux traitements.
Si elle est asymptomatique dans 50 % des cas, cette maladie n'est pas anodine du tout à terme. Ses premiers symptômes sont surtout gênants, il s'agit d'inflammations douloureuses des appareils génitaux caractérisées par des écoulements de pus et des sensations de brûlures en urinant. Mais quand elle s'aggrave, elle peut entraîner un risque accru de grossesses extra-utérines. L'infection peut mener à l'infertilité, plus fréquemment chez la femme mais également chez l'homme, en plus de faciliter la transmission du VIH. Elle peut aussi se transmettre au bébé quand la mère est atteinte : 50 % des nourrissons nés d'une maman qui a contracté des gonorrhées courent le risque de développer des infections des yeux et de perdre la vue.
Une souche particulièrement résistante
En 2011, une équipe de chercheurs internationale avait alerté sur une nouvelle souche de la bactérie ultra-résistante. Les gonorrhées sont normalement traitées par des antibiotiques. Mais elles pourraient devenir prochainement intraitables : peu à peu, les antibiotiques utilisés sont devenus inefficaces. Des cas d’échecs de traitement ont déjà été remarqués au Japon, en Grande-Bretagne ou encore en Norvège. Même les céphalosporines, la classe d'antibiotiques considérée comme le dernier rempart contre cette infection, se révèlent inefficaces dans ce cas précis de gonorrhée résistante.
Pour le Dr Fabrice Bouscarat, dermatologue vénérologue au centre de dépistage de l'hôpital Bichat à Paris, c'est une très mauvaise nouvelle : "les résistances des gonocoques à certaines molecules antibiotiques ne sont pas nouvelles, on les constate en Asie du Sud-Est depuis une dizaine d'années. Contre les plus résistantes, le traitement par céphalosporine en intramusculaire était efficace, mais on le prescrit rarement. Le problème c'est qu'en général les médecins traitent les gonocoques de manière systématique avec des antibiotiques moins forts. La maladie risque donc de se propager, d'autant plus qu'elle est asymptomatique dans la moitié des cas chez les femmes".
L'OMS appelle aujourd'hui les gouvernement et les spécialistes à renforcer la surveillance des cas de gonorrhées résistantes. Elle recommande aussi, un effort de recherche en matière de nouveaux antimicrobiens.
Des tests et des recherches encore insuffisantes
D'après les scientifiques, deux raisons expliquent ce phénomène : on utilise trop fréquemment des antibiotiques, mais en outre les gonorrhées ont une capacité d'adaptation particulière.
"Le problème, ajoute le dr Fabrice Bouscarat, c'est que les molécules antibiotiques ne font pas vraiment partie des priorités dans le domaine de la recherche. Personnellement, je n'ai pas encore constaté de telle résistances dans mon centre de dépistage, mais ce qu'on pourrait préconiser, c'est de rendre systématique les prélèvements biologiques en cas de gonocoques pour savoir à quelle souche on a affaire et prescrire l'antibiotique le plus adapté. Car les traitements systématiques ne seront plus efficaces. Sauf que dans la plupart des pays, on ne fait jamais de tels prélèvements. Si on continue comme ça, les souches résistantes vont se multiplier et nous serons démunis".
La gonorrhée est l'une des infections transmises sexuellement les plus fréquentes dans le monde. Chaque année, dans le monde, environ 106 millions de personnes seraient infectées par le gonocoque.
Source : "Sex bug growing resistant to drugs, WHO warns", Associated Press/Yahoo News, 6 juin 2012